Loic Le Meur: « ma plus belle erreur : bâtir dans la cour d’un autre »
« J’ai créé 6 startups et comme toujours lorsque vous démarrez une entreprise, il y a de nombreux défis. L’un d’eux était beaucoup plus difficiles que d’autres : Seesmic.
Ma pire erreur fut de trop dépendre d’un tiers. En fait, nous étions 100% dépendant de lui et a on a dû subir les conséquences.
En 2008, Twitter c’était vraiment « chaud » et beaucoup ont vu ça comme la prochaine ruée vers l’or, des dizaines de millions de dollars investis dans ce qu’on a appelé « l’écosystème Twitter ». C’était très basique à l’époque: Twitter a été présenté sur sa version «squelette», une «plate-forme», et même souvent juste un tuyau. Il a été maintenu sous sa forme la plus simple, et ouverte aux contributeurs, son API (le protocole qui permet aux développeurs tiers d’y contribuer) était largement ouverte et illimitée. Twitter était composé d’une toute petite équipe et était connu pour encourager une armée de développeurs pour créer ce qu’il n’a pas eu le temps ou l’envie de créer lui-même.
S’il y avait un territoire aussi populaire et largement ouvert, c’était le champs des applications mobiles autour de Twitter, dont lui-même ne disposait pas à l’époque, ni ne s’en préoccupait guère. Il y avait une telle demande que j’ai décidé, via les activité de Seesmic, de lancer des applications mobiles Twitter. Nous avons récolté beaucoup de succès, en particulier sur la plateforme Android, ainsi que beaucoup d’autres développeurs avec Tweetie sur iPhone et Tweetdeck sur toutes les plateformes, comme nous.
Je me souviens même avoir présenté l’ensemble de notre roadmap aux équipes de Twitter. Ils organisaient toutes les semaines une réunion où ils invitaient un développeur, ils étaient très serviables et pleins de bons conseils. Ils nous ont toujours soutenus et faisaient en sorte que les acteurs de l’écosystème aient de bonnes chances de réussir. Ils se sont même appuyés sur la communauté des développeurs pour lancer des nouveautés, avant de les annoncer sur leurs propres applications. Excités par toutes ces opportunités, les VC’s et les développeurs ont investi leur temps et leur argent à parier sur une croissance commune: plus Twitter grimpe, plus il y a de gagnants.
Nous avons eu tellement de croissance sur Android avec Twitter qu’un jour Google a décidé de nous mettre en avant, tout comme Facebook et MySpace. Ça se retrouvait sur chaque téléphone Android de la planète.
J’ai eu vent par un ancien employé de Twitter que ce screenshot (ci-dessous) a été discuté au niveau de la Direction, et même au niveau du board de Twitter.
Regardez le de plus près: Facebook, MySpace et … Seesmic. Oui, Seesmic et pas Twitter.
C’est encore plus évident dans la capture d’écran ci-dessous, où nous sommes placés AU-DESSUS de Facebook et MySpace.
Évidemment, Twitter aurait dû y apparaître, pas nous, mais Twitter n’avait pas d’application Android à ce moment-là.
En d’autres mots, nous étions les amis de Twitter, soutenus dans ce que nous développions par leurs équipes, mais nous étions aussi en train de devenir des moyens alternatifs pour lire des tweets avec une croissance importante. La fin de l’histoire est bien connue: certains ont été achetés, d’autres comme nous ont dû changer de stratégie d’un jour à l’autre et de nombreux disparus. Nous avons finalement été achetés par Hootsuite.
Je ne blâme pas Twitter pour ce changement stratégique – ils ne savaient pas qu’ils prendraient cette décision au moment où ils soutenaient pleinement leur écosystème. Je suis le seul responsable de cette erreur et je l’assume pleinement. Je n’aurais jamais dû concentrer les ressources de mon équipe en m’appuyant sur une seule plate-forme. C’est une leçon apprise à la dure avec de nombreux autres développeurs. J’étais trop enthousiaste et je suis devenu aveugle.
Je suis encore attaché à Twitter où j’y ai encore beaucoup d’amis, et je comprends pourquoi ils ont dû faire ce choix. J’aurais simplement dû le voir venir.
Voici mon conseil aux entrepreneurs qui parient sur le succès d’autrui: faire attention, tout peut changer d’un jour à l’autre et toutes les règles vont un jour changer. Je ne serai plus jamais dépendant de qui que ce soit. Twitter n’est certainement pas le seul à avoir changé de stratégie pour un compte de tiers, on connaît bien des développeurs qui ont parié sur un partenaire et ont dû fermer leurs applications ou changer leur stratégie. Cela arrive aussi à certains développeurs de Facebook qui ont perdu des millions d’utilisateurs en quelques jours.
Je ne blâme pas les plateformes (comme Twitter) en général. Elles doivent constamment adapter leur stratégie et si vous aviez à parier sur eux, attendez vous au pire en permanence, ainsi vous ne serez pas déçu. Demandez-vous toujours si vous êtes un élément gênant pour la monétisation de votre partenaire, c’était notre cas. Nous commencions a avoir une bonne audience alors que Twitter était sur le point d’ajouter des publicités sur leurs applications, nous étions donc synonyme de perte de revenus pour eux.
Cela ne veut pas dire que je ne re-créerai pas d’applications s’appuyant sur d’autre plates-formes, mais je m’assurerai qu’on peut tout arrêter n’importe quand, et éviter au maximum d’être dépendant d’un seul partenaire »
Loic Le Meur vit à San Francisco. Il est le fondateur de la conférence internationale LeWeb, dont la prochaine édition a lieu à Londres les 5 et 6 juin prochains.
La version originale en anglais de cet article, publié par Loic LeMeur, est accessible sur Linked In
Sachez Loïc que j’étais l’une de vos premières utilisatrices, que j’ai blogué sur Seesmic car je le trouvai génial, bien supérieur aux outils existants, même en version beta. Ce fut l’une de vos plus belles réussites avec LeWeb. (Nostalgiquement), Diana
En meme temps, Seesmic a débuté par un système de vidéo qui n’a pas fonctionné aussi