Brexit: les entrepreneurs français du digital et les VC face à la sortie de l’UE
Le moment est historique; la Grande-Bretagne a choisi d'acter sa sortie de l'Union européenne. Quelles conséquences pour les entrepreneurs français du digital qui ont un pied, voire plus, de l'autre côté de la Manche? Comment ont-ils réagi? Comment vont-ils redéfinir leur stratégie?
Arnaud Dassier, Président Eclypsia, Directeur associé Allomedia, et entrepreneur français basé à Dashford: «Le Brexit ne m'a pas surpris. Ayant une entreprise anglaise, j'ai vu la montée de colère des Anglais face au changement de leur pays imposé par l'Europe : immigration massive des pays de l'Est, la réglementation européenne excessive, l'inefficacité européenne, etc.
Je ne suis pas excessivement pessimiste sur les conséquences économiques. A court terme, cela va secouer un peu. Certains ajustements seront difficiles. L'Angleterre perdra peut-être quelques installations de sièges sociaux. Mais globalement, la suprématie des intérêts économiques et commerciaux prévaudra, la mondialisation submerge les contraintes de l'Union européenne.
L'agilité et la liberté que va récupérer l'Angleterre peut être un atout pour elle dans le contexte de la mondialisation. De son côté, l'Europe est plombée par son modèle bureaucratique, social (pour ne pas dire socialiste), et par l'euro. Et le départ de la libérale Angleterre ne va pas arranger les choses. Bref, je ne suis pas très inquiet pour l'Angleterre. Elle va garder son leadership économique, notamment dans le digital.»
Yassine Lahlou, country Manager France de Yeeply: «Nous avons lancé l'expansion de Yeeply sur le marché britannique depuis moins d'un an et une sortie de l'UE pourrait freiner notre bonne évolution. Nous avions choisi l'Angleterre (Londres) en tant que pays tête-de-pont pour pénétrer le marché anglophone au vu de la facilité d'implémentation et attractivité économique offertes. La sortie de l'Angleterre de l'Union Européenne entrainera bien évidement une révision de notre stratégie actuelle. La forte dévaluation de la Livre Sterling prévue aura certainement des conséquences sur nos prospects/clients et donc sur Yeeply.
Nous avons des projets en cours en Angleterre et cette sortie aura des conséquences certaines sur notre activité car nous perdrons immédiatement la libre prestation de services. Toutefois, Yeeply maintiendra son activité à Londres même si le développement de ses projets actuels et futurs se fera plus difficilement. Un Brexit pourra aussi nous être bénéfique si une partie de l'activité économique venait à se replier sur la France et l'Allemagne, deux pays dans lesquels nous sommes présents et très actifs.»
Omri Benayoun et Romain Lavault, General Partners chez Partech Ventures, pour Citya.m: «Chez Partech Ventures, nous investissons dans des start-up de la Tech partout dans le monde, depuis nos bureaux à San Francisco, Paris et Berlin. Ces douze derniers mois, nous avons plus investi au Royaume-Uni que dans d'autres pays européens, et autant qu'aux Etats-Unis.
(…) Pourquoi sommes-nous si actifs au Royaume-Uni? Parce qu'au pays d'Excalibure, du Roi Arthur et des licornes, la scène Tech est remarquable. C'est là que sont localisées 40% des meilleures start-up européennes, avec plus de sociétés valorisées plus d'un milliard de dollars qu'en Suède, en Allemagne, et en France réunies.
(…) Le Royaume-Uni est une très bonne plateforme pour les entreprises qui souhaitent se développer à l'international, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe continentale. Le pays joue son rôle de pont culturel depuis près d'un siècle, et l'écosystème Tech en a bénéficié depuis les années 1990. Nous continuerons à investir au Royaume-Uni quoiqu'il arrive. (…)»
Jean-Christophe Bonis, Directeur de la stratégie et de la recherche, Oxymore Inc (Paris et Londres): «Cataclysme, tempête, effondrement, inconnu, révolution… Depuis le milieu de la nuit et l’annonce de la victoire du Brexit, tous les qualificatifs nous sont servis par les médias et les hommes politiques à travers la planète. Bien entendu, l’événement est aussi important historiquement que la chute du mur de Berlin, il y a 27 ans, et sera le catalyseur d’une restructuration européenne de grande ampleur. Politiquement source de grandes instabilités ces prochains mois, il n’en est pas moins une tempête dans un verre d’eau pour la grande famille de l’Internet et son écosystème.
Car, au risque de choquer, cela ne va rien changer sur le fond pour les startups et nous autres entrepreneurs. Notre marché est déjà mondial et sans frontière! Les cartes vont certes être redistribuées, avec leurs lots de gagnants et perdants, mais cela est loin de m’empêcher de dormir! Qui s’est lancé dans l’aventure extraordinaire de l’entreprenariat, est rodé aux environnements instables et complexes. Cela sera au contraire source d’opportunités extraordinaires sur de nombreux marchés. A chaud, j’aurais donc tendance à vous dire comme le gendarme de Saint Tropez en ce début de période estivale: “Circulez! Il n’y a rien à voir!”»
Cédric Brochier, General Manager de Vivastreet: «A titre personnel, je suis profondément attristé par les résultats de ce vote en tant que français installé à Londres depuis bientôt 9 ans. A très court terme, l’impact du Brexit pour notre business sera avant tout lié à la fluctuation des taux de changes (vu que nous opérons dans 13 pays avec 9 monnaies différentes), à moyen terme cela aura vraisemblablement un impact sur notre capacité à faire venir des talents des différents pays membre de l’U.E. (nous avons en interne plus de 18 nationalités ce qui est une vraie richesse pour notre entreprise).
D’un point de vue plus global, ce vote va créer de l’incertitude, et le doute, ce qui n’est jamais positif pour les investisseurs. A mon sens, à court terme, cela freiner les investissements dans les start-ups surtout celles qui proposent de ventes de biens et de services entre les différents pays européens et l’Angleterre, et ce, à cause des modifications de régulations et réglementations.»
Erik van Rompay, Porte parole du groupe European Disruptors de la Commission Européenne: «Le Brexit : regardons d’abord chez nous! Pour ceux qui prônent l’innovation de rupture… le Royaume-Uni vient de nous en livrer un bel exemple. Ils ont fait un choix de rupture pour mieux innover dans leur pays.
Il est facile de dire que nos Institutions européennes doivent changer mais ce sont nos propres politiciens qui y siègent. Dans le numérique et les nouvelles technologies, il est nécessaire que nos propres élus apprennent de ce nouveau monde. Si l'on regarde rapidement les initiatives proposées cette année, il y a effectivement la volonté de créer un marché digital unique, initiatives qui ont été mal traduites par notre classe politique. L'une de ces initiatives doit par exemple permettre d'améliorer la diffusion de la culture au sein de l’Europe. Or cette diffusion doit se faire grâce à des DVD. Pourquoi nos élus ont-ils pris cette décision? certainement parce qu’ils connaissent tous les DVD (peut-être grâce à leurs petits enfants) mais très peu connaissent les plateformes de streaming. C’est ce manque de connaissance numérique qui cause problème, et non quelques technocrates de l’Europe.
Dans le même ordre d'idée, nous avons en France l'écosystème d’innovation numérique le plus intéressant au monde, si l'on écoute le discours politique, mais on n'y voit pas suffisamment de succès commerciaux, (le discours du terrain). Il est grand temps d’aligner les environnements d’innovation, industriels et politiques pour éviter de multiples Brexits au sein de notre société.
Le Brexit nous montre que le moment est venu de refondre, de réinventer notre manière de diriger le pays avec une politique qui s’aligne au plus près des réalités du terrain. Après un Brexit, on risque un Elyséexit.»
Denis Jacquet, Président de Parrainer la croissance: «Le risque est grand, pour celui qui joue avec le feu, de se brûler. David Cameron vient d'en faire l'apprentissage. Le moment est peut-être venu de prévoir, à notre tour, un tapis rouge pour les entreprises anglaises! "Le malheur des uns…"
Le Royaume-Uni a toujours eu "un pied dedans et un dehors". Il est possible que le fait de les avoir tous les deux au même endroit lui réussira, ou pas. Les Britaniques réaliseront ainsi qui de l'Albion ou de la CEE était le plus perfide. Nous ne connaîtrons peut-être pas la catastrophe annoncée, en revanche le risque de contamination est fort. Organiser le même référendum dans certaines régions françaises produirait un résultat similaire.»
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