L’apprentissage de la programmation à l’école doit être abordé comme un art, pas comme un langage
De nombreux articles de presse parlent en ce moment de l’apprentissage de la programmation à l’école comme un enjeu national.
C’est une matière nouvelle pour le grand public, et beaucoup peinent à la vulgariser. Pour les sceptiques, il s’agit « d’une manœuvre de l’industrie », et pour les plus convaincus ils abordent cet apprentissage comme « l’apprentissage d’une nouvelle langue ».
Ce sont de faux raccourcis. Nous risquons de faire entrer dans les têtes des idées particulièrement fausses et surtout nous détourner de ce qu’apporte réellement la programmation.
On estime, et à juste titre, que l’apprentissage des mathématiques, dans un monde industriel est une bonne chose. Ce n’est pas Airbus qui a imposé l’apprentissage des maths à la maternelle pour avoir des ingénieurs 20 ans plus tard. Il en est de même de l’apprentissage du code dans un monde numérique.
Ensuite, si vous rencontrez un linguiste, à qui vous déclarez : « apprendre à coder c’est comme apprendre l’anglais », vous risquez une réaction qui va de l’indignation à une forme d’agressivité. Les langages humains sont d’un niveau de complexité et d’une finesse incomparables à ceux utilisés en informatique. Un langage informatique ne sert qu’à parler à une machine, et franchement, je peux vous garantir qu’elles [ces machines] ne comprennent pas grand-chose.
Les capacités d’un développeur se rapprochent plus de celle d’un artisan. Contrairement aux mathématiques, qui sont une science, la programmation est un art. En programmation, « on n’observe pas un phénomène», ce qui est le début de la démarche scientifique.
Vidéo La Philo sans Zéro – « Il a raison Bachelard » :
De là, il faut comprendre que l’on peut en étendre l’apprentissage à tous et non réserver la programmation à la seule filière « scientifique » et, bien sûr, débuter très tôt parce qu’il ne requiert quasi aucun pré-requis.
Ce qu’apporte cet art, au-delà des capacités développées par l’artisanat (précision, capacité de concentration, travail bien fait, etc.) à celui qui le pratique est une manière de penser et de voir le monde totalement différente.
Cette manière de penser vous permet, grâce à l’utilisation de couches d’abstractions de plus en plus importantes, de comprendre et de résoudre des problèmes de manière plus efficace. Face à un problème, vous vous poserez toujours la question de savoir ce qui est automatisable, de ce qui ne l’est pas. A la croisée des chemins entre la machine et l’homme, vous inventerez des systèmes qui dépassent les deux.
Vous êtes en mesure de voir et de manipuler la « Matrice », ce qui, dans un monde numérique est une compétence d’une très grande valeur…
Il s’agit d’être en mesure de « séquencer », de créer des « boucles », de voir ce qui est faisable en « parallèle », de comprendre l’impact de « l’événementiel », des « conditions », des « variables », des « listes »…, de mettre en pratique une réflexion « incrémentale », de comprendre ce qu’est le « test » et bien entendu des concepts de « design », de « travail collaboratif » etc. Cette liste n’est pas exhaustive et la science a apporté une énorme contribution en théorisant tous ces concepts (les positifs comme les négatifs) autour de ce que l’on appelle, la pensée procédurale2.
Aujourd’hui, on doit donc apprendre à programmer à nos jeunes pour qu’ils puissent acquérir ce modèle de pensée. Tout l’enjeu est là. L’important n’est pas le langage mais bien la pédagogie d’apprentissage. Si on se base sur un modèle classique de transmission de connaissance, nous n’apprendrons pas à nos enfants ce modèle de pensée, mais juste un langage d’une pauvreté abyssale.
Si nous y arrivons, alors nous allons donner à notre jeunesse, avec tout ce qu’apporte déjà l’école, un ensemble complexe de compétences et une manière de réfléchir, qui lui permettra d’entrer de plein pied dans le monde du numérique et de créer celui de demain.
Notes :
1 : Pr Donal Knuth : Professeur émérite de « l’art de programmer » et Professeur a Standford. Il est une des plus grande référence en programmation et en informatique.
2 : Computational Thinking view point by Jeannette M. Wing
Kwame Yamgnane est le co-fondateur de 42, l’école de programmation informatique lancée avec Xavier Niel, Nicolas Sadirac et Florian Bucher. Il est Expert éducation & innovation pour FrenchWeb.
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Bonjour,
Bien d’accord avec cet article ! Moi qui suis totalement
inculte en langages informatiques, je peine à trouver des associations
ou endroits qui permettrait à mon enfant de 7 ans de s’initier d’une
manière ludique à cet aspect que l’école ne lui apporte pas (encore).
Il y a les coding-goûters (http://codinggouter.org/) qui sont de bonnes
initiatives, mais bien trop peu développés ! D’ailleurs, si quelqu’un
veut en organiser un dans le 63, je suis preneur ;)
Guillaume