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eBooks: comprendre le bras de fer entre Amazon et les éditeurs

On l’apprenait jeudi soir: Hachette Book Group et Amazon enterrent la hache de guerre. La filiale américaine du groupe Hachette Livre, appartenant à Largardère, et le géant américain ont annoncé être parvenu à un accord sur la commercialisation des ebooks et des livres imprimés aux Etats-Unis. L’accord, qui devrait prendre effet dès le début de 2015, prévoit que Hachette reste libre de fixer le prix qu’il souhaite pour ses livres. Mais Amazon ajoute une carotte : si l’éditeur baisse ses prix, il jouira de « conditions plus avantageuses ».

L’occasion de revenir sur l’historique de cette affrontement:

Débutée outre-Atlantique, la rébellion des auteurs avait gagné l’Europe vendredi 15 août. 1188 écrivains allemands, autrichiens et suisses ont à leur tour signé une pétition pour signifier leur indignation contre les pratiques d’Amazon, reprenant le principe de la tribune publiée le 10 août dernier par leurs confrères américains. Pour mieux comprendre ce qui a opposé le géant américain d’un côté aux éditeurs et auteurs de l’autre, retour sur cet affrontement en trois points clés:

  • Qu’est ce qui a déclenché le conflit entre Amazon et Hachette aux Etats-Unis ?

 

Au mois de mars, Amazon et Hachette Book Group, l’éditeur américain filiale de Lagardère, tentent de renégocier le contrat de distribution. Mais très vite, ils sont en désaccord sur les futures conditions commerciales: Amazon souhaite notamment baisser le prix des livres numériques sur son portail, les passant tous à un prix unique de 9,99 dollars contre 12,99 à 19,99 dollars actuellement. Amazon représente plus du tiers du marché du livre aux Etats-Unis. « Le conflit a commencé parce qu’Amazon veut faire beaucoup de profits et gagner une grosse part du marché au détriment des auteurs, des libraires et de nous-même » accusait début août Michael Pietsch, le PDG d’Hachette Book Group.

  • Comment réagissent les éditeurs et les auteurs aux Etats-Unis ?

 

Le conflit soulève des enjeux éthiques primordiaux pour l’industrie mondiale du livre car Amazon remet en cause la place des éditeurs dans le système de distribution des livres. Pour faire plier Hachette, l’entreprise basée à Seattle a usé de plusieurs moyens de pression sur certains des livres qu’elle édite: sur-facturation, allongement du délai de livraison, orientation vers des ouvrages similaires chez un autre éditeur, suspension des pré-commandes… comme le révélait le New York Times le 9 mai. En juillet, Amazon essayait de rallier les écrivains à sa cause, en proposant de leur reverser directement la totalité des recettes des ventes le temps qu’un accord soit trouvé, à condition que la filiale d’Hachette fasse la même chose. Elle l’accuse de réaliser de trop fortes marges à l’ère numérique.

Trois mois plus tard, Amazon incitait les lecteurs à prendre position, révélant au passage l’adresse e-mail professionnelle de Michael Pietsch. Une nouvelle attaque à laquelle ce dernier s’est empressé de répliquer en adressant une lettre ouverte aux lecteurs dans laquelle il livre l’adresse e-mail de Jeff Bezos, PDG d’Amazon, et se défend d’une quelconque entente sur les prix entre éditeurs. Le livre numérique représente 13,4% du chiffre d’affaires dégagé par la branche Lagardère Publishing (maison mère d’Hachette) au premier trimestre 2014, en hausse d’un point sur un an.

Les écrivains n’ont pas saisi la main tendu par la firme dirigée par Jeff Bezos. Le 10 août, à l’initiative de l’écrivain de romans d’horreur américain Douglas Preston paraissait dans le New York Times une tribune signée par 909 écrivains (dont Paul Auster et Stephen King) dénonçant les « représailles » d’Amazon, l’accusant de prendre les auteurs en otage.

  • Quelle est la situation en France ?

 

En France, la situation demeure différente. Le secteur du livre est régi par une loi de 1981 et soumis à un prix de vente unique, fixé par l’éditeur. Moins de 15% des ventes de livres physiques sont réalisées en ligne, alors qu’elle sont majoritaires outre-Atlantique. Mais l’attitude d’Amazon préoccupe néanmoins les professionnels et les politiques: la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti s’est exprimé auprès du Monde le 12 août, estimant que « Amazon porte atteinte à la diversité littéraire et éditoriale », critiquant un « abus de position dominante et une atteinte inacceptable contre l’accès aux livres ». Soutenant ouvertement les éditeurs dont Hachette, elle conçoit cet affrontement au niveau européen: « C’est un combat global contre une mise en péril de l’écosystème du livre. La France n’est pas seule » soutient-elle.

« Je pense que l’ambition d’Amazon est de se passer des distributeurs et d’être le seul intermédiaire entre les auteurs et les lecteurs » regrette auprès de Frenchweb Vincent Monadé*, le président du Centre National du Livre

 crédit: H-Assouline/CNL
Vincent Monadé, crédit: H-Assouline/CNL

(CNL), établissement public qui dépend du Ministère de la Culture et de la Communication. Il insiste: « le rôle de l’éditeur est essentiel, il pousse bien souvent l’auteur à retravailler son texte, sait trouver le public, vendre. Alors qu’Amazon s’inscrit dans l’économie de la demande, ça n’a rien à voir avec les recommandations d’un libraire ».

Sollicité, Hachette France n’a pas souhaité apporter de commentaire à cette affaire, quant à Amazon France, la filiale n’a pas donné suite à notre demande d’interview.

En Allemagne, l’instance qui représente les libraires a porté plainte au niveau européen contre Amazon, confronté à des difficultés similaires à celles d’Hachette aux Etats-Unis. L’Union européenne devra prochainement déterminer si Amazon est coupable ou non d’abus de position dominante. En tous cas, l’issue de ce bras de fer semble vouée à déterminer le nouveau rapport de force entre le monde de l’édition et le géant du e-commerce.

Crédit photo: Fotolia, banque d’images, vecteurs et videos libres de droits

 * interview réalisée en août 2014

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