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Quelle place pour Salto, la plateforme de streaming de TF1, France Télévisions et M6, face à Netflix ?

Plus de deux ans après l’annonce du projet, Salto, la plateforme de streaming de TF1, France Télévisions et M6, est enfin lancée ce 20 octobre 2020. Le service de vidéo à la demande des trois groupes audiovisuels français débarque dans un secteur déjà largement occupé par des acteurs comme Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, Apple TV+, myCANAL ou encore OCS. Pour faire la différence, la plateforme veut miser sur sa valeur française en mettant l’accent sur des contenus français, à la différence de services comme Netflix qui ont un positionnement international. Initialement prévu pour le premier trimestre 2020, le lancement de Salto avait été une première fois repoussé au 3 juin 2020. Finalement, en raison de la crise du Covid-19, celui-ci a donc été reporté à l’automne après une phase de tests cet été.

Sur Salto, projet initié par Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, les Français pourront retrouver des programmes qu’ils connaissent bien, comme L’amour est dans le pré, Koh-Lanta, Plus Belle La Vie, Alex Hugo, Capitaine Marleau, Sam ou encore Enquête Exclusive. En revanche, au lieu de les regarder gratuitement à la télévision (sous réserve du paiement de la redevance audiovisuelle de 138 euros par an) ou sur un smartphone, il faudra cette fois payer un abonnement mensuel, sans engagement et avec un premier fois gratuit. Trois offres sont proposées, entre 6,99 euros et 12,99 euros. La moins chère ne permettra d’accéder à Salto que sur un seul écran, quand Disney permet de regarder des programmes sur quatre écrans en simultané pour le même prix. Il faudra débourser 12,99 euros par mois pour disposer de quatre écrans en simultané. 

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Avec cette fourchette de prix, Salto reste attractif par rapport à ses concurrents. Mais cela suffira-t-il pour gagner rapidement des millions d’abonnés ? Pour se distinguer des acteurs du marché, la plateforme de TF1, France Télévisions et M6 proposera en plus de ses contenus (séries, films, documentaires, dessins animés…) une vingtaine de chaînes en direct et en replay (TF1, France 2, France 3, M6, Paris Première…). Une fonctionnalité intéressante mais pas différenciante dans la mesure où des services comme Molotov permettent déjà de regarder gratuitement les chaînes de la TNT sur ordinateur, tablette et mobile. Cependant, Salto mise surtout sur un accès à 10 000 heures de programmes (15 000 en 2021) pour engranger des abonnés, avec notamment des avant-premières et des exclusivités. Salto a d’ailleurs réussi un joli coup en s’offrant la quatrième saison de Fargo, série habituellement diffusée sur Netflix. 

250 millions d’euros sur trois ans, un budget très modeste

Cependant, au niveau du budget, la plateforme des géants de l’audiovisuel français fait bien pâle figure face aux mastodontes de la vidéo à la demande comme Netflix. A l’origine, TF1, France Télévisions et M6, les maisons-mères de Salto, n’envisageaient de mettre que 45 millions d’euros sur la table sur trois ans. Un montant qui paraissait dérisoire face aux milliards de dollars alignés par les cadors du secteur. Finalement, les trois groupes ont fini par revoir leur enveloppe d’investissement à la hausse en la portant à 135 millions d’euros, partagée à parts égales entre les trois porteurs du projet. Avec cet effort, Salto prévoit de mobiliser 250 millions d’euros sur trois ans pour se faire une place dans la cour des grands du streaming. Une goutte d’eau face à Netflix et consorts… Mais heureusement, TF1, France Télévisions et M6 dépensent ensemble chaque année près de 3 milliards d’euros dans la création de contenus. Ces derniers seront précieux pour alimenter régulièrement la nouvelle plateforme commune et éviter un salto arrière.

A titre de comparaison, Netflix, qui comptait 6,7 millions d’abonnés en France au dernier pointage, a dépensé 15 milliards de dollars dans la production de contenus originaux en 2019 et prévoit d’en mobiliser 20 milliards de plus cette année. Autre poids lourd du secteur, Disney+, qui a débarqué en France le 7 avril dernier, en plein confinement, a prévu de dépenser un milliard de dollars la première année pour la production de contenus originaux, avant de porter ce montant à 2,5 milliards de dollars par an d’ici 2024, date à laquelle le service pourrait atteindre la rentabilité. Si comme Disney, Salto peut s’appuyer sur une flopée de programmes déjà existants, la plateforme de TF1, France Télévisions et M6 aura cependant fort à faire pour trouver sa place sur un marché déjà très concurrentiel. Entre Netflix, plébiscité par les Millennials, Disney+, au public très familial, ou encore myCANAL, apprécié par les cinéphiles et les fans des séries de la chaîne cryptée (Engrenages, Baron noir, Le bureau des légendes…), le pari n’est pas aisé.

Toutefois, pour Gilles Pélisson, Delphine Ernotte et Nicolas de Tavernost, patrons respectifs de TF1, France Télévisions et M6, l’enjeu est surtout de montrer que les grands groupes de l’audiovisuel français sont capables de s’adapter aux nouveaux modes de consommation des programmes audiovisuels, tout en offrant davantage de visibilité à leurs contenus. En somme, Salto doit faire office de vitrine digitale pour les trois groupes désireux de parvenir à retirer l’étiquette de télé «old-school» leur collant à la peau, qui fait fuir les moins de 30 ans. La plateforme vient aussi concrétiser une alliance qui a mis du temps à se dessiner. En 2015, TF1, M6, Orange et France Télévisions avaient entamé des discussions pour fusionner leurs services de vidéo à la demande. Finalement, les négociations n’avaient pas abouti et le projet d’un «Netflix à la française» avait été abandonné… jusqu’à 2018.

Free, principal opposant à Salto 

Si Salto est désormais accessible, le chemin jusqu’au lancement de la plateforme n’a pas été de tout repos. En effet, il aura fallu plus d’un an pour que le projet obtienne le feu vert de l’Autorité de la concurrence, en août 2019, le processus de validation ayant été ralenti à cause de l’examen du dossier par les autorités européennes puis françaises. Plus cocasse, en juin 2019, Julien Verley, qui était en charge du projet Salto chez France Télévisions, a décidé de quitter l’entreprise audiovisuelle publique pour lancer «France+ Channel», une nouvelle offre de programmes français et européens à destination des marchés anglophones, hispanophones et sinophones. 

Dans un autre registre, Free a déposé en début d’année un recours devant le Conseil d’État contre l’autorisation délivrée par l’Autorité de la concurrence pour le lancement de Salto. Free craint que les trois groupes ne favorisent Salto au détriment des autres distributeurs, à travers notamment des tarifs favorables pour la vente des chaînes. Mais l’Autorité de la concurrence a imposé certaines contraintes pour éviter cela : les conditions de vente des chaînes devront être «objectives et non-discriminatoires» c’est-à-dire que le prix devra être similaire et ne devra pas favoriser Salto. TF1, France Télévisions et M6 se sont également engagés à «limiter les possibilités de promotion croisée entre leurs chaînes et la plateforme Salto». 

De plus, si Salto devenait annonceur sur TF1, France Télévisions et M6, cela se ferait aux même conditions commerciales que les autres acheteurs d’espace publicitaires. L’Autorité de la concurrence a également contraint la plateforme, si elle bénéficie en avant-première d’innovations en matière de services mais aussi de fonctionnalités, à ce que cette exclusivité soit limitée dans le temps. Insuffisant pour Free et Xavier Niel qui ont dénoncé un «cartel» entre les trois groupes audiovisuels représentant «80% de l’audience» dans un courrier envoyé à l’Autorité de la concurrence. A noter que Salto n’est pas accessible sur les box des opérateurs Internet pour l’instant, mais cela devrait changer dans les prochains mois, notamment avec Bouygues Telecom qui appartient au même groupe que TF1 (Bouygues). Pour son lancement, la plateforme est disponible sur ordinateur, tablette et smartphone. 

«La très grande majorité des Français n’est pas sur Netflix»

Malgré l’opposition ou la défiance de certains acteurs, Salto est bien là. Thomas Follin (ex-M6), directeur général de Salto, et Gilles Pélisson, président du conseil de surveillance de la plateforme jusqu’en 2021, tenteront de faire mentir leurs détracteurs, à l’image de Pascal Rogard, le directeur général de la SACD, l’une des principales sociétés françaises de droits d’auteur. Dès 2018, il n’avait pas manqué de faire part de son scepticisme sur les chances de succès de la plateforme. «Salto n’a aucune chance contre Netflix, la seule réponse crédible est une plateforme regroupant les services publics européens et proposant le meilleur de la création européenne», avait-il déclaré. 

Pourtant, les initiatives similaires à celles de Salto se multiplient en Europe, à l’image de BritBox, fruit de l’alliance entre les deux grandes chaînes de télévision BBC et ITV pour freiner Netflix outre-Manche. Toujours est-il que Thomas Follin, le directeur général de Salto, se veut confiant : «La très grande majorité des Français n’est pas sur Netflix. Nous espérons qu’ils viendront sur Salto.» Verdict dans quelques mois.

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