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Les entreprises ont besoin d’un Chief Experience Officer

Le moins qu’on puisse dire est que le client est enfin en train de revenir la préoccupation des entreprises. En effet, s’il l’a longtemps été dans les discours il l’a moins été dans les faits. Lorsqu’une marque a un accès exclusif aux médias, peut faire et défaire des marchés et détient un quasi-monopole sur l’information produit, on ne peut pas attendre grand-chose du sort réservé au client isolé et mal informé. Mais les choses ont changé. C’est peut être un lieu commun que de le répéter mais une fois que le client a un accès illimité à l’information, qu’il peut  – seul ou collectivement – peser sur l’image d’une marque et qu’il se met à demander plus que des produits et des messages mais des expériences, alors on constate que l’équilibre des pouvoirs est bel est bien chamboulé.

Il n’y a pas d’expérience client sans connaissance client

Délivrer une bonne expérience client à un moment donné est une chose, la délivrer de manière cohérente à tous les points de contact (digitaux ou non) est une autre paire de manches. Tout repose sur une chose : la connaissance d’un client qui, de plus, se considère comme un “market of one”, un marché d’une personne à adresser non pour son appartenance à un segment mais en fonction de ce qui lui est propre et le distingue des autres. A moins de croire qu’il est possible de satisfaire une personne sans savoir ce qu’elle veut et qui elle est, la connaissance client est donc au cœur du business de n’importe quelle entreprise. Et encore devrait-on parler de compréhension plutôt que de connaissance.

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Le client s’attend à ce que l’entreprise mette à profit tout ce qu’elle sait sur lui pour mieux le satisfaire, conscient qu’il est de toutes les informations qu’on capte sur lui avec son accord ou à son insu. Et il est souvent déçu par le résultat. Parfois surestime-t-il le champ des possibles, parfois oublie-t-il qu’il faut du temps pour toucher le Graal de la connaissance client (et encore davantage pour la rendre opérationnelle) mais le premier problème n’est finalement pas là.

Les marques ne savent pas ce qu’elles savent

Pour remettre au gout du jour une expression rendue célèbre par un ex PDG de HP constatant les déficits de son entreprise en matière d’innovation et d’intelligence collective, les marques ne savent pas ce qu’elles savent. Autrement dit, la connaissance client – lorsqu’elle est captée et capitalisée – est enfermée et isolée dans les dizaines de points de contact constitutifs de l’expérience client. Chaque point de contact a un propriétaire qui devient de facto propriétaire de la donnée et la conserve jalousement pour optimiser ses actions sur son propre périmètre. Au final, du marketing au service client en passant par les ventes tout le monde en sait un peu sur le client mais personne ne sait qui il est.

Faudrait-il recoller les pièces du puzzle ? Certainement. Mais entre les découpages organisationnels, des indicateurs et des objectifs souvent contradictoires, ou encore des P&L qui poussent davantage à la compétition qu’à la collaboration, seul le client a intérêt aujourd’hui à reconstruire ce puzzle.

Le contenu moteur de l’expérience

Si la finalité du client est pour l’essentiel concentrée sur un achat, ses attentes dépassent aujourd’hui l’unique acte marchand. Connecté, informé, il a repris sa vie en main. Il n’appartient plus à personne mais se donne à qui lui donne une expérience de qualité. Pire, il décide de son parcours, charge à la marque de s’adapter et de le suivre. Dans ce contexte, les contenus jouent un rôle important. Ils doivent « dépasser le produit » et faire rentrer le client dans un univers de marque qui lui est propre. Si c’est facile à dire, c’est sans conteste beaucoup plus difficile à faire. Car les contenus ne se doivent plus d’être « linéaire », projetés de façon unifiée – simpliste pourrait on dire – sur l’ensemble des canaux qui constituent la mosaïque complexe du parcours client. Leur rythme, leur tonalité, leur volume, leur expression, bref presque tout change en fonction du temps, de l’endroit et du format choisi par le client. Un challenge de taille pour les entreprises et qui est encore amplifié par le fait que ces contenus sont, de plus en plus souvent, conversationnels, ouverts et interactifs. Mais également dictés par une analyse fine des données qui permettront de comprendre le consommateur afin de lui proposer une expérience la plus personnalisée possible.

Un défi organisationnel

Quand l’économie du savoir a peu à peu supplanté l’économie industrielle taylorienne les entreprises ont appris une chose : la rigidité était remplacée par l’adaptabilité et il n’y pas d’adaptabilité sans partage de l’information ni collaboration. Le même phénomène touche aujourd’hui la relation client au fur et à mesure qu’on rentre dans une économie de la connaissance client. Sans collaboration ni partage de données le parcours client n’est plus.

Sans capacité à gérer de manière cohérente l’expérience à chaque point de contact en s’appuyant sur une connaissance aussi complète que possible du client, une stratégie marketing n’est plus qu’une loterie. Et la réponse ne se trouve pas dans la technologie : elle est là, elle existe, prête à être utilisée. La réponse se trouve dans la capacité organisationnelle à la mettre en œuvre.

Les marques doivent choisir entre l’intelligence collective ou l’ignorance assumée

L’expérience client est le fruit du partage de données et de la collaboration. Que ce soit pour pousser les bons messages et les bonnes offres sur les médias digitaux, assurer la cohérence du parcours entre le offline et le online, pour outiller le vendeur devant un client surinformé et exigeant en termes de relation attentionnée.

Libérer et partager les données entre les applications et entre les individus est le minimum vital, mais pour que cela soit possible encore faut-il que les propriétaires des points de contact ne voient pas leur travail mesuré d’une manière qui les incite à se battre davantage entre eux que contre la concurrence. D’ailleurs c’est l’occasion de remettre toute l’organisation orientée client à plat.

Faut-il comme dans beaucoup d’entreprises recruter un Chief Digital Officer ? Le CDO peut faire partie de l’équation mais il n’est qu’une partie de celle-ci. Il s’occupe de l’entreprise, reste à trouver qui s’occupe du client et ce, idéalement, de manière transversale. Je crois beaucoup aux Chief Experience Officer que l’on commence à voir arriver, justement en raison de leur nature transverse. Je parie aussi sur de futurs « journey managers » tant la conception et la gestion de parcours (au pluriel) va devenir vitale dans une logique de cohérence et de synergies entre les points de contacts. Ici encore, ce « journey manager » devra jongler entre science et art, jouant habilement sur la connaissance parfaite des données recueillies mais aussi en sachant mettre en scènes des contenus adaptés aux clients. Et idéalement à chacun des clients. Ce qui implique, bien sûr, qu’il faudra savoir s’organiser afin de produire de grandes quantités de contenus personnalisés et adaptés à des canaux très variés.

En conclusion, la gestion du client ne peut qu’être que transverse et unifiée. C’est à ce prix qu’on tirera le meilleur des technologies aujourd’hui disponibles.

bertrand-duperrinBertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.

Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.

 

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Un commentaire

  1. Amha, les entreprises ont déjà plus ou moins identifié les désirs des clients au fur et à mesure. Certes, les « points de contact » doivent partager leur « collecte », mais je crois que ce sont surtout les stratèges & décideurs qui se doivent de se bousculer un peu plus et accepter de changer les conceptions d’équipes afin de pouvoir produite d’autres contenus et autrement. Mais c’est toujours plus facile de ne changer qu’une infime partie et de rester sur des fonctionnements éprouvés en « faisant mine » d’accepter de remodeler en fonction des desideratas clients…

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