Et si la Fintech s’intéressait autant aux hommes qu’aux robots ?
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Robots, algos, machine learning, big data, blockchain, eIDV, … N’en jetez plus ! L’incroyable accélération des opportunités offertes par les technologies qui ont émergé ces 5 à 10 dernières années n’est plus à prouver. Ajoutez une bonne dose d’UX, et vous comprendrez que le désormais célèbre “software is eating the world” fasse trembler le landerneau financier. A mille lieues de là (en apparence du moins), l’impact investing se développe lui aussi à vive allure et prône une finance centrée sur l’humain.
La finance a-t-elle besoin de robots ? Oui, bien sûr, et elle ne s’est pas réveillée hier matin pour s’en faire une conviction. Toute start-up du secteur fintech le sait : essayez d’embaucher un data scientist et vous serez confronté à une pénurie de profils, la plupart des bonnes compétences étant en poste, à très haut salaire… dans le secteur de la finance “traditionnelle”. Il y a parfois une pointe de présomption (il en faut !) chez certains acteurs fintech qui sous-estiment l’état de l’art technologique sous-jacent chez la plupart des grandes institutions financières.
Le secteur de la finance n’en est pas moins réellement challengé, puisqu’il est confronté à sa propre Loi de Moore. Avec l’accélération des outils de cloud computing et les Big Query de ce monde, des pans entiers de l’intelligence technologique jusqu’ici réservés à de grandes corporations sont en train de devenir accessibles à des structures de taille beaucoup plus réduites, et donc beaucoup plus agiles dans leur capacité de lancement de nouveaux produits. La barrière à l’entrée s’est drastiquement abaissée et une myriade de fintechs réinventent les métiers de la banque et de l’assurance à l’ère du grand tout digitalisé. Cet immense appel d’air s’accompagne d’un afflux quasi fiévreux de capitaux : sur la seule année 2015, les fintech ont levé 17 milliards d’euros au total selon KPMG.
Les millénials veulent donner du sens à leur investissement
Mais dans ce grand déballage techno-médiatico-financier, un sondage de la société Harris commandité par Stash (startup américaine de crowdinvesting) vient à point nommer rappeler quelques vérités simples : 67% des milléniaux interrogés déclarent que si ils étaient amenés à investir sur les marchés, ils le feraient avec une volonté claire de décider sur quelle société ils investiraient. D’en partager les valeurs. Bref, de ne pas tomber dans le tout-automatisé mais de donner du sens à leur investissement. Les robo-advisors rêvent peut-être de moutons électriques mais la jeunesse garde les pieds sur terre.
Redonner du sens, c’est aussi l’objectif de l’impact investing et d’initiatives comme B Corp (dont Ulule est l’une des 25 premières sociétés certifiées en France), qui visent une « stratégie du triple résultat », c'est-à-dire une stratégie axée sur le rendement sur les plans financier, social et environnemental. En plein essor eux aussi, les investissements en impact investing totalisent près de 13,5 milliards d’euros en 2015 selon une étude du Global Impact Investing Network (PDF) et devraient connaître une croissance à deux chiffres dans les années qui viennent.
Des robots et des hommes
Antagonistes, ces deux tendances majeures de la finance d’aujourd’hui ? Il serait tentant de les opposer. Côté pile, la fintech et la logique implacable du code (penser aux dérives du trading à haute fréquence ; craindre les effets néfastes de la titrisation dans le crowdlending ; lire l’incroyable compte rendu du hack de D.A.O. dans le NYT ; constater aussi l’émergence de nombreux produits et services qui redonnent concrètement du pouvoir à leurs clients). Côté face, l’impact investing, orienté sur l’humain, sur le progrès, qui reste parfois considéré (à tort) avec une pointe d’ironie tant il reste portion congrue comparé au total des actifs financiers.
Rien n’oblige pourtant à mettre ces deux mondes dos à dos. La fintech peut servir l’impact investing, et vice versa. Par exemple, la mesure de l’impact, pierre angulaire de l’impact investing, ne peut qu’être favorisée par l’exploitation intelligente de datas. Les startups fintech, de leur côté, gagneraient à interroger leurs modèles sur le long terme (si bien sûr elles se projettent sur le long terme…) mais aussi à prendre en compte la juste aspiration du public pour une finance responsable et “durable”.
Quels que soient les scénarios envisagés, il est à peu près entendu aujourd’hui que le secteur financier va basculer dans les 10 prochaines années. Vers quoi ?… Nul ne le sait. L’occasion est belle (quoique ténue) de rêver d’une alliance de la fintech et de l’impact investing pour mettre à jour le logiciel du secteur financier. En visant l’excellence technologique, en intégrant les notions d’impact, il s’agit ni plus ni moins de mieux servir le public et de remettre l’économie réelle au coeur de la finance.
Alexandre Boucherot est cofondateur et CEO de la plateforme de crowdfunding Ulule.
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