Gestion de communauté : 10 utopies et erreurs à éviter
L’ouverture aux commentaires, aux réseaux sociaux, au retour utilisateur n’est pas la réponse à tous les problèmes. Parfois, elle peut même s’avérer dangereuse pour la marque.
1- La participation aujourd’hui est un “must have”
Selon cette vision linéaire du progrès, tous les sites doivent désormais procurer à leurs lecteurs les moyens de s’exprimer.
Tout dépend du propos, du produit vendu… Un site d’information semblerait, il est vrai, bien démodé sans ces outils d’expression, de feedback des lecteurs. Mais un site BtoB de produits industriels a-t-il impérativement besoin de ces fonctionnalités ? L’e-mail ou le téléphone fonctionnent toujours et semblent plus adaptés à certaines activités.
2- Faire du Community management, ce n’est pas sorcier
« Cette fonction n’est pas un vrai métier, c’est une activité secondaire… Un stagiaire pourra s’en occuper très bien, le directeur de la com’, de temps en temps, après le boulot ou le petit nouveau qui a l’air si à l’aise avec les nouvelles technos. Après tout, c’est juste du bon sens… »
Ce genre d’opinion ne mesure pas bien l’importance capitale en termes de représentation de la marque auprès des clients, du public.
Gérer une communauté demande des qualités humaines, relationnelles, diplomatiques qui appellent une certaine maturité. Il faut ajouter à cela la maîtrise des outils et c’est là généralement que le bât blesse : par méconnaissance des outils Internet (Twitter, facebook, delicious…), on préfère confier le poids lourd au jeune geek qui est le seul à savoir où se trouvent les pédales. Mais n’a pas forcément l’ensemble des autres qualités requises.
3- Les commentaires et une touche de social rajeuniront mon site
Le vernis des fonctions sociales d’un site ne masqueront pas la pauvreté, la vétusté d’une interface. Elles pourront même mettre encore plus en exergue la dissonance, le décalage avec le design d’un site. Cautère sur une jambe de bois.
4- Il suffit de filtrer les messages
Donner la parole aux clients, aux lecteurs ? Très ouvert, très “moderne”, très web 2.0. Sauf quand les ingrats se mettent à critiquer. Alors, pour tirer parti de cette nouvelle tendance, sans en pâtir, ne suffit-il pas de trier le bon grain de l’ivraie : éliminer les messages négatifs ?
Cette démarche peut mettre un terme rapide à la crédibilité de la marque et abîmer durablement son image. Celle-ci fait semblant de jouer le jeu, pour en tirer bénéfice, et triche. Effet désastreux garanti.
5- Un seul Community manager ira bien
« On ne va tout de même pas dépenser trop là-dedans. Et puis les employés ont d’autres urgences que brosser les visiteurs dans le sens du poil. »
Sans une mobilisation collective des différents membres de l’entreprise autour de ce projet commun, ce dernier a toutes les chances de végéter ou péricliter. Réduire le porte-voix à une seule personne, c’est en limiter d’emblée la portée.
Pourquoi ne pas s’appuyer sur chaque salarié de sa société ou en tout cas impliquer au maximum les volontaires, favoriser les blogs, les comptes Twitter ou Facebook des salariés ? Et surtout impliquer les différents départements en amont et aval du lancement pour solliciter leur avis, expertise, leur collaboration.
Ne surtout pas laisser un petit groupe d’experts auto-proclamés confisquer le projet, sous prétexte d’en tirer seuls les mérites. C’est tellement dommage de se passer de la force du groupe…
6- La communication sur le réseau compensera le reste
« Mon produit n’est pas le meilleur du marché, il est plus cher, sa distribution est plus faible, le service client est catastrophique… La communication via les outils modernes rattrapera ces défauts sur le plan concurrentiel. »
Grave erreur qui ne peut que ternir davantage l’image de la marque. Ouvrir la conversation est un signe de bonne santé. Il ne faut le faire que lorsque l’on est assez fort pour soutenir la charge et remédier rapidement aux éventuelles critiques. Sinon, c’est un suicide communicationnel : vous ouvrez les vannes de la récrimination sans pouvoir rien y faire.
Le web 2.0 est une opportunité mais c’est aussi un risque pour ceux qui ont des problèmes structurels. Résolvez-les et d’ici-là, profil bas, comme Total qui, après la marée noire de 2008, a cessé de communiquer pendant deux ans.
7- Le Community management va remplacer mon coûteux service clientèle
Attention, au mieux le Community manager remontera davantage de problèmes à ce service clientèle. Mais si ce dernier doit traiter les problèmes lui-même, cela le condamne à ne faire que ça. Au détriment de l’animation de la communauté.
Gérer une communauté n’est pas source d’économie, a priori. C’est une dépense supplémentaire en vue de créer une meilleure relation vis à vis des clients, en vue de recruter éventuellement de nouveaux prospects, pas plus, sauf exception.
8- Grâce aux réseaux sociaux, je vais décupler le nombre de mes clients
Le décalage entre les espoirs initiaux et la réalité sont porteurs d’une grande frustration et d’une démotivation certaine. Il n’est pas impossible de générer de l’image qui concoure indirectement à augmenter son nombre de clients. Mais le plus souvent, si vous parvenez à fidéliser vos lecteurs et consommateurs habituels, ce sera déjà une réussite dans votre environnement hyper-concurrentiel. Les réseaux sociaux comme facteur de développement ? Pas impossible, mais à plus long terme.
8- Mon entreprise, ma marque intéresse tout le monde
« Je ne vais donc parler que d’elle, de ses performances, ses qualités, ses réussites. Y compris quand le sujet est très pointu et le vocabulaire inepte. J’ai dépensé de l’argent à créer un site, un blog, un compte twitter ou une page Facebook, ce n’est pas pour parler des autres… »
Ce point de vue de l’intérieur n’a aucune chance de fonctionner. Le discours d’entreprise, le verbiage marketing auto-centré ne fait que flatter la direction. Il n’intéresse pas le client. C’est pourtant autour de lui que doit être construite l’offre. Si l’on promeut un hôtel, pourquoi ne pas parler des boutiques, restaurants ou évènements culturels alentour ?
Les clients reviendront sur votre page s’ils y trouvent un service. A vous de cerner ce dernier et de le leur procurer. Si c’est pour se regarder le nombril, autant renoncer tout de suite, ce sera une économie de temps et d’argent.
10- A force de répétition, le message passera
Un grand classique du marketing traditionnel fondé sur la technique pavlovienne du stimulus-réponse. A force d’agiter la clochette au moment du repas, le chien salive au seul son de la clochette. Ou comment susciter des comportements par la répétition. C’est l’idée motrice qui guide encore certains des investissements publicitaires. Réitérons le message et ce dernier finira par pénétrer les esprits.
Multiplions donc le nom de la marque, son logo, les messages dithyrambiques à son propos,afin que les clients soient influencés malgré eux par cette communication positive. Conséquence de cette théorie : il ne faut véhiculer que les messages valorisants pour la marque, afin que le consommateur associe les deux, de manière inconsciente.
Le mariage hasardeux entre Pavlov et Freud donne naissance à cette méthode marketing fumeuse et contre-productive. Honnêteté, humilité, sens du service et attention aux besoins du client sur Internet comme dans la vraie vie seront beaucoup plus efficaces. Et si vous voulez la ramener, prouvez vos qualités par les faits, pas par les mots.
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Pas mieux mais je ne peux m’empêcher d’en rajouter un qui m’insupporte au plus haut point.
11 > Nous allons utiliser des outils d’automatisation des Twitts et des DM.
On va industrialiser la gestion de notre compte Twitter pour augmenter nos présences.
Merci Laurent,
Ce 11e point me semble en effet tout à fait nécessaire, merci de le rajouter ! :)
Très bonne liste. En effet ce n’est pas du tout évident pour la direction de certaines entreprises d’abandonner la mentalité publicitaire à sens unique et narcissique (à la Mad Men) en faveur d’une transparence humble face aux « consommacteurs » moins crédules. Pour certains, la pub sert de cache-misère. Lever la voile et donner la parole au grand public ? De la pure folie !
Merci Peter,
Le plus dur, c’est en effet ce changement de culture en profondeur qui ne passe pas par l maîtrise des outils, mais bien par la compréhension sociologique de ce qui a changé en général dans notre société.
Notamment la fin des discours unilatéraux, répétitifs, exagérés et peu crédibles, du coup.
Pas facile en effet de trouver l’équilibre entre le bon rédacteur qui a les qualités humaines et relationnelles et le geek qui sort à peine de l’école mais pour qui le web n’a aucun secret… comme community manager je me range plutôt dans la première catégorie mais je me sens parfois en décalage.
@laurent : bien d’accord avec le point 11!!
Bonjour Sibylle,
Il vaut mieux être dans la 1ère catégorie, les outils s’apprennent facilement. La maturité, le relationnel ou les qualités rédactionnelles sont beaucoup plus difficiles et lentes à acquérir…
C’est comme le solfège, une fois qu’on connaît ses accords, on peut changer d’instrument. dans l’autre sens, c’est plus dur :)
Bonne continuation !
Réflexions connues, logiques mais justes qui méritent parfois d’être rappelées.
On ne compte plus le nombre d’article sur les CM, mais j’avoue que les idées reçues sont les plus tenaces, donc article utile.
Bien vu Cyrille ;)
Twitté sur @celinecrespin !
Bonjour Céline,
Merci ! J’ai trouvé utile de rappeler des évidences qui n’en sont pas forcément pour tous. De manière générale, je tente ici ou sur mon blog (www.mediaculture.fr) de lutter contre ces utopies de la communication, inefficaces ou même dangereuses parfois…
Bonne continuation !
Je pense que s’ils sont bien utilisés, les réseaux sociaux peuvent être un avantage même a court terme. Cela est d’autant plus vrai que votre site fait partit d’une niche dans son domaine.
Bonjour Boundal,
Je ne dis pas le contraire, un avnatge certainment. Un nouveau canal de distribution, peut-être, mais pas de manière magique et très rapide. Mon propos est de dire que les choses prennent du temps, et qu’il ne faut pas trop attendre des nouvelles technos, au risque d’être déçu et démotivé.
Mais des exemples existent de réussites fulgurantes (Nutella, Starbucks…) y compris dans le domaine grand public. Question : quels investissements ont été injectés là dedans ?…
Tout le monde ne peut pas être Dell, Chanel ou Starbucks et bâtir une communication totale sur les nouveaux outils avec des millions d’investissement. c’est là que se situe l’utopie et le mensonge aux PME.
Cordialement :)
Bonjour,
Quel bonheur de lire ces propos de bon sens :)
En effet, ce n’est clairement pas en suroccupant le cyberespace qu’on va régler ou masquer d’un coup de baguette magique ses défauts.
Cordialement.
Patrick
Merci Patrick ! :)
En suroccupant le cyberespace, on ne masque pas ses défauts, on les étale davantage…
Bonjour,
Pour confirmer le point 1, Altimeter (www.altimetergroup.com) a réalisé une étude sur les objectifs Social Media des entreprises américaines, et l’intégration sociale arrive en tête : http://www.flickr.com/photos/arnaudbriand/5250774819/
On s’y met en oubliant l’éternel paramètre humain pour faire du social …
Bonjour Arnaud,
Merci de cette eau à mon moulin et de la capture intéressante. je vais m’y intéresser
Très bonne continuation :)