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[Civic Tech] Le numérique peut-il améliorer les démocraties? Partie 4

Dans cette quatrième partie sur l’impact du numérique sur le fonctionnement des démocraties, après une entrée en matière sur les raisons pour lesquelles la soif de démocratie participative grandit, une seconde partie passant en revue les grandes applications du numérique en politique, et une troisième sur les civic techs, nous allons passer à une autre forme de démocratie participative: celle qui vise à promouvoir des candidats issus de processus participatifs aux élections, comme LaPrimaire.org.

Nous verrons que ces processus, sous des dehors sympathiques, ont bien du mal à monter en puissance. Et si elle avait lieu, elle reprendrait presque à l’identique les travers de la démocratie représentative traditionnelle. Et le numérique n’y est pour rien. Il leur manque généralement la capacité à créer une doctrine complète pour présenter un candidat, un leader de bon niveau et surtout, une équipe associée. On a au contraire, des gens plus ou moins brillant et isolés, des équipes sans leader, ou des projets qui sont des copies de programmes politiques existants couvrant l’échiquier politique en place, qu’il s’agisse de partis de gouvernement ou pas.

Quand la démocratie participative se veut représentative

Des civic techs d’une catégorie bien à part veulent s’intégrer dans le fonctionnement de la démocratie participative via la sélection de candidats par un processus qui démarre sur Internet. Elles fonctionnent toute via un processus bottom-up de sélection des idées et des gens, le but étant de s’intégrer dans la démocratie représentative traditionnelle. En France, l’approche est pour l’instant symbolique et expérimentale.

En Espagne, le parti Podemos l’a adoptée avec un certain succès électoral, étant devenu la troisième force politique du pays juste derrière le parti socialiste et le parti social démocrate local. A ceci près qu’elle a fonctionné au niveau des législatives alors que les initiatives françaises couvrent essentiellement la présidentielle. Et pour cause, le régime politique français est à dominante présidentielle tandis que celui de l’Espagne est parlementaire comme dans la majorité des pays européens. Podemos est né début 2014 de l’initiative d’une trentaine d’intellectuels de gauche en sciences politiques, économie et philosophie souhaitant consolider dans un parti politique les mouvements des indignés qui étaient faiblement structurés, partout dans le monde. Le parti a un dirigeant qui n’a pas changé depuis sa création, Pablo Iglesias Turrión. Il repose beaucoup sur une mobilisation populaire citoyenne à la fois participative et représentative, et sur Internet. La fragmentation de la représentation parlementaire espagnole résultant de la montée de Podemos ainsi que du Parti de la Citoyenneté (Ciudadanos, de droite), construit sur un modèle participatif voisin de Podemos) a cependant conduit à des négociations interpartis classiques des régimes parlementaires. Des négociations de boutiquiers pour obtenir telles ou telles places dans les exécutifs et les assemblées! Comme quoi, chassez le naturel et il revient au galop!

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En France, l’initiative la plus connue et la plus facile à examiner de près est sans doute LaPrimaire.org, lancée par Thibault Favre, un entrrepreneur du logiciel à l’origine de AllMyApps, une start-up créée en 2009 et fermée fin 2014, son fondateur ayant très bien documenté son histoire dans plus de 100 slides.

LaPrimaire.org s’attaque à un ambitieux projet: faire émerger un candidat issu de la société civile pour l’élection présidentielle 2017. 168 candidats spontanés se sont manifestés en 2015/2016, dont seulement 16 femmes. Si vous pensez que Hollande ne fait pas le poids, alors, amusez-vous à intégrer dans vos rêves les plus fous que l’un de ces candidats soit à l’Elysée! Imaginez-les ensuite dans une rencontre avec Vladimir Poutine, Barack Obama ou Xi Jinping!

Un processus de vote en ligne a permis de faire émerger 16 candidats en juillet 2016, dont 4 femmes. Il suffisait d’obtenir 500 signatures en ligne, ne demandant qu’une inscription sur le site. Bien plus facile que d’obtenir 500 signatures de maires, à la mano! Un candidat unique sera sélectionné parmi eux/elles d’ici la fin 2016. Il ira alors à la recherche de ses 500 signatures de maires et élus pour pouvoir se présenter, sans compter le budget nécessaire pour gérer sa communication, à défaut de meetings de militants comme en organisent les partis traditionnels sur fonds plus ou moins propres.

Le processus fait travailler les finalistes en groupe pour concocter un programme digne de ce nom. Et il faut bien cela car, pris isolément, ces divers candidats sont très inégaux. Ils ont une expérience et connaissance des affaires publiques plus que limitée. Leurs propositions sont souvent influencées par leur activité: étudiant, enseignant, infirmière, psychologue, médecin généraliste, vétérinaire, travailleur social, avocat ou entrepreneur.

Leur corpus électoral tient dans une page plus ou moins remplie au format Trello. Tous veulent une démocratie exemplaire, des énergies renouvelables, sortir du nucléaire, revaloriser l’éducation et moraliser la politique, notamment en supprimant entièrement le cumul des mandats. Certains veulent remettre en selle le service militaire.

Nombreux sont ceux qui prônent le revenu minimum garanti. Mais aucun n’évoque la manière de créer plus de richesses pour raser ainsi gratis et quand il s’agit de financer le dispositif par des ré-allocations, les calculs sont assez approximatifs! Sur le fond, ce genre de programme n’est pas très différent de ceux de certains «petits» candidats qui se présentent habituellement aux élections présidentielles. Passons-les rapidement en revue.

Le médecin généraliste, Michael Pettini propose un programme bien illustré graphiquement (ci-dessous). Les trois premières colonnes de son programme portent sur la santé mais ne mentionnent pas la médecine prédictive. Il propose le revenu minimum garanti, y compris pour les étudiants et de revaloriser le revenu des enseignants et des chercheurs. Le financement? C’est un détail.

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Nicolas Bernabeu propose aussi un vaste programme et c’est celui qui décrit le plus en détail le principe du Revenu Citoyen Universel. C’est précis et chiffré. Mais on s’y perd dans le jeu de bonneteaux associés! Le système est tellement complexe à mettre en place et hasardeux qu’il serait bien difficile de le lancer, indépendamment de son bien fondé éventuel.

Maxime Verner propose de remplacer le Sénat par une assemblée populaire tirée au sort et de retirer à Paris son rôle de capitale administrative. Ca ne mange pas de pain que de l’imaginer! Je verrais bien Bourges, c’est au centre de la France, même si, pas de bol, ce n’est pas (encore) desservi par le TGV.

Charlotte Marchandise-Franquet a un corpus assez complet pour réduire dans la pratique les inégalités sociales, notamment dans l’éducation et la santé. On y retrouve les thématiques habituelles des candidats écologistes avec des chaînes alimentaires locales et courtes, l’appel aux énergies renouvelables, et puis un ban des paradis fiscaux. Ces propositions comme les autres rappellent que les citoyens qui se manifestent dans ces processus participatifs ne font que relayer des propositions qu’ils sont loin d’avoir inventées eux-mêmes, assemblant un patchwork de propositions issues de partis politiques existants, ou de mouvements intellectuels et associatifs ayant déjà pignon sur rue. Les idées proposées sont en fait déjà des commodités!

Thomas Nonnez veut ramener le nombre de communes de 36.000 à 6000, une veille et très bonne idée qu’aucun politique n’a pu imposer jusqu’à présent, sauf via de rares initiatives locales comme la fusion en cours de Boulogne Billancourt et Issy-les-Moulineaux. Il propose aussi de construire 500.000 logements par an, un besoin bien connu mais mal financé. Côté économie, le candidat a des bases curieuses, affirmant qu’«environ 40% du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises est du profit». Il pourrait mieux se documenter car l’EBE (excédent brut d’exploitation) moyen des entreprise était de 8% en 2013, et le profit moyen y est naturellement inférieur. Il est d’ailleurs bien plus bas en France que dans le reste de l’Europe.

Régis André propose une école entièrement libre (privée) financée par un chèque éducation pour les parents. Il propose aussi que la justice soit payante pour les condamnés pour éviter les récidives, de privatiser toute la protection sociale en échange de la suppression des charges sociales et de créer des fonds de pension servants à financer les retraites et le capital risque. Soit, un programme ultra-Thatchérien, avec un système encore plus privé qu’aux USA. Pas évident qu’il fasse l’unanimité avec les 15 autres candidats! Il propose aussi la fin des aides à la presse, le retour de la pub à la TV publique, la suppression de la redevance audiovisuelle et celle du CSA.

Ariane Vilalise propose d’encourager les adultes et les jeunes à ne pas rejoindre les entreprises dont l’objectif est leur profit, le capital et la création de besoins artificiels. Donc exit Apple? Et même lorsqu’elles ont un rapport RSE, qui est maintenant obligatoire? C’est la palme d’or de la bisounourserie de la campagne 2017 à ce stade!

Daniel Bussard est un des plus créatifs fiscalement parlant. Il propose l’instauration d’une «taxe recherche» applicable aux entreprises dont les produits génèrent des maladies chroniques. On peut donc y mettre la moitié des industries agro-alimentaires et du BTP, puis presque toutes celles de l’énergie, de la chimie (ou ce qu’il en reste), des transports et j’en passe. Sans compter les médias qui rendent dépressif! On pourrait y ajouter les chaînes TV qui diffusent du Cyril Hanouna. Ca va faire des heureux! Il propose aussi de reconstruire le dialogue social, sans toutefois préciser les briques.

Jean-Michel Billaut se focalise de son côté sur le numérique pour moderniser la santé, l’administration, la justice, l’éducation et les entreprises. Certain qu’il y a trop de mauvais à la tête des projets informatiques de l’Etat, les «1.0», il veut mettre les bons, les startupers, à leur place, seuls à même de gérer les méga-projets numériques de l’Etat. En oubliant que la complexité de ces projets n’est pas seulement numérique, mais liée à celle de la fonction publique et l’adage selon lequel un bon projet informatique calqué sur une mauvaise organisation ne peut pas réussir. Il propose comme plein d’autres de fermer progressivement les centrales nucléaires et de les remplacer par de l’énergie éolienne et solaire. Cela pose la question de leur intermittence qui nécessite de lancer des programmes de recherche sur le stockage efficace d’énergie, notamment dans des batteries de nouvelle génération. Il veut aussi rendre les politiques exemplaires avec la fin du cumul des mandats et la non éligibilité à vie des élus condamnés. La question étant éventuellement de nuancer cela par type de condamnation. Son programme européen est hardi, militant pour un modèle constitutionnel voisin de celui des USA. Cela me va bien, mais il est clair que ce n’est pas dans l’air du temps!

Il veut supprimer l’ENA, incarnation ultime des mauvaises élites qui gangrèneraient le pays. Cette proposition illustre un travers de la politique représentative traditionnelle: faire des propositions à l’emporte pièce dont l’impact est surtout symbolique, sans se soucier de leur complexité et de nuances. Propositions qui mènent dans la pratique à remplacer l’entité supprimée par une entité équivalente mais portant un autre nom. Dans le détail, il vaudrait mieux plutôt proposer des moyens de réformer cette institution créée en 1945. Faut-il changer l’enseignement? Les grands Corps de l’Etat et les carrières associées? Les salaires garantis? Limiter les allers et retours avec la politique pour avoir une véritable séparation des pouvoirs?

On a besoin de haut-fonctionnaires formés au sens de l’Etat, ce que l’on n’apprend pas dans les écoles de commerce ou que très vaguement à Science Po. Ce genre d’établissement existe dans nombre de démocraties modernes. Aux USA, on enseigne cela à la JFK School of Government de Harvard. Au Québec, il y a l’ENAP, rattachée à l’Université. Le Royaume-Uni a son Civil Service College. Tous les pays ont une ENA, mais différente. Donc, voyons ce qui est différent et fonctionne mieux que l’ENA plutôt que de la supprimer purement et simplement pour la symbolique.

A vrai dire, Jean-Michel a complété son programme avec des propositions de mesures d’amélioration de l’ENA au cas où il serait difficile de la faire avaler par un trou noir: supprimer le rang de sortie (OK), apprendre un langage de programmation (pourquoi pas) et faire un stage de six mois de community management dans une start-up ou une entreprise (au détriment de l’apprentissage du fonctionnement de la fonction publique? est-ce la principale fonction à explorer? hum hum…).

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Un autre candidat un peu particulier s’était présenté à LaPrimaire, un certain Julien Letailleur. C’était en fait un candidat fictif, agrégeant de manière composite les avis de plusieurs citoyens. Mais derrière ce genre d’initiative audacieuse voire loufoque, il y a toujours de vrais gens. Ici, il s’agit d’un mouvement baptisé les 100 Barbares (vidéo), lancé par un certain Antoine Brachet qui est actuellement en poste chez Dassault Systèmes après être passé par Total Immersion. Le corpus politique de l’ensemble reste pour l’instant encore plus flou que la logique floue. Ce monsieur virtuel n’a pas obtenu les 500 votes pour être retenu.

A ce jour, LaPrimaire.org n’a pas encore atteint le nombre de citoyens inscrits qu’elle s’était fixée (100.000). Il n’y en a que 68.000, un niveau obtenu avec très peu de moyens. De nombreuses start-up mal financées arrivent à attirer 50.000 utilisateurs pour quasiment n’importe quel service vaguement utile. Cela veut donc dire qu’à ce stade, l’utilité de LaPrimaire.org n’est pas encore perçue comme étant supérieure à celle d’une banale start-up grand public. Ceci étant, le mouvement En Marche! d’Emmanuel Macron aurait rassemblé environ 90.000 participants, donc un ordre de grandeur voisin. Cela reflète aussi la grande concurrence que se font ces différentes civic techs.

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Comme LaPrimaire.org n’est pas une véritable primaire, il y a «La Vraie Primaire» qui ambitionne de l’être. L’initiative a été lancée par Emile Servan-Schreiber et Alexandre Malafaye au printemps 2016 (vidéo). Ils n’ont pour l’instant pas encore de candidats déclarés. L’initiative s’appuie sur la solution logicielle Demodyne, déjà évoquée. Ils sont aussi partenaires de D21, un projet mondial de démocratie participative issu de Tchéquie. Reste à susciter et consolider des contributions de bon niveau. Et aussi à faire fonctionner leur site web qui ne répond plus à l’heure où je finalise ces lignes! En fait, l’opération ne semble avoir vécu que pendant un court effet d’annonce repris pas quelques médias.

Ce genre d’initiative est bercée de douces illusions et reproduit sans le vouloir les reproches que l’on ait aux politiques traditionnels: chercher un leader, un Jeanne d’Arc qui sauvera la France qui soit issu de la mythique «société civile». Sans programme, sans idéologie, sans équipe. Une personne isolée ne peut pas être décemment candidate à la Présidence de la République. De ce point de vue-là, l’approche collaborative de Laprimaire.org entre les candidats finalistes a plus de sens. Et rappelons que les élections locales sont des élections d’équipe! Ce sont des listes municipales et régionales qui se présentent. Or, c’est là où la démocratie participative aurait le plus de sens. Et pourtant, les initiatives de présentation concernent en priorité la présidentielle, là où elles sont les moins pertinentes!

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Ah, et il y a aussi «La primaire des Français», issue de la fédération de plusieurs mouvements associatifs ou politiques: Génération Citoyens (Jean-Marie Cavada), Cap 21- LRC (Corinne Lepage), Nous Citoyens (Nicolas Doucerain), La Transition (Claude Posternak), Bleu Blanc Zèbre (Alexandre Jardin) et Le Pacte Civique (Jean-Baptiste de Foucauld). Elle impose un certain corpus à ses candidats, surtout du domaine du fonctionnement des institutions (par de cumul des mandats, législatives partiellement proportionnelle, …). Ils ont à ce jour presque atteint leur premier objectif qui était d’avoir 75.000 signataires d’une pétition, après l’avoir abaissé à partir de 500.000. Et toujours, ce même ordre de grandeur! Par contre, ni candidats ni programme à l’horizon à ce stade alors que les organisateurs avaient prévu d’avoir un candidat début octobre 2016! En fait, c’est déjà la zizanie, Alexandre Jardin ayant quitté le mouvement en septembre, et créé un autre mouvement, La Maison des Citoyens, dans la lignée de Bleu Blanc Zèbre, regroupant des citoyens de bonne volonté, mais sans avoir l’ambition de présenter un candidat à la présidentielle. Et il est intervenu dans le meeting de En Marche! le 12 juillet sans pour autant soutenir officiellement Emmanuel Macron.

Pronostic: c’est très mal barré, ne serait-ce que pour mettre d’accord les organisations à l’origine du mouvement, qui sont censées proposer chacune leur candidat! En guise de démocratie participative, nous avons ici un triple système de poupées russes de démocratie représentative!

On peut aussi citer l’inclassable initiative 577.fr du député-maire de Neuilly-sur-Seine, Jean-Christophe Fromantin, d’obédience centriste. Celui-ci veut aussi renverser la table et créer son propre parti en faisant appel aux citoyens pour qu’ils se portent candidats aux législatives sous sa bannière, afin qu’ils soient mieux représentés. Il est associé à Alexandre Jardin qui soutient plusieurs mouvements citoyens de ce genre. Jean-Christophe Fromentin voudrait présenter des candidats dans toutes les 577 circonscriptions. S’il n’y arrive pas, il annonce quitter la politique. Bon, il a déjà trouvé un candidat pour le 16e arrondissement de Paris, un ancien des RL, des Manifpourtous et de feu Sens Commun, dont le programme n’était qu’une des nombreuses variantes très à droite de que l’on pouvait trouver à l’UMP. C’est ça le changement?

Dans la même veine, l’initiative de gauche votreprimaire.fr, aussi lancée au printemps 2016 semble aussi en état de mort clinique. Les initiatives sont lancées comme des start-up, avec de petites équipes, peu de moyens, et avec une mortalité élevée. Dans l’entrepreneuriat comme dans la démocratie, l’échec est formateur!

Dans le lot de ceux qui veulent réinventer la démocratie, il y a aussi Baztille (vidéo) qui envisage d’intégrer la démocratie participative permanente dans la démocratie représentative. Le principe consiste à faire élire des candidats qui votent ensuite en fonction de référendums quotidiens organisés par la plateforme, via son application mobile. L’initiative ne précise pas le type d’élection couverte ni les thèmes abordés. Le mouvement se positionne comme n’étant ni de droite ni de gauche. Il n’a ni corpus ni idéologie.

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L’initiative a été lancée par Grégory Isabelli (concept et développement, qui travaille dans la digital à la RATP), Thibaut Villemont (CTO, qui travaille dans la web agency 5eme gauche) et Thomas Boureau (direction artistique, qui travaille dans l’agence Caramel). Pour voir ce que le site contient, il faut créer son compte, ce qui fait un peu désordre côté transparence. Le contenu? Des dizaines de questions sur le fonctionnement de la démocratie, sur l’économie, sur l’éducation, sur l’environnement.

Je suis plus que sceptique face à ce genre d’initiative. Tout d’abord, la qualité des débats y est moyenne. Le processus néglige un point clé en politique comme dans la création de tout système complexe: on ne fait pas un tout cohérent –même vaguement– en enquillant des réponses floues à des questions vagues dans un puzzle désordonné.

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De manière très différente, #Mavoix sélectionne les candidats par tirage au sort parmi des volontaires en vue des législatives de 2017, et qui voteront ensuite en fonction du feedback des citoyens, dans un modèle voisin de celui de Baztille. Un principe intéressant mais qui se heurtera à la difficulté à rendre ces candidats visibles. Une campagne politique est une campagne de communication et, quoi qu’on en dise, les partis politiques fournissent les grands outils de cette communication, notamment par une capillarité sur le terrain pour les élections locales. L’initiative a été lancée par Quitterie de Villepin, une ancienne, et probablement déçue, du Modem.

Il y en a enfin qui eux, sautent directement la case participatif et se lancent bille en tête dans la présidentielle comme un certain Emmanuel Toniutti, partisan du leadership par l’amour. Il sera intéressant d’en comparer les résultats avec les candidats issus de processus plus participatifs comme LaPrimaire.org, à supposer qu’ils arrivent à rassembler les satanées 500 signatures d’élus pour pouvoir se présenter! Et puis, vous prendrez bien un peu de François Asselineau, un ancien inspecteur des finances, souverainiste, qui s’appuie aussi sur le numérique, notamment pour propager des thèses conspirationnistes diverses. Comme il n’existe pas dans les médias traditionnels, il ne lui reste que le numérique pour exister. Il revendique une croissance de 146% du nombre de ses électeurs avec 189 046 votes obtenus aux dernières régionales. Mais la concurrence est rude chez les souverainistes car il y a déjà le FN qui ratisse très large et Nicolas Dupont-Aignan.

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Bref

Les mouvements participatifs de citoyens ne manquent pas. De formes très variées, ils couvrent tout l’échiquier politique, allant des alter-mondialistes à l’extrême droite souverainiste en passant par toutes les nuances de gris et de marron entre les deux. La majorité des idées qui ressortent de ces candidats divers sont déjà connues et piochées dans les programmes de partis et candidats existants. Il n’y a pas ou peu d’innovations de ce côté là. C’est de l’innovation politique par le simple remixage d’idées politiques existantes! Le numérique n’y change visiblement rien. L’intégration de ces idées n’est pas meilleure que chez les partis politiques traditionnels. Leur faisabilité n’est pas mieux étudiée, comme l’idée consistant à abandonner progressivement le nucléaire pour passer au solaire et à l’éolien. Aux experts de trouver comment faire!

Cette fragmentation des mouvements citoyens risque de perdurer avec, au bout du compte, un faible impact lors des élections, surtout pour la présidentielle. Si un mouvement émerge de toute cette diversité, il s’apparentera probablement à une formation politique structurée et relativement traditionnelle, construite sur un socle idéologique cohérent, avec un ou plusieurs leaders à sa tête et une équipe pluridisciplinaire.

Pour se faire remarquer dans les processus électoraux, elle en sera réduite à faire du populisme, à savoir simplifier à l’extrême ses messages et caresser les électeurs dans le sens du poil. Bref, ce sera un parti politique comme les autres et la boucle sera bouclée! On retombera dans la démocratie représentative traditionnelle avec ses travers. J’en veux pour conséquence que la démocratie participative est, dans la pratique, plus facile à mettre en oeuvre pendant les mandats d’élus de collectivités locales, issus eux-mêmes d’un processus représentatif traditionnel, que pour présenter des candidats aux élections nationales.

Et si vous n’êtes pas contents des candidats qui vont se présenter au premier tour de la présidentielle en 2017, il vous reste à aller voter à la primaires de votre choix –voire de cumuler: celle de la droite et des LR, celle du PS et celle des gauches et des écologistes. Vous n’êtes pas content de la liste des candidats à ces primaires? Et bien, lancez-vous en politique et vous émergerez d’ici une ou deux décennies comme leader, ou bien, plus modestement, vous influencerez le choix des leaders de l’intérieur des partis.

Dans la partie suivante, je traiterai de l’influence des grands acteurs du numérique sur la démocratie ainsi que la perspective de voir l’intelligence artificielle se porter au secours du politique, poursuite de la prospective dans ce domaine que j’avais déjà abordée il y a quelques mois. L’IA deviendra-t-elle une concurrente de la démocratie participative?

Je terminerai en brossant un tableau des nouvelles formes de leadership qui pourraient émerger de la démocratie participative, faisant un parallèle avec celui qui s’exerce dans les startups.

 

Olivier-EzrattyOlivier Ezratty est consultant en nouvelles technologies et auteur d’Opinions Libres, un blog sur les médias numériques (TV numérique, cinéma numérique, photo numérique) et sur l’entrepreneuriat (innovation, marketing, politiques publiques…). Olivier est expert pour FrenchWeb.

 

Lire aussi : 

Le numérique peut-il améliorer les démocraties? Partie 1

Le numérique peut-il améliorer les démocraties? Partie 2

Le numérique peut-il améliorer les démocraties? Partie 3

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