Étudiants français, ne créez pas votre start-up en sortie d’école!
A l'occasion de la publication sur l'enquête Entrepeneurs, FrenchWeb publie les meilleurs points de vue sur ce statut.
Il y a des moments plus pertinents que d’autre pour se lancer — la sortie d’école est objectivement le pire d’entre tous.
Diplômé d’une grande école de commerce, tu t’épanouis dans l’autonomie et la prise de risque intelligente. Tu n’as jamais cru aux 35 heures. Les dinosaures se font tuer par des licornes et ça t’excite. Bref, tu es un startuper dans l’âme, et tu veux disrupter l‘ordre établi.
Cool, bienvenue au club! On est de plus en plus nombreux à voir l’entrepreneuriat comme une évidence, le seul choix de vie possible pour nous. Pourtant, mon ami, je voudrais te mettre en garde. Si tu veux bien faire les choses, alors marque bien ces mots : ne monte pas ta start-up en sortie d’école.
NB : Cette analyse toute personnelle vise surtout les étudiants de grandes écoles de commerce française. Le raisonnement pourrait être étendu à d’autres profils, avec plus ou moins de bonheur.
Monte ta start-up quand tu es étudiant
S’il est encore temps pour toi, monte ta start-up pendant tes études !
Certes, tu n’as pas d’argent, mais pas de frais non plus. Tu vivotes entre ton crédit étudiant, des cours particuliers donnés à droite à gauche, et les virements mensuels de Papa. Si tu n’habites pas à Paris, ta vie peut même être agréable.
Soyons honnête, tu ne sais pas faire grand-chose. En revanche, tu as beaucoup de temps à disposition, et un réseau à exploiter au sein de ton école.
Conclusion : Fais une appli à la con qui vise les étudiants, parce que c’est ce que tu connais le mieux. Certainement un truc autour de la musique, des voyages ou de tes amis. Tu ne vas pas faire quelque chose de grandiose (encore que…) mais tu n’as rien à perdre, alors fonce.
Conseil : Saisis toutes les opportunités pour monter en compétence pendant tes études : hackatons, start-up weekends, conférences, MOOC, associations… Oublie les soirées étudiantes, il y a mieux à faire. Ce temps passé à t’améliorer est ton premier investissement dans ta future boîte !
Monte ta start-up quand tu es jeune actif
Les choses sérieuses commencent ici !
Tu as 25–30 ans, tu travailles dans une grosse boîte, un cabinet d’audit, de conseil, ou une banque d’affaires. Tu habites à Paris (ou Londres, ou Genève). Tu vis bien, surtout depuis que ta copine et toi partagez le loyer.
Niveau temps, tu as peut-être tes week-ends, pas plus. En revanche, ton business sense se développe, ainsi que ton réseau. Tu deviens un vrai pro et tu as la niaque.
Conclusion : Fais un business d’exécution — un Doctolib ou un Deliveroo. Si tu es chanceux, tu te feras racheter. Si tu es bon, tu te développeras à l’international.
Conseil : Tu vas avoir besoin d’argent. Lève le pied sur les petits week-ends à Madrid et à Bruxelles, et épargne. Si c’est possible, essaie d’évoluer vers un poste en relation avec l’innovation, l’entrepreneuriat, la transformation digitale…
Monte ta start-up quand tu es un professionnel expérimenté
Il y a une vie après 30 ans !
Tu as «une situation», un(e) conjoint(e), des enfants. Tu as une épargne, éventuellement un patrimoine, un héritage ou une rente, et une capacité d’emprunt. Selon les cas, tu as plus ou moins de dépenses contraintes.
Tu pourrais dégager du temps, mais tu n’as plus forcément envie de travailler comme un forçat. Il faut dire qu’avec ton expérience, l’essentiel de ton travail consiste à faire levier sur ton réseau et superviser le travail de tes subordonnées, tout en te garantissant une qualité de vie certaine.
Conclusion : Monte une start-up B2B dans le secteur que tu maîtrises, en partant d’un besoin industriel bien spécifique que tu as identifié. Tes 10 premiers clients sont déjà dans ton carnet d’adresse.
Conseil : Scaler, c’est fatiguant. L’approche start-up ne convient pas à tout le monde, et nombre de projets start-up finissent par basculer vers un modèle d’agence, plus compatible avec une bonne qualité de vie. Un peu dommage.
Ne monte pas ta start-up quand tu es jeune diplômé
On arrive enfin à toi, jeune diplômé !
Sauf exception, tu n’as pas 10 plaques à mettre au capital de ta boîte. Tu n’as pas non plus accès aux largesses d’Urssaf Ventures. Et oui, tu n’as jamais cotisé !
Surtout, ton absence (légitime) d’expérience et de réseau fait que tu seras rarement capable d’avoir les bonnes informations, de faire les bons choix, et de bien piloter ton développement.
A cela s’ajoute un coût d’opportunité élevé : la sortie d’école est un des seuls moment où tu pourras rentrer chez Procter, JP Morgan ou au BCG. Un démarrage sympa sur lequel capitaliser pour ensuite monter sa propre boîte.
Conclusion : Ne monte pas ta start-up.
Conseil : Trouve-toi un job en start-up, en VC, dans un accélérateur, dans une grande banque d’affaires, un cabinet de conseil en stratégie ou le département innovation d’un grand groupe. Le choix ne manque pas ! Cherche un environnement qui te plaît, et où tu pourras développer les éléments qui feront ta force par la suite.
Entreprendre est un choix de vie
Entreprendre n’est pas un choix de métier, c’est un choix de vie. Ce n’est pas un choix qui se prend à la légère, mais après mûre réflexion sur sa situation personnelle et sa capacité à absorber les chocs énormes qui en découleront.
En définitive, il ne s’agit pas de se lancer mais de bien se lancer.
L’entrepreneuriat est à la mode, et beaucoup de jeunes diplômés se jettent dans la bataille, la fleur au fusil, pleins de bonnes intentions. Malheureusement, les bonnes intentions, ça ne se mange pas. Monter une boîte n’est pas qu’une question de volonté, mais aussi une question de cash, de revenus, de temps, de réseau et de compétences. Do you have what it takes ?
Stéphane Nasser Diplômé de l'EM Lyon, il a auparavant travaillé au sein de PayPal, Atos Consulting, et de la start-up SmartGrains. Il est notamment consultant en freelance pour les entrepreneurs. Ce billet engage uniquement son opinion personnelle.
Twitter @StephNass