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3 principes d’une entreprise libérée (Partie 3)

Pour illustrer les principes d'inspiration, de liberté d'expression et de maturation, j'ai demandé à Gilles-Noel Poirieux, Président de l'association de Dirigeants EVH (Vers une entreprise vivante par et pour des femmes et des hommes vivants) de les commenter avec moi.

Prenez connaissance des 3 nouveaux principes dans notre vidéo:

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Le principe d'inspiration: une vraie alternative à notre frénésie de cadrage

C'est un principe clé car c'est sur lui que s'appuie toute bonne méthode de libération. Vous avez cadré vos projets au millimètre pendant 20 ans et il s'agit maintenant de lâcher prise sur vos réflexes cartésiens pour laisser fleurir l'énergie de la confiance. 

Nous avons plusieurs fois rappelé que l’entreprise libérée n’est pas un concept répondant à des méthodes bien ficelées permettant d'atteindre les résultats espérés. À chaque entreprise de se frayer son chemin!

Libérer les initiatives et les énergies, en s'appuyant sur le principe de cadrage que nous avons déjà présenté dans une chronique précédente, vous demande de ne plus tout organiser, de ne plus vouloir tout prévoir. Vous aurez un succès inattendu si vous créez un écosystème qui permet de révéler l'inattendu. 

Inspirer avec des idées nouvelles ou des bonnes pratiques, chez les autres comme chez vous, permet de se frayer son propre chemin de libération. Cela devient l'un des rôles fondamental du management: inspirez-expirez, inspirez! 

Et vous, Gilles-Noël Poirieux, que vous inspire ce principe d'inspiration?

gilles-noelGilles-Noël Poirieux, Président de l'association de Dirigeants EVH: Oui, je partage complètement! J'ai pris l'habitude de m'inspirer par des voyages et visites, comme j’ai pu le faire il y a quelques années en tant que DG de Sodexo Pologne en allant avec 3 collègues à la rencontre du DG de Sodexo Colombie découvrir comment ses gérants de sites avaient pu se responsabiliser et prendre en charge eux-mêmes les ventes de services à leurs clients.   

Grace à ce voyage, suivi par d’autres effectués par mes collaborateurs, la confiance en nous s’est notablement ancrée avec des phrases comme: «si les colombiens ont pu le faire, pourquoi pas nous les polonais?!». Et pour garder à l’esprit notre âme de conquérants, qui en entrepreneurs aiment aller là où les autres ne vont pas, mes équipes nommèrent notre projet «Eldorado».

Je m'inspire également de conférences et de lectures. En participant à la conférence des ressources Humaines du 21ème siècle, à Varsovie, plusieurs d’entre nous découvrirent Vincent Lenhardt, une référence du monde du coaching en France, qui nous recommanda la lecture de son livre «Oser la Confiance». Ce livre raconte l’aventure étonnante de la libération, et du retournement complet de la société Sulzer par ses salariés, avec le brio de la référence en terme de patron libérateur qu’a été pour nous à EVH son fondateur, Bertrand Martin. Ce livre est devenu notre livre de chevet, tellement puissant et actuel, qu’il vient d’être réédité et modernisé par des ajouts de vidéos au fur et à mesure de sa lecture. Il reste l’une des sources d’inspiration majeure des dirigeants en transformation au sein d’EVH, auquels se sont désormais rajoutés les livres de Isaac Getz et bien sûr le «reinventing organizations» de Frédéric Laloux. 

Les dirigeants d’entreprises «libérantes» de notre association EVH ne cessent d’encourager leurs équipes à se visiter mutuellement partout en France: les commerçants de Kiabi ou de SAMSE visitant les transporteurs routiers de GT Location, ou les opérateurs de maintenance de Kbane et vice versa. Ceux qui lancent leur démarche vont rendre visite à ceux qui l'ont déjà démarré.  

Pour ceux qui préfèrent les vidéos, je recommande le témoignage très inspirant de Bertrand Cunaud de Kbane, Groupe Adeo – Leroy Merlin. Il devrait être visionné dans toutes les écoles de France, tout comme par tous les jeunes dirigeants et leurs équipes qui se mettent en mouvement.

Lâcher prise, être dans la simplicité, l’authenticité et l’écoute pour autoriser ce «devoir» d'inspiration, générateur d'idées et d’actions nouvelles dans toutes les strates et recoins de l’entreprise. Voilà comment la position basse du dirigeant, humble et avec ce «regard confiant qui envisage» (au lieu du regard suspicieux qui dévisage) est source de confiance et permet cette inspiration qui contribuera à réduire la soumission des hiérarchies les unes aux autres. 

Le principe de liberté d'expression: le respect de la singularité des personnes ou la force de l'engagement individuel 

S’exprimer, c’est donner son point de vue (sur la stratégie, les objectifs, l’organisation du travail – la sienne et celle des autres, etc…). En libérant la parole et en respectant la singularité de chaque point de vue, vous permettez à chacun de prendre part dans une aventure collective. L'engagement passe nécessairement par une confrontation de ses idées avec celles que l'on nous expose. Mais ne vous attendez pas à ce que tout le monde s'exprime à la première occasion. S'exprimer avec authenticité est un acte fort, plus pour certains que pour d'autres. Et de votre capacité à accepter les différences de points de vue dépendra votre propensions à générer un terreau fertile à l'expression. 

S'exprimer, c'est aussi plus large que le seul fait de prendre la parole. La plus belle des expressions est aussi la prise d'initiatives à chaque niveau de l'organisation. Libérez les initiatives, libérez le «travail empêché», en donnant à chacun la possibilité d’entreprendre ce qu’il pense utile pour atteindre les objectifs visés par l'entreprise. Encore un cran au dessus, cette capacité de l'organisation à générer un climat de confiance qui permet d'initier facilement, est aussi intimement lié à la capacité qu'ont les individus à prendre des risques. Prendre des initiatives, cela va toujours de pair avec la responsabilité. Et prendre de mauvaises initiatives sont autant de situations d'apprentissage qu'il faut soigneusement appréhender pour débloquer le déficit d'engagement qui existe dans beaucoup de nos entreprises. 

Et vous, Gilles-Noël Poirieux, qu’en pensez-vous?

J'adhère à 200 %. Grace à la liberté d’expression, il est possible d’aller chercher la moindre parcelle d'intelligence de chacun des membres de ses équipes! C’est un booster pour l’entreprise qui permet richesse et solidité pour les ambitions et plans d'actions qui seront ensuite décidés ensemble.

L'intelligence des situations des hommes et des femmes de terrain, mais aussi leur bon sens, sont des sources vivantes de progrès et d'innovation. Plus ils seront divers et plus les initiatives pourront s'enrichir les unes des autres. Quel gâchis que de ne pas les écouter dans tant d’entreprises et partis politiques! Le témoignage de Denis Trémeau, DG d’Eurenov, ci-après, en est une fort belle illustration: 

«Dans les tous premiers jours de janvier 2006, comme chaque année, je fais le tour de l’atelier et des services pour souhaiter une bonne année à chacun des salariés. Et arrivé à hauteur de Patrice, chef d’équipe d’un atelier, je lui dis: «Patrice, bravo pour tout ce que vous avez fait l’année dernière! Entre la formation des monteurs de votre équipe, la relation avec le service commercial pour l’informer en particulier des délais, la rigueur dans la mise à jour des nomenclatures et la préparation avec le service maintenance pour le déplacement des machines durant l’été dernier, vous avez pris une nouvelle dimension et tout le monde vous sent vraiment serein dans l’exercice de votre responsabilité, bravo!» Je n’avais pas fini la fin de ma phrase que Fabrice, presque gêné de le dire, enchaîne «mais Monsieur Trémeau, c’est normal, vous nous donnez l’autorisation…» Or c’est un mot que je n’avais jamais prononcé devant qui que ce soit dans l’entreprise (cela aurait eu à mes yeux un côté ridicule et condescendant) et c’était un «N-3» par rapport à moi. Cela sous-entendait que mon engagement et surtout mon comportement dans cette responsabilisation et la confiance accordée dans le challenge et la protection pour le redressement de la société avait traversé «naturellement» trois niveaux hiérarchiques, et ce sans l’avoir affiché en tant que tel; cela reflétait aussi tellement ce que je voulais mettre en place dans l’entreprise et qui m’animait au plus profond de moi-même, que cette réaction immédiate m’est allée droit au cœur; c’est je crois le signe de reconnaissance professionnelle et humaine qui m’a le plus marqué de toute ma vie professionnelle: j’étais touché au plus profond de moi-même, dans une zone indicible que Fabrice révélait en toute simplicité et authenticité.»

Le principe de maturation: apprendre chemin faisant en prenant le temps utile 

J'ai appris le phénomène de maturation dans l'agroalimentaire lorsque je travaillais pour une coopérative agricole qui s'occupait de la viande bovine. Et c'est tout à fait la bonne analogie! 

Laissez du temps pour ajuster au fur-et-à mesure votre démarche.

Il faut se convaincre des logiques d'apprentissage chemin faisant. Des logiques d'interactions et d'itération. Mettre l'entreprise en conversation est un enjeu majeur de l'entreprise libérée et le chemin pour cela est singulier à chaque personne. Le temps de votre démarche est celui qui permet à chacun de trouver une place dans ces nouveaux mécanismes de régulations. 

Au même titre que vous allez prendre le temps avec vos collaborateurs en leur laissant choisir le moment de s'engager dans la démarche, vous allez gérer votre évolution sur le principe de maturation: en laissant le temps et les énergies positives faire des émules plutôt qu'en imposant des jalons et délais à tous les niveaux. 

Gilles-Noël Poirieux, toujours en phase?

Bien sûr! Le temps est différent pour chacun et il faut s’autoriser à prendre le temps de la maturation. Sur la courbe du changement, la durée d'un deuil diffère d'un être humain à l'autre! C'est ce qui fait notre unicité en tant qu'êtres vivants! Pour se donner de plus grandes chances de réussite, et ce même pour une Business Unit mise sous cloche dans un grand Groupe, il convient de libérer tous les niveaux en même temps, afin que les plus avancés sur chaque niveau aident ceux qui ont du mal! Et bien sûr encourager les échanges naturels entre niveaux aussi! 

Sodexo Pologne poursuit sa quête d’être une entreprise libérante et responsabilisante, donc plus attirante dans ses recrutements, plus fidélisante pour ses collaborateurs. Pourtant, je sais que certains contrôleurs de gestion, au combien nécessaires dans notre industrie, dubitatifs d’entrée, le sont encore des années après, sur certaines initiatives non encore abouties. Il faut tout simplement l’accepter et le prendre en compte!  

«Hâte-toi lentement» est-ce que l'on peut souhaiter de meilleur à ces démarches qui, pour vivre, doivent être respectueuses de l'écologie personnelle de chacun. Et pour prendre conscience de l’évolution managériale en émergence, je recommande de visionner l’auteur des «clefs du futur» de Jean Staune, par ailleurs grand spécialiste de l’écologie bleue.

Retrouvez prochainement 3 autres principes…

En attendant, réagissez, commentez et transférez!

bertrand-dalle

 

Bertrand Dalle est le fondateur de Conseil & recherche et larecherchecollaborative.com.

 

 

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