Les talents sont devenus digitaux. Les RH non.
La transformation digitale de l’entreprise relève d’une logique de consumérisation des pratiques et outils internes. Ou pour dire les choses autrement, ce qui se passe à l’extérieur, coté client, finira par se passer en interne avec les mêmes approches et types de technologies et cela pour trois raisons:
- l’entreprise doit s’organiser pour servir son marché et ses clients à un niveau de vitesse, flexibilité et expérience suffisant. On ne peut servir des sprinters en s’attachant un boulet à la cheville.
- le collaborateur est un client qui passe la porte d’un bureau. Il s’attend à y trouver un monde aussi simple, efficace, engageant que ce qu’il vit dans sa vie de consommateur.
- il n’y a pas d’expérience client sans expérience employé.
Pour toutes ces raisons la fonction RH devrait être une des plus avancées dans sa transformation, car:
- c’est à elle de recruter les talents digitaux ou de faire en sorte qu’ils ne perdent pas leur potentiel digital en passant la porte du bureau.
- si la transformation est affaire de culture et d’usage elle vient en interne comme en externe par les Hommes.
- comme le marketing elle est en première ligne face à des interlocuteurs humains, clients dans un cas, candidats dans l’autre et, comme le marketing, elle devrait être la première à tirer les leçons de ce qu’elle constate et vit. La première consciente du décalage entre l’intérieur et l’extérieur.
Les RH et le digital: un fossé qui ne se comble pas
On pourrait croire qu’avec le temps la fonction RH comble peu à peu le retard qu’elle a en matière d’appropriation des enjeux et, surtout, des pratiques du digital. Et d’ailleurs un certain nombre d’exemples tendent à nous redonner espoir. Pour autant il semblerait bien que ce ne soient que les arbres qui cachent la forêt. Une récente étude Cap Gemini Consulting intitulée Using Digital Tools to Unlock HR’s True Potential vient en effet doucher notre regain d’optimisme.
La première chose qui surprend à la lecture de cette étude est l’écart entre les pratiques des collaborateurs et candidats et celles de la fonction RH. J’entends encore trop souvent certains se réfugier derrière un «oh mais nous nos salariés ne sont pas comme cela… dans notre secteur c’est différent, il n’y a pas les mêmes attentes». Une justification qui vole de fait en éclat.
L’étude montre que:
- Le candidat est «social et mobile». Il utilise les plateformes sociales pour trouver un emploi, recherche et candidate sur son mobile. Un site de recrutement non optimisé mobile conduit à 40% d’abandon dans le processsus de candidature.
- Le candidat est un acteur de la marque employeur au travers des expériences qu’il partage en ligne.
A coté de cela les pratiques RH changent peu:
- 6% des entreprises utilisent les canaux sociaux pour intéragir avec les candidats et renforcer leur marque employeur.
- 80% continuent à utiliser que des outils «unidirectionnels» en matière de formation (sans interaction possible).
- 26% utilisent des analytics dans le recrutement pour améliorer la qualité de leurs décisions.
Quand 75% des dirigeants pensent que leurs RH sont en retard sur le sujet cela pose effectivement des questions.
Pour autant la preuve n’est plus à démontrer des bénéfices de la digitalisation des pratiques RH et l’étude mentionne un certain nombre de chiffres intéressants basés sur des études de cas réels. Quand un UPS passe de 19 à 15 000 recrutements sur mobile en 3 ans, qu’une entreprise se rend compte que ses salariés les plus performants ne viennent pas des filières qu’elle pensait et qu’elle surpaie donc de la sous performance il y a tout de même matière à questionner les pratiques actuelles.
Les RH ont conscience de leur retard
Je ne sais si c’est une bonne nouvelle ou non mais les RH ont pleinement conscience de l’inefficacité des pratiques actuelles. Entre ceux qui pensent que les salariés ne sont pas équitablement récompensés pour leur performance, que les entretiens annuels ne donnent pas une vue réaliste de la performance des collaborateurs et ceux qui ont compris que sans marque employeur digne de ce nom (c’est-à-dire gérée à l’aune des usages actuels) il devenait difficile d’attirer des talents, il devrait tout de même y avoir matière à faire bouger les choses.
Les RH face à des barrières bien connues
Les conclusions confirment ma perception. Ca ne sont pas tant les RH qui freinent ou ne comprennent pas ou ne veulent pas se remettre en cause en tant qu’individus, c’est plutôt un ensemble de choses qui font que le système freine les volontés individuelles.
Vieillesses des infrastructures et solutions IT qui empêchent d’avancer, perception du top management qui voit les RH comme un coût et ne les accompagne dans leurs efforts, manque de culture de la donnée…. Tous ces sujets sont réels et sont, on le voit chaque jour, autant de choses qui empêchent les plus volontaristes d’avancer. Maintenant je mettrai aussi un bémol: d’autres fonctions ont connu ou connaissent les mêmes problèmes et ça ne les a pas empêché de faire des choses. Bien que totalement légitimes ces sujets ne peuvent durer éternellement et on ne pourra pas toujours imputer le retard de la fonction RH à des facteurs organisationnels et systémiques.
Pour finir l’étude nous propose une feuille de route pour la digitalisation de la fonction RH. Si elle ne présente aucune surprise majeure et priorise la technologie sur les nouvelles pratiques, elle a le mérite d’exister et de servir de guide à ceux qui se seraient perdus en route ou ne sauraient pas encore par où commencer.
Et pour finir comme une vidéo va toujours mieux qu’un long texte…
Bertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.
Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.
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