La renaissance digitale du travail : une aventure phygitale
L’évolution de l’environnement de travail à l’ère digitale ne concerne pas comme beaucoup trop le pensent que le poste de travail, l’intranet. Il ne faut pas s’attendre à ce qu’un outil fonctionne dans un contexte où ses hypothèses ne sont pas valides et, à ce titre, repenser l’environnement de travail sans prendre en compte la transformation du contexte de travail, de la nature même du travail, n’est pas d’une grande utilité et, en plus, ne fonctionnera pas. Il ne s’agit pas de construire un poste de travail nouveau mais un poste pour un travail nouveau.
Pas un poste de travail nouveau mais un poste pour un travail nouveau
Vous vous souvenez peut être qu’il y a trois ans, j’avais commenté «The Digital Workplace», de Paul Miller, fondateur de l’IBF (Intranet Benchmarking Forum) et du Digital Workplace Group, relevant qu’au-delà de la dimension outil, la Digital Workplace était surtout une manière de voir et vivre le travail.
Sorti il y a deux ans mais toujours d’actualité, «The Digital Renaissance of Work : Delivering Digital Workplaces Fit for the Future», de Paul Miller et Elizabeth Marsh, nous parle plus en profondeur de la transformation de la manière dont le travail se pense et s’opère et, bien sûr, de son impact sur l’environnement de travail proprement dit.
Le monde du travail est en train de vivre sa renaissance sous l’impulsion du digital un peu comme l’invention de l’imprimerie a ouvert la voie à deux siècles d’innovations et de progrès majeurs dans des domaines aussi variés que la science, l’art, l’éducation. Dans un monde où l’information circule librement, est accessible à tous et où tous les individus sont en réseau, c’est la manière dont nous vivons seuls, en société et au travail qui est en train d’être radicalement bouleversée.
Les gens sont en train de donner un nouveau sens au travail. Nouvelles attentes, valeurs, convictions, possibilité d’avoir un impact en étant soit salarié soit indépendant, impact du mobile : il y a à la fois une nécessité et une aspiration à travailler autrement, voire à réinventer ce qu’est le travail.
Car, paradoxalement, il n’y a jamais eu autant d’opportunités de faire des choses, de travailler, d’avoir une activité alors même qu’il y a de moins en moins d’emplois. Hors dans l’entreprise, cela entraîne des changements majeurs :
- sur la manière dont on est à la fois très autonome et très interdépendant des autres
- sur la frontière de l’entreprise qui est de moins en moins tangible
- sur le lieu de travail qui devient une notion obsolète en tant qu’espace physique assigné
- sur la manière d’engager, d’exprimer son leadership
- sur la manière de gérer les excès et les risques – car il y en a – qui vont avec cette réinvention du travail
- sur la manière dont nous devons apprendre et nous former, avant d’entrer dans le monde du travail puis dans l’entreprise, pour réussir dans ce paradigme nouveau
- sur la nature et la manière dont nous concevons nous outils et espaces de travail
«The Digital Renaissance of Work» est un livre en deux parties bien distinctes.
Dans la première, Paul Miller nous raconte avec de nombreux exemples cette mutation qui est plus qu’une mutation du travail et touche la société dans son ensemble. Je trouve très pertinente sa comparaison avec l’époque de la Renaissance et ce qu’il représente davantage comme une révolution culturelle et humaine rendue possible par la technologie qu’une révolution technologique. Bien sûr vous avez certainement lu beaucoup de choses sur ces sujets depuis le temps mais l’analyse est limpide, irréfutable, lucide (même sur les mauvais côtés) et ne peut qu’amener à une prise de conscience irréversible. Paul Miller ne nous vend pas une vision du futur, un concept quelconque, il nous décrit le monde tel qu’il est autour de nous et tel que certains (beaucoup ?) se refusent encore à le voir.
A nouveau paradigme du travail, nouveaux environnements de travail. La technologie ne change pas le travail mais un travail qui change a besoin d’une approche nouvelle de l’environnement de travail. C’est le sujet de la seconde partie, écrite par Elizabeth Marsh.
Cette partie fera le bonheur de tous ceux qui planchent sur leur projet de digital workplace et d’intranet et se disent «par où je prend le sujet ?». Elle livre une grille d’analyse complète des besoins que doit couvrir une digital workplace avec des outils de scoring permettant d’évaluer l’existant et se projeter sur le futur. Une sorte de petite bible du directeur intranet qui, à mon avis, doit permettre à tout un chacun de faire son état des lieux et construire son projet.
Elle se poursuit avec une analyse des business cases d’une digital workplace pour ceux qui ont besoin de justifier l’investissement.
Elle se termine avec une analyse des causes de succès et d’échecs organisationnels et humains d’un tel projet.
Mon avis
Sur ce sujet, on a deux types de livres : ceux qui parlent des Hommes et ceux qui parlent de la technologie. Celui-ci réussit à très bien parler des deux et d’une manière intelligente : sans les mélanger. D’un coté ce qui se passe, de l’autre une manière très analytique et structurée d’y répondre. Trop souvent mélanger les deux est plutôt source de confusion et on a du mal à en sortir avec une idée claire sur la marche à suivre une fois le livre terminé. La partie d’Elizabeth Marsh est, sur ce point, certainement ce que j’ai lu de plus abouti dans un livre (sinon vous avez également la Digital Workplace Study annuelle de Jane McConnell).
Un livre qui retranscrit parfaitement le coté «phygital» du sujet : c’est à la fois ce qui se passe dans la vie des gens et sur leur écran. Les deux sont indissociables.
J’ajouterais un autre bon point : contrairement à beaucoup de livres sur le sujet, Paul Miller ne se limite pas à parler du collaboratif mais a vraiment une vision à 360 degrés de ce que signifie le digital, non seulement au travail mais dans «la vie au travail». Une vision autant managériale que quasiment sociologique. J’apprécie.
Article initialement publié sur Bloc-notes, le blog de Bertrand Duperrin.
Bertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.
Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.
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Putain cet amas de bullshit. « Digital » est déjà un lanceur d’alerte quand à la teneur totalement vide de connaissances sur le numérique, mais alors les néologismes « Phygital », c’est le summum de l’aéromarketting.