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La data va-t-elle envahir les stades ?

Dimanche 13 juillet 2014, l’Allemagne s’impose face à l’Argentine et remporte la Coupe du monde de football. Un élément a peut-être contribué à faire la différence: l’exploitation des données. Et oui, en prévision de la compétition internationale, la Mannschaft s’était équipé d’un logiciel développé par SAP pour aiguiller dans ses décisions le sélectionneur de l’équipe, Joachim Löw.

En fait, l’usage du fameux « Big data » revêt deux volets  supposés d’utilisation dans le domaine sportif: l’optimisation des performances sportives d’une part et un ajustement du marketing d’autre part.

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Marc Gelgon

Certains clubs recrutent désormais des « data scientists »

Côté entraînement, la récolte de données se fait par la captation vidéo, et par la pose de capteurs et d’étiquettes RFID sur les vêtements des joueurs. « Des recherches sont menées depuis une quinzaine d’années et aujourd’hui on est capable de recueillir des données (transpiration, rythme cardiaque et respiratoire…) via des capteurs physiologiques miniaturisés » explique Marc Gelgon, enseignant-chercheur au département informatique Polytech’Nantes. « En handball on analyse ce qui s’est passé pendant les 20 secondes précédant un but pour en tirer des conclusions. Sur ce plan, les méthodes algorithmiques entraînent une automatisation qui dépasse ce que pourrait faire l’humain » poursuit-il.

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Patrice Poiraud

Si l’observation des jeux a posteriori et l’utilisation des statistiques n’a rien de nouveau, la capacité d’exploiter un très grand nombre de données par un algorithme capable de faire des suggestions et d’aider à la prise de décision élargit en effet le champs des possibles. Les images sont soumises à des logiciels qui analysent les trajectoires des adversaires, la géométrie du jeu, la façon dont les joueurs occupent le terrain, etc. Certains clubs recrutent désormais des « data scientists » pour affûter leur tactique, à l’image de l’équipe de baseball d’Oakland Athletics.

L’équipe de rugby des Waratahs, en Australie , exploitent les données pour essayer de prévenir les risques de blessures. « L’équipe du Leicester City Football Club récupère les données pour reconnaître le niveau de fatigue physique des joueurs » raconte Patrice Poiraud, Directeur Big Data et Analytics d’IBM. Comme SAP, la multinationale américaine se positionne sur ce marché en accompagnant des équipes depuis 2012. Le coût de l’équipement varie entre plusieurs centaines de milliers d’euros dans le cas d’un achat d’une technologie, et plusieurs dizaines de milliers d’euros dans le cas de la location d’un service via le cloud, estime Patrice Poiraud. En France, le Rugby Club Toulonnais emploie un statisticien depuis plus de 6 ans pour analyser le jeu des sportifs du club, ils sont équipés de GPS à chaque match depuis environ deux ans afin de capter leurs actions sur le terrain et de quantifier les performances de chaque joueur. Les joueurs de l’Olympique Lyonnais sont eux-aussi équipés de GPS pour le suivi de leurs performances physiques.

Serena Williams utilise les données pour s’entraîner

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Erwann Menthéour

Des start-ups développent également des technologies pour exploiter ses données physiologiques, à l’instar de Fitnext, la start-up fondée par Erwann Menthéour. « Nous utilisons les données pour réduire le champs déclaratif, cela permet de devenir prédictif et de faire du machine learning » explique l’ancien coureur cycliste. « Nous corrélons les données déclaratives, avec celles issues du self tracking, pour faire du data mining et pouvoir personnaliser au maximum nos programmes » poursuit-il.

Outre le football et le rugby, d’autres sports de haut niveau grand public utilisent les données: le tennis (par Serena Williams notamment), le golf, le basketball, le baseball. Autrement dit, les sports pour lesquels il y aussi un enjeu marketing. Car les enjeux financiers sont aussi là: faire en sorte que les fans qui fréquentent les stades soient de plus en plus impliqués vis à vis de la marque et consomment de plus en plus lors de leur venue dans les stades. Depuis 2012, IBM travaille par exemple avec le Miami Dolphins pour intégrer le « big data », pour reprendre un terme à la mode, dans le fonctionnement du Sun Life stadium près de Miami en Floride.

« La différence qu’apporte le big data c’est qu’on est capable d’exploiter une très grande masse de données, structurées ou non, en temps réel. On peut ainsi ajuster la manière dont on va achalander les points de vente du stade, orienter les visiteurs pour optmiser les flux de déplacement dans le stade, etc  » décrit Patrice Poiraud. « Je pense que les clubs vont s’intéresser à l’évolution du marketing via la data pour trouver des sources de revenus supplémentaires, booster le panier moyen des consommateurs dans les stades » ajoute Hubert Munyazikwiye, de l’agence digitale Akqa. Emarsys, Atypics, Digitick et consorts démarchent actuellement les clubs pour proposer leurs solutions.

La big data bien plus utilisée aux Etats-Unis

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Yann Abdourazakou

Certains en profitent ainsi pour envoyer des publicités ciblées aux utilisateurs du Wi-Fi, et cetera. « L’action des supporters est tracée dans le stade grâce à l’accès gratuit au Wi-Fi, on peut alors les guider vers les toilettes où il n’y a pas de queue, les points chauds où il reste des hot-dogs… cela s’appelle l’hospitality management. Il est par exemple appliqué au Levi’s Stadium de San Francisco » indique Yann Abdourazakou, enseignant en marketing sportif au Canisius College de New York. « Au Etats-Unis, le marketing sportif est bien plus développé qu’en France, on est dans une autre galaxie » souligne-t-il cet ancien enseignant de l’université de Lille Nord.

Les équipementiers sportifs aussi suivent cette évolution: « il y a un changement de culture dans la façon dont on conçoit l’entrainement, tous les équipements deviennent connectés: raquettes, clubs de golf, etc » rappelle Yann Abdourazakou. « Nike avec fuelband, est de moins en moins une entreprise de sport mais de plus en plus une entreprise technologique » estime-t-il. La marque a fait part de l’abandon de cette montre connectée en avril, mais ce concentre en effet sur le développement de son interface de programmation (API) pour vêtements connectés Nike+, qui intègre notamment NikeFuel. La firme américaine continue ses recherches vers des produits de plus en plus technologiques, comme le décrivait The Guardian dans un article paru en février. Elle surffe sur la tendance du « quantified self« , qui n’est pas nouvelle en elle-même mais a pris un nouvel essor avec l’émergence des réseaux sociaux. Nike+ dispose d’ailleurs d’une API et a lancé un concours pour encourager des start-ups à exploiter les données de son réseau social sportif. Adidas se positionne également sur cet aspect quantified self avec sa Fit Smart, annoncée au mois de juillet.

Les clubs partagés sur l’utilisation des données à des fins marketing

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Serge Valentin

Si certaines marques y croient, qu’en pensent leurs prospects, les responsables des clubs de sport ? Benjamin Larrue, directeur marketing et communication du Rugby Club Toulonnais assure: « La captation puis le croisement des données à des fins marketing est un vrai axe de développement pour les clubs mais cela demande des moyens financiers et humains. En France, nous avons pris du retard sur ce qui se fait aux Etats-Unis et en Allemagne (dans le football), au RC Toulonnais nous souhaitons développer cette partie-là du marketing. Nous rencontrons d’ailleurs en ce moment plusieurs prestataires pour étudier leurs propositions ».  Il explique que des réflexions sont en cours au niveau de la ligue nationale de rugby pour faire une commande groupée de tous les clubs du Top 14 mais les disparités de budget posent problème. A Toulon, le club dispose d’un budget commercial et marketing de 10 millions d’euros par an (sur un total de 30 millions), ce qui est loin d’être le cas de nombreux clubs.

« En France, on a un handicap: les stades ne sont pas équipés pour un marketing basé sur les données » souligne Serge Valentin, organisateur de l’événement Sport Numericus. D’après lui, le Stade de France aurait déjà investi pour digitaliser les 8 000 places VIP de l’enceinte, mais s’il voulait équiper les 80 000 places du stade cela lui en coûterait 7 à 8 millions d’euros et là « le frein aujourd’hui c’est le ROI » rappelle-t-il.

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Vincent-Baptiste Closon

« Le stade des Lumières – dont la livraison est prévue pour fin 2015/début 2016 – sera le premier en France a être équipé pour faire du marketing sportif à partir des données, se réjouit Vincent-Baptiste Closon, directeur marketing de l’Olympique Lyonnais. 500 bornes Wi-Fi seront installées dans ce stade de 58 000 places pour permettre jusqu’à 25 000 connexions simultannées grâce à un partenariat technologique avec Orange. Des promotions individualisées seront envoyées sur les smartphones des supporters, ils pourront commander des maillots ou des sandwichs depuis leur place, revoir  des buts à la demande pendant le match ».

Mais tous les acteurs ne sont pas prêts à investir dans l’exploitation des données. Certains responsables marketing de clubs confient en off ne pas croire en leur utilisation à des fins de marketing sportif, estimant que le digital permet de faire du storytelling, de l’entertainment mais ils attendent plus de la data appliquée au sport qu’un simple levier marketing d’augmentation des ventes dans les stades.

Lire aussi: [Agriculture] La big data est dans le pré

Crédit photo: Fotolia, banque d’images, vecteurs et videos libres de droits

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Un commentaire

  1. Article très intéressant. En plus des innovations orientées purement marketing ou optimisation de l’experience client, un autre pan aurait pu être abordé : le yield management appliqué à l’évènementiel. De la même manière que les prix varient lorsque vous achetez un billet d’avion en fonction de l’offre, de la demande et de bien d’autres facteurs), des startups planchent activement sur des systèmes similaires pour remplir les stades.

    N’hésitez pas à me contacter pour toute question. Jonathan – http://www.datasama.com

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