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Ce qu’il faut comprendre de l’amende de 13 milliards d’euros infligée à Apple

Très attendue depuis quelques jours, la sanction de Bruxelles à l’égard d’Apple est tombée ce mardi 30 août. Beaucoup plus sévère que le milliard d’euros attendu, la firme de Cupertino s’est vu condamner à payer une amende de 13 milliards d’euros, plus les intérêts, à l’Etat irlandais.

L’enquête dirigée par la commissaire Margrethe Vestager aura duré trois ans. Ses conclusions pointent des accords contraires au droit européen. Autrement dit, Bruxelles estime que le gouvernement irlandais a créé une aide d’État sur-mesure pour maintenir le géant américain sur son sol dans les meilleures conditions.

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Pour rappel, le chiffre d’affaires d’Apple atteignait 42,4 milliards de dollars sur le troisième trimestre (de son exercice décalé). Le bénéfice net s’élevait à 7,8 milliards de dollars. La Commission demande ainsi l’équivalent du double de son bénéfice net, généré sur un seul trimestre.

  • Cette amende est la sanction financière la plus lourde infligée par l’Union européenne.
  • Le précédent record était détenu par EDF, condamné à verser 1,4 milliard d’euros à l’Etat français l’an passé dans le cadre d’une exonération d’impôt sur les sociétés obtenue par l’opérateur entre 1987 et 1996.
  • Implanté en Irlande depuis 1980, Apple n’aurait pas payé la moindre taxe jusqu’en 1991 et aurait par la suite bénéficié d’un traitement de faveur. La firme de Cupertino devait ainsi payer un impôt sur les bénéfices d’à peine 1%, contre les 12,5% en vigueur. «L’Irlande doit maintenant récupérer les impôts impayés par Apple sur son territoire entre 2003 et 2014, à savoir 13 milliards d’euros, plus les intérêts», a écrit l’éxécutif européen dans un communiqué.
  • Margrethe Vestager, commissaire en charge de la concurrence, a indiqué les éléments qui ont permis de détecter un tel arrangement : «En 2011, Apple Sales International a réalisé un bénéfice de 16 milliards d’euros. Moins de 50 millions d’euros ont été alloués à la branche irlandaise. Le reste, la grande majorité, a été alloué au soi-disant siège où ils sont restés non-taxés. Pour chaque million d’euros de bénéfices, Apple a payé seulement 500 euros de taxes.»

 

Les suites de la condamnation

  • Après l’annonce de cette sanction, Dublin compte faire appel de cette décision. «Je suis en profond désaccord avec la décision de la Commission», a déclaré Michael Noonan, le ministre des Finances irlandais. Avant d’ajouter : «Cette décision ne me laisse pas d’autre choix que de demander l’approbation du gouvernement pour faire appel.»
  • Dans la foulée de l’Etat irlandais, Tim Cook, le PDG d’Apple, n’a pas tardé à faire part de son mécontentement dans une lettre ouverte. «La Commission européenne est en train de s’efforcer à réécrire l’histoire d’Apple en Europe, ignorer les lois fiscales de l’Irlande et bouleverser le système fiscal international (…) Cette allégation d’offre spéciale sur nos impôts n’a aucun fondement en fait ou en droit», a-t-il dénoncé.
  • Comme l’Irlande, Tim Cook s’apprête également à faire appel de la décision prononcée par l’organe européen. «L’Irlande a déclaré qu’elle envisage de faire appel de la décision de la Commission et Apple va faire la même chose. Nous sommes convaincus que l’ordonnance de la Commission sera inversée», a déclaré l’homme fort de la firme de Cupertino.
  • Au Nasdaq, l’action d’Apple était en baisse de 0,93 point à 105,89 dollars lors des premiers échanges de la journée mardi.

 

L’avis de Bruno Vanryb, fondateur et président de Be Brave

bruno-vanryb-2«Ne pas confondre dumping fiscal et évasion fiscale»

«La première chose qui ressort de la décision de la Commission européenne, et c’est une innovation majeure, c’est le montant colossal de l’amende, comparable à celles que peut infliger les États-Unis. Cela montre que la Commission européenne a pris le problème de non-fiscalité des GAFA à bras le corps. Le principal impact de cette sanction, c’est le caractère « trust » que cela implique. Jusqu’où peut-on accepter qu’une entreprise dispose d’un monopole sans que cela n’entraîne une stérilisation de l’innovation ?

L’objectif n’est pas de détruire ceux qui ont réussi mais de s’assurer que l’on ne va pas trop loin. Dans le cas d’Apple, il ne faut pas confondre dumping fiscal et évasion fiscale. Il s’agit de dumping fiscal puisque l’Irlande a fait des remises pour attirer Apple sur son territoire. A mes yeux, cela soulève une question : l’Irlande a-t-elle le droit de baisser sa fiscalité pour attirer des entreprises ? Les États-Unis ont menacé de réagir en cas d’amende infligée à Apple par Bruxelles mais c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Il n’y a pas plus protectionniste que les États-Unis et la Chine.

Il est important que l’Europe se défende à des niveaux comparables aux États-Unis. Il est logique et normal de payer des impôts là où l’on vend. Sinon, cela crée une distorsion de la concurrence. Cependant, je ne voudrais pas que cette affaire soit vue comme une solution au non-paiement des impôts par les entreprises.»

L’avis d’Erik Van Rompay, expert en stratégies d’innovation, porte-parole du groupe Europeans Disruptors de la Commission européenne

Erik Van Rompay«Une réaction américaine est à prévoir»

«Le vrai sujet, c’est le souhait de la Commission européenne d’instaurer une égalité de traitement entre les entreprises. Il n’est pas possible d’avantager une entreprise, comme cela a été le cas pour Apple avec l’Etat irlandais. De plus, l’Irlande reçoit beaucoup d’argent de l’Union européenne, notamment avec le Feder (Fonds européen de développement économique et régional), pour ses régions. Dans ces conditions, la Commission veille à ce qu’il n’y ait pas de distorsion du marché. On en arrive à un point où ce n’est plus possible que les entreprises ne paient pas leurs impôts dans les pays où les sociétés font des bénéfices.

Avec la crise économique, l’Europe a besoin d’argent. Par conséquent, Bruxelles ne veut pas que l’argent qui sorte soit mal utilisé. Cependant, il y aura sûrement une réaction américaine. Je ne sais si elle sera efficace ou pas mais ce sera sûrement à la charge du prochain président américain. Les États-Unis ont souvent la main lourde lorsqu’il s’agit de sanctionner des entreprises, à l’image des pénalités infligées à la BNP Paribas ou de ce qui se passe avec Volkswagen. Certes, l’Irlande a donné trop d’avantages fiscaux à Apple mais je ne pense pas que ce soit la seule entreprise dans ce cas en Irlande. Cette affaire pose une question : Jusqu’où peut-on fixer la limite d’avantages fiscaux pour les pays qui veulent attirer des entreprises ?»

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