L’agritech, un marché à fort potentiel… pour la France !
Alors que son célèbre salon va s'achever dans un climat particulièrement tendu et pessimiste pour elle, l’agriculture française reste encore et toujours la première d’Europe, avec une production agricole qui représente 70 milliards d’euros (2012), ce qui en fait l’un des moteurs de notre commerce extérieur (solde de 9,2 milliards d’euros pour les produits agricoles transformés en 2014). Leader européen incontesté et référence mondiale dans le secteur agricole, l’agriculture française doit cependant se renouveler et innover pour rester compétitive tout en continuant à se développer de façon durable. Et les nouvelles technologies vont avoir un immense rôle à jouer dans ce processus.
Bien pensée et bien utilisée, la technologie peut aider au développement d’une agriculture plus propre, plus compétitive, et plus soucieuse de l’environnement. L’innovation doit donc toucher l’agriculture, comme n’importe quel autre secteur de l’économie française, à plus forte raison si l’on considère le poids économique et le caractère stratégique qu’elle représente pour notre pays. La France se doit d’être leader dans le domaine de l’agritech, car elle a toutes les cartes en main pour l’être.
La France pionnière de l'agritech
La bonne nouvelle, c’est que France n’est pas en reste dans le domaine de l’agritech : en témoignent plusieurs exemples d’innovations concrètes, qui rencontrent déjà un franc succès. Ainsi, dans le domaine du «Big Data» – ô combien stratégique pour les agriculteurs, qui s’appuient quotidiennement sur l’exploitation de données issues de la terre et du climat – la société FRUITION SCIENCES* a été lauréate pour un projet appliqué à la viticulture : récemment comparée à la méthode traditionnelle, à Los Angeles, la méthode «Fruition» a permis d’économiser, selon les zones, entre 20 % et 100 % d’eau. Ce qui prouve la rentabilité d’une telle technologie.
Concernant les objets connectés et notamment les drones, la France (un des premiers pays européens à s’être doté d’une réglementation claire en la matière) peut se targuer d’une certaine avance technologique. Illustration avec la société AIRINOV* (groupe PARROT) dont les drones sont couplés à des capteurs et des algorithmes pour traduire les données relevées en bonnes pratiques agronomiques. Tout dernièrement, PARROT a aussi annoncé la mise sur le marché du nouveau capteur Sequoia, dédié à la fusion multispectrale d'images dédiées au suivi des cultures. Bpifrance a investi 33 millions d'euros au capital de PARROT pour lui permettre d’accélérer son développement et de consolider son leadership sur les marchés des drones – notamment agricoles.
L’agriculture de précision fait aussi appel à des robots, qui contribuent par ailleurs à la réduction de la pénibilité des tâches : dans ce domaine, le constructeur CARRE* s’est associé à la start-up NAIO TECHNOLOGIES* pour développer un robot de maraîchage autonome, qui effectue le binage et le désherbage, en alternative à l’utilisation des herbicides. Une innovation industrielle et technologique qui présente un grand intérêt pour l’agriculture biologique, en réduisant les tâches manuelles tout en augmentant la productivité.
Comment passer du statut de pionnier à celui de leader ?
Même si elles démontrent le dynamisme du secteur de l’agritech en France, ces avancées et ces innovations doivent encore être encouragées et soutenues, pour se multiplier. Au vu de son poids et de son histoire agricoles, la France doit être demain leader sur l’agritech.
Que faut-il faire pour cela ? Tout d’abord, continuer à soutenir la recherche et les entreprises qui innovent dans ce domaine. Cela passe par la mise en place d’un fonds agritech, dédié au financement des projets innovants et prometteurs, ceux qui permettront à la France de se positionner dès maintenant sur un marché mondial destiné à exploser dans les années à venir.
Dans la même logique, la création d’incubateurs prioritairement destinés à accueillir ces entreprises qui se lancent sur le marché de l’agritech, en leur offrant les conditions de leur réussite. Rassembler chercheurs, ingénieurs et entrepreneurs innovants dans les mêmes lieux serait aussi le meilleur moyen de mutualiser les ressources et les idées, pour faire naître des collaborations/alliances gagnantes et accélérer un processus qui ne demande qu’à être enclenché. L’implication des acteurs majeurs du monde agricole, comme les grandes coopératives ou les industries spécialisées, serait un avantage supplémentaire pour permettre au secteur français de l’agritech de s’imposer comme une référence mondiale – un objectif qui ne paraît pas insensé lorsque l’on connaît la force et les atouts de notre paysage agricole.
Comme pour nous encourager dans cette voie, des initiatives prometteuses voient déjà le jour en France, avec le soutien d’acteurs innovants. Un de derniers exemples en date : le plan Agriculture 2025 (lancé en octobre 2015 par le Ministère de l’Agriculture) qui propose, entre autres, la création de «living labs», c’est-à-dire des plateformes d'expérimentation ouvertes aux agriculteurs, leur permettant de tester en toute indépendance de nouvelles pratiques durables. Ces structures favoriseraient les partenariats entre grandes coopératives, start-up et agriculteurs, hébergeraient des jeunes pousses et appelleraient la mise en place de financements innovants.
Mettre l’innovation au service de l’agriculture, c’est aussi intégrer les valeurs de cette dernière, pour mieux contribuer à l’amélioration des conditions de vie de toute l’humanité. Le secteur naissant de l’agritech doit notamment poursuivre deux grands objectifs : participer au développement durable et permettre à notre planète de nourrir ses 9 milliards d’habitants à l’horizon 2025. Une vision déjà incarnée par certaines initiatives françaises comme «La Ruche qui dit oui» (qui permet de recréer des circuits courts et un lien entre producteurs agricoles et consommateurs) ou MIIMOSA (plateforme de crowdfunding dédiée aux financements des exploitations agricoles, avec des mises de fonds modestes et en retour des biens en nature). Sans doute le meilleur moyen de valoriser le savoir-faire agricole français et sa réputation, encore aujourd’hui et demain.
*Ndlr, les entreprises citées ont été soutenues financièrement par Bpifrance.
Paul-François Fournier est Directeur Exécutif Bpifrance Innovation & Membre du Comité Exécutif, depuis 2013. Il a rejoint le Groupe France Télécom Orange en 1994 en tant qu'ingénieur d’affaires sur le segment Entreprises France. Après un parcours de sept ans dédié au développement des services aux Entreprises, il devient, en 2001, directeur du Business Haut-Débit de Wanadoo, où il a assuré le décollage en France des offres ADSL qui sont passées de quelques milliers de clients en 2001 à 3 millions fin 2004, puis à l'international en tant que membre du Comité Exécutif du Groupe Wanadoo. Il a ainsi mené des projets stratégiques comme le lancement de la Livebox, et de la voix sur IP, en partenariat avec Inventel et Netcentrex, des start-up françaises.
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