Crédit d’impôt innovation : 4 questions pour tout comprendre (et éviter les pièges)
Le dispositif entre en vigueur au 1er janvier 2014, mais intègre les dépenses de 2013
Le Crédit d’impôt innovation : kezako ?
L’instruction commentant le crédit d’impôt innovation (CII, ndlr) a été officiellement annoncé en novembre 2013 par Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et des Finances, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du Budget et Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Economie numérique. Par cette mesure, le gouvernement souhaite favoriser la compétitivité des entreprises de tailles micro, petites ou moyennes – selon la définition prévue par le droit communautaire – en diminuant le coût des dépenses liées à l’innovation.
Plus précisément, l’article 71 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 institut le crédit d’impôt innovation comme une extension du crédit d’impôt recherche (CIR, ndlr), lequel a provoqué beaucoup de redressements fiscaux (explications en fin d’article, ndlr). Le dispositif sera financé, dans un premier temps, à hauteur de 160 millions d’euros par an dès 2014 avant d’atteindre les 300 millions d’euros annuels en rythme normal.
Quelles sont les dépenses concernées ?
Le crédit d’impôt innovation « permet aux PME de bénéficier d’un crédit d’impôt au titre de certaines dépenses relatives à la réalisation d’opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits ». Il s’agit de biens corporels ou incorporels qui doivent répondre à deux conditions.
Le produit ne doit être qu’un archétype et, à ce titre, ne doit pas être encore disponible sur le marché. En tant que bien innovant, « il se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l’éco-conception, de l’ergonomie ou de ses fonctionnalités ».
C’est donc le caractère innovant qui est retenu comme critère d’éligibilité, et non la seule distinction technologique. « Sont éligibles […] les dépenses d’innovation, technologique ou non technologique, y compris les dépenses de design, dépenses de conception de prototypes et installations pilotes » précise ainsi le ministère du Redressement productif sur son site.
Comment fonctionne-t-il ?
La loi prévoit que « les dépenses éligibles au dispositif sont plafonnées à hauteur de 400 000 euros par an et le taux du crédit d’impôt calculé au titre de ces dépenses est fixé à 20 % ». Si le dispositif entre en vigueur à partir du 1er janvier 2014 pour les PME indépendantes, il s’étend cependant aux dépenses effectuées depuis le 1er janvier 2013. Pour en bénéficier, les entreprises éligibles peuvent se présenter au service des impôts dont elles dépendent ou au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Dépenses d’innovation ou de recherche ?
Autrement dit, pour 100 euros de dépenses éligibles, 20% sont déductibles, soit 20 euros. Avec un plafond à 400 000 euros par entreprise, 80 000 euros peuvent être récupérés au plus sur les impôts. Certes, cela est moins que les 30% du CIR, mais il n’y a pas de taux majoré selon la situation.
Le dispositif soulève cependant une question majeure : comment déterminer si des dépenses d’innovation relèvent davantage du crédit d’impôt innovation ou du crédit d’impôt recherche ? « Dans certains cas, on sera à cheval sur les deux cas. Le code général des impôts prévoit alors que le CIR l’emporte, ce qui est plus avantageux » explique Nicolas Duboille, avocat spécialisé en droit fiscal au cabinet Granrut.
Eviter les dérives du Crédit d’impôt recherche
« Le crédit d’impôt innovation est une avancée en terme de clarification fiscale car l’innovation renvoie à un champ plus facilement identifiable que celui de ‘recherche’ du crédit d’impôt recherche qui est beaucoup plus large et difficile à identifier » ajoute-t-il. Le CII présente approximativement le même mécanisme que le CIR, mais il se veut plus simple et doté d’une notion plus claire.
« Certaines entreprises demandaient une position au ministère de la Recherche qui considérait que, compte tenu des éléments présentés, elles étaient éligibles au CIR. Mais l’administration fiscale remettait en cause ce qui avait été défini comme éligible par le ministère. Beaucoup de sociétés ont par conséquent été fiscalement redressées » ajoute-t-il.
De nombreux redressements fiscaux
Le CIR n’est pas versé directement par les pouvoirs publics mais est imputable à l’impôt sur les sociétés (IS, ndlr). « C’était une réduction d’IS, un vrai crédit d’impôt » ajoute M. Duboille. Pour rappel, il est de 30 % sur la base des dépenses de R&D, jusqu’à 100 millions d’euros, et de 5% au-delà, depuis la réforme de 2008.
Si l’entreprise ne réalisait aucun bénéfice, elle se voyait toutefois verser le montant équivalent. Or, le CIR est comptabilisé comme un produit dans le bilan, et non comme une charge. En tant que bénéfice, il pouvait donc augmenter artificiellement le résultat net – et non le résutat opérationnel – d’une société. De nombreuses entreprises se sont ainsi retrouvées en difficultés lorsqu’elles se sont vues redressées fiscalement suite à la divergence, entre le ministère et l’administration fiscale, de ce qui est, ou non, considéré comme dépense éligible.
Comment sommes-nous arrivés dans un tel paradoxe ? « Beaucoup de sociétés de conseil on approché les entreprises faisant de la recherche pour s’occuper des démarches et leur obtenir des déductions grâce au CIR, en se rémunérant sur la base d’une commission prélevées sur les montants économisés » selon M. Duboille. Une simple requête sur un moteur de recherche débouche en effet sur des liens publicitaires émanant de sociétés de conseil qui proposent leurs services. Un vrai marché s’est développé.
Un contrôle peut avoir lieu plus tard
« Un nombre important de sociétés de l’Internet ont été ainsi abordées et ont présenté des dossiers mal montés car constitués par des personnes qui ne sont pas des spécialistes. Il est important de préciser aux entrepreneurs que le versement de l’argent n’est en aucun cas une reconnaissance d’éligibilité au crédit d’impôt recherche : un contrôle peut avoir lieu plus tard. C’est ce qui s’est passé ». Cette situation a débouché sur de nombreux contentieux entre de jeunes pousses innovantes et des sociétés de conseil.
Pour éviter de telles mésaventures ex-post, mieux vaut demander un rescrit fiscal pour s’assurer de la conformité des dépenses avec les définitions appliquées à l’éligibilité des CIR et CII. En effet, « la procédure du rescrit fiscal général vous permet de demander à l’administration fiscale de vous expliquer comment votre situation doit être traitée au regard des impôts. La réponse de l’administration, appelée rescrit fiscal, vous donne des garanties juridiques, sous certaines conditions » selon le site officiel de l’administration française. « Alors que la mesure est déjà applicable au CIR depuis un an, elle sera applicable au CII pour les dépenses survenant après le 1er janvier 2014 : il est donc possible de solliciter un rescrit à l’administration fiscale et, si celle-ci ne répond pas dans les trois mois, l’entreprise peut alors considérer que les dépenses sont éligibles ».
« Quel que soit ton conseil, qu’il soit bref », disait Horace. « Dans ce cas, exigez un rescrit fiscal, ce document est opposable à l’administration fiscale. C’est une garantie supplémentaire » répond M. Duboille.
Olivier Harmant
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Bonjour, il y a une petite boulette : « Pour rappel, il est de 30 % sur
la base des dépenses de R&D, jusqu’à 100 000 euros » -> « Pour rappel, il est de 30 % sur la base des dépenses de R&D, jusqu’à 100 millions d’euros. » :)
Bonjour,
Une autre précision, le CII (au contraire du CIR) entre dans le « quota de minimis ». C’est un maximum fixé par l’Europe sur les aides publiques courantes aux entreprises. Ce maximum est de 200 000 € sur trois ans glissants. Ce qui signifie qu’on ne peut pas bénéficier du maximum du CII trois ans de suite. Et a fortiori si on a bénéficié de subventions entrant dans ce quota (l’exonération d’IS du statut JEI par exemple, mais pas l’exonération de charges sociales).
Un autre point concerne la sous-traitance : attention pour le CII seules les factures d’organismes privés agréés spécifiquement pour le CII peuvent être prises en compte. Et pour 2013 la période de dépôt de demande d’agrément se termine au 31 janvier 2014. Les organismes déjà agréés au titre du CIR doivent aussi faire une demande d’agrément CII (même si ce n’est qu’une formalité).
Et oui, trois fois oui, on ne dira jamais assez la prudence qu’il faut montrer face au démarchage d’officines qui se vantent d’optimiser le CIR (et sans doute maintenant le CII) en prenant un pourcentage grassouillet au passage. D’une manière générale, il faut fuir les cabinets issus du « cost killing » car ils n’ont aucune notion scientifique (même si leurs commerciaux disent qu’ils ont des « experts »). Car les cas de redressements sont dans la très grande majorité des cas sur l’éligibilité scientifique des dossiers, et très rarement sur le calcul. Le consultant doit être capable d’évaluer la réalité scientifique des travaux. Et pour cela il vaut mieux qu’il ait une formation scientifique (docteur par exemple) que technique.
René Laversanne
Ixeo-Conseil
Bonjour,
Comme l’article le mentionne, de nombreux contrôles fiscaux ont abouti à de nombreux redressements du Crédit d’Impôt Recherche.
A mon avis, ces redressements risquent de se poursuivre avec la mise en œuvre du Crédit d’Impôt Innovation : en effet il sera à présent plus aisé aux contrôleurs (y compris du MESR) de redresser le CIR au motif que les dépenses engagées correspondent à de « l’Innovation » mais pas à de la « Recherche ». Cela permettra automatiquement de limiter le budget lié au CIR car le CII est plafonné.
L’application des critères du CIR va être encore plus restrictive. Les experts scientifiques font notamment de plus en plus référence aux « indicateurs de R&D », en particulier les partenariats avec des laboratoires de recherche publics et la présence au sein des équipes de R&D de docteurs, présumés spécialistes de la R&D.
Pour obtenir un a priori positif du contrôleur, il vaut par conséquent mieux démontrer ces indicateurs de R&D.
N’hésitez donc pas à monter des partenariats avec des écoles ou labos, ou à recruter des jeunes docteurs.
Cela sera positif pour votre dossier CIR et surtout pour votre R&D.
Laurent Masscheleyn
RD2 Conseil
Innovation – Recrutement – Jeunes Docteurs
Pour vos demandes de rescrits fiscaux (CIR, CII, JEI), n’hésitez pas à demander l’avis d’experts tels que Alma CG, Leyton, Businove…
Article hyper creux où l’on n’apprend ni ce qu’est l’innovation (au sens du CII), ni ce qu’est la recherche (au sens du CIR), et qui ne permet dont pas d’éviter les soit disant pièges…
En effet, ce qui est flou, se sont bien les critères d’éligibilité technique à ces deux crédits d’impôts – c’est ça qu’il faut présenter en détails, chez rédacteurs de chez Frenchweb.