Pourquoi l’Afrique, et non l’Occident, est le fer de lance du paiement mobile
Aujourd’hui, à l’évocation de l’expression « paiement mobile », certains pensent spontanément à Apple Pay (dont une version française se fait attendre)…. Ou, pour les plus férus de nouvelles technologies, aux projets de Facebook autour des paiements via son Messenger, ou encore à ceux d’Orange Cash and Kix. D’autres, plus au fait des nouveautés, citeront aussitôt iZettle, un lecteur mobile d’encaissement.
Or ces outils, aussi perfectionnés soient-ils, ont tous un point en commun : ils sont largement à la traîne par rapport à ce qui existe dans les pays émergents ! L’Afrique, l’Asie du Sud et d’autres régions se distinguent en effet en termes d’innovations dans le paiement mobile. C’est là que ces technologies ont le plus grand impact, et pas aux Etats-Unis, en Allemagne ou en France. Avez-vous déjà entendu parler de M-PESA, le service de Mobile Money lancé au Kenya en 2007 ? 59% des Kenyans utilisent déjà cette plate-forme dans le pays, où elle représente 66% des volumes de transactions financières. M-PESA permet à ses utilisateurs de faire de nombreuses opérations, qu’il s’agisse d’achats dans l’épicerie du quartier, du paiement de factures et de frais de scolarité, ou encore de la commande d’un billet d’avion. Le tout depuis un téléphone mobile, sans qu’un compte bancaire soit nécessaire. Et M-PESA n’est pas la seule offre.
Au total, 16 pays dans le monde comptent davantage de portefeuilles électroniques Mobile Money que de comptes en banque traditionnels, et ce sans qu’Apple, Google ou Facebook y soient pour quelque chose… Mobile Money, un portefeuille iconoclaste Contrairement au « portefeuille mobile », qui est certainement le service de paiement mobile le plus connu (il s’agit ni plus ni moins d’une interface pour cartes de crédit/débit), un compte Mobile Money n’est pas rattaché à un compte bancaire. L’argent électronique est stocké sur un compte associé au numéro de téléphone mobile de l’utilisateur, qui sert à acheter des biens de consommation et des services, à régler des factures ou à envoyer de l’argent à une tierce personne également équipée d’un téléphone portable. Inutile de disposer d’un smartphone connecté à internet et d’une application spécifique : ce service est compatible avec tous les modèles de téléphones basiques dits « feature phones », grâce au protocole USSD et à la technologie STK dont ils sont équipés par défaut.
Les services de Mobile Money sont promus par des opérateurs de téléphonie mobile tels que Vodafone, Tigo et MTN, qui revendiquent des dizaines de millions de clients dans le monde. Une croissance d’un niveau sans précédent, selon la GSMA, association qui représente les acteurs de la mobilité du monde entier, les offres de Mobile Money comptent aujourd’hui plus de 103 millions d’utilisateurs actifs dans le monde. Ils étaient 60 millions en 2013 et 30 millions en 2012. 103 millions d’utilisateurs… C’est comme si 1 habitant de l’Union européenne sur 5 utilisait un portefeuille Mobile Money pour envoyer de l’argent à des amis, régler ses factures, faire des achats ou percevoir son salaire directement sur son téléphone portable.
Avec 265 services proposés dans 90 pays, le paiement mobile a déjà conquis près des deux tiers des pays émergents. Après avoir vu le jour en Afrique de l’Est, ce type d’offre s’est implanté très largement, du Paraguay au Pakistan. Un succès au très fort impact, puisque les 2 milliards d’habitants de la planète dépourvus de compte bancaire peuvent accéder, pour la première fois, à des services financiers par ce biais. Au total, 7,5 milliards de dollars ont circulé dans le monde par l’intermédiaire de systèmes de Mobile Money rien qu’au mois de décembre 2014 – soit l’équivalent des sommes promises par les pays industrialisés pour mener des campagnes de vaccination jusqu’en 2020 auprès de populations défavorisées.
Des opportunités à l’international
Ces succès ont été dans un premier temps principalement domestiques. Jusqu’à encore récemment, il était impossible d’envoyer de l’argent à l’étranger vers des portefeuilles Mobile Money, depuis un téléphone portable vers un autre, en raison de l’absence d’infrastructures techniques ad hoc. Un obstacle qu’il a fallu surmonter puisque des centaines de millions d’habitants de pays émergents survivent grâce à l’argent reçu de leurs proches, partis travailler à l’étranger ; ces expatriés représentent une manne financière importante pour ces économies en devenir. Les fournisseurs de services Mobile Money ont finalement pu intégrer leurs interfaces de programmation (API) avec les services de transferts d’argent internationaux. Et le succès ne s’est pas fait attendre : ces transactions internationales constituent désormais l’offre de Mobile Money qui enregistre la croissance la plus rapide de toute l’industrie, comme l’a annoncé officiellement la GSMA il y a quelques mois.
C’est la preuve que les attentes du public ont évolué, et qu’il attend une autre qualité de prestation. Les clients en ont assez des files d’attente en agence, de la paperasserie et des commissions exorbitantes imposées par les acteurs historiques du secteur. Plus de 30% des transferts d’argents effectués via WorldRemit depuis l’Europe ou les Etats-Unis concernent ainsi un portefeuille Mobile Money. Les utilisateurs plébiscitent l’instantanéité du transfert réalisé depuis leur téléphone mobile, qu’ils ont été parmi les premiers à apprécier. Ils utilisent des services de Mobile Money depuis des années, alors qu’ils vivaient encore dans leur pays natal.
Alix Murphy, analyste en chef spécialiste de la mobilité chez WorldRemit Spécialiste du secteur des services de Mobile Money, Alix aide WorldRemit à tisser des liens avec des opérateurs télécoms du monde entier. Avant de nous rejoindre, elle travaillait au sein de la GSMA où elle suivait les grandes tendances en matière de paiement mobile et d’identité digitale, et discutait avec les opérateurs de téléphonie mobile des nouvelles opportunités commerciales. Alix Murphy possède une grande expertise dans le secteur des télécoms dans différentes régions du monde (Afrique sub-saharienne, Amérique Latine, Amérique du Nord, Asie de l’Est et Sud-Est asiatique). Elle a débuté sa carrière dans le domaine du développement international, notamment pour le compte des Fondations Grameen et Aga Khan.
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Un article sur le paiement mobile en Afrique et vous ne mentionnez pas Famoco ?!