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Rachat de LinkedIn par Microsoft: «Peut-être un début de riposte à l’offensive que prépare Facebook»

La nouvelle a fait l'effet d'une bombe; Microsoft s'offre le réseau professionnel aux 433 millions de membres dans le monde pour plus de 26 milliards de dollars. «Ensemble, nous pouvons accélérer la croissance de LinkedIn, ainsi que celles de Microsoft Office 365 et Dynamics afin d'offrir davantage de possibilités («empower», ndlr) chaque personne et chaque organisation sur la planète », a annoncé Satya Nadella, le PDG de Microsoft. Mais quels sont les enjeux réels derrière ce rachat? Les réponses de Bertrand Duperrin, expert Frenchweb.

 

Frenchweb: Etes-vous surpris par ce rachat inattendu et quelles leçons en tirez-vous?

bertrand-duperrinBertrand Duperrin, expert Frenchweb: Oui relativement, car même si les derniers résultats de LinkedIn étaient un peu décevants, je ne les voyais pas se faire racheter aussi vite. Mais ce qui est le plus surprenant est bien l’identité de l’acheteur car j’aurais bien vu un Salesforce tenter de mettre la main sur la base de données business ultime. Quant au montant (49% au-dessus du dernier cours), il montre que Microsoft croit beaucoup au projet et que les synergies avec le portfolio produit actuel représentent une valeur supérieure à ce que vaut LinkedIn seul.

En matière de rachat, l’important est moins ce qu’on rachète que ce qu’on compte en faire. Microsoft n’est pas très bavard sur le sujet donc on ne peut que supputer. S’ils disent que LinkedIn restera une entité indépendante, cela ne veut pas dire qu’ils n’envisagent pas de synergies, sinon le prix payé n’est pas justifié. La première chose que j’en retire c’est la confirmation que lorsque l'on veut être « people centric », on doit traiter à la fois la dimension pro et perso du collaborateur. Il y a une complémentarité énorme entre les usages que supporte Microsoft sur le poste de travail et ceux que supporte LinkedIn. Ce sont deux faces d’une même réalité, d’une même personne et jusqu’à aujourd’hui personne ne pouvait se targuer de pouvoir outiller les collaborateurs tout au long de ses usages collaboratifs et sociaux à vocation professionnelle.

La seconde c’est que Microsoft veut vraiment se battre sur la dimension CRM/Data et que dans cette perspective, ils ont mis la main sur la plus belle base de données B2B possible.

Est-ce un rachat pour se relancer pour Microsoft (notamment face à Google)?

Face à Google ? Je ne pense pas. C'est une pique vers Salesforce qui aurait été un candidat logique au rachat de LinkedIn. Et puis peut-être un début de riposte à l’offensive que prépare Facebook avec Facebook at Work qui peut rapidement devenir une déferlante dans les entreprises. LinkedIn était un candidat beaucoup plus naturel et légitime que Facebook pour lancer une version entreprise de son produit grand public, mais contre toute attente n’a pas fait ce choix alors qu’on en parle depuis la fin des années 2000.

Rien ne permet de dire que Microsoft va s’appuyer sur une évolution de LinkedIn pour contrer Facebook sur le poste de travail du collaborateur, mais on ne peut pas ne pas se poser la question.

Sur le marché RH en particulier, est-il sain de se diriger vers une telle concentration?

L’économie digitale crée monopole sur monopole, donc il va falloir s’habituer à de telles concentrations. Celle-ci est-elle saine ? Quand on voit ce qu’on peut tirer des données personnelles contenues dans Linkedin en termes de business intelligence j’aimerais bien savoir ce que pensent à ce moment précis des DG et DRH de tous les concurrents de Microsoft dont les collaborateurs utilisent abondamment Linkedin… En termes de veille concurrentielle et de business intelligence, le potentiel est incroyable. Après, tout est question d’éthique. Je ne vois pas Microsoft franchir la ligne jaune, ça n’est pas sa culture ni son ADN mais quoi qu’il en soit le sujet existe.

Quels seront les chantiers prioritaires pour Microsoft suite au rachat?

Plus que des passerelles, développer de vraies synergies entre LinkedIn et ses produits actuels, à la fois coté réseautage social et marketing. Connecter, intégrer les solutions et les rendre intéropérables a minima, proposer davantage de valeur par une bonne utilisation des données également. Ensuite il y a ce que Microsoft peut apporter aux utilisateurs de Linkedin en termes d’outils professionnels dans le cloud. Il y a également chez Microsoft des compétences en termes de data qui semblaient être le point faible de LinkedIn ces derniers temps et qui peuvent renforcer la valeur des services vendus aux entreprises.

Enfin, quand on voit à quel point les outils et pratiques de la fonction RH vont devoir tendre vers des approches davantage inspirées de la relation client et du marketing et qu’on imagine le potentiel conjoint de Dynamics et LinkedIn… Je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a là une première brique pour commencer à construire une offre RH aujourd’hui absente chez Microsoft. Je ne sais pas si cela fait partie des choses qu’ils ont en tête, mais là encore il est impossible de ne pas au moins évaluer cette option. Si on croit – et j’y crois – que le futur du SIRH sera une sortie de CRM, il y a la matière à faire quelque chose.

Et pour les utilisateurs des services et des plateformes, quelles sont les grandes évolutions à prévoir?

Dans un premier temps pour l’utilisateur final de Microsoft, ça sera l’arrivée de Linkedin dans Outlook, des data dans dynamics. Pour l’utilisateur Linkedin, peut-être quelques outils ou fonctionnalités de productivité personnelle. Ce qui sera intéressant à observer, c’est aussi les nouvelles offres à destination des entreprises que cette acquisition rend possible pour « verrouiller » totalement le client dans un environnement. Ensuite on verra. Après ces évolutions évidentes de l'existant va se poser la question de ce qu’on peut créer de radicalement nouveau à partir des produits de ces deux entreprises. Vu le temps nécessaire à la digestion de telles acquisitions, on n'en est pas encore là.

Lire aussi: Microsoft rachète LinkedIn pour 26,2 milliards de dollars
 

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2 commentaires

  1. Je ne pense pas que Facebook soit le plus à craindre. Par contre il y a déjà la vague Google qui est en route, sa suite Gmail + Google drive qui remplace Outlook + la suite Office de Microsoft. Beaucoup de boites dans la Silicon Valley ont abandonné Outlook, Word et Excel pour la suite Google qui est beaucoup plus éfficace et moins coûteuse.

  2. Le rachat de Linkedin par Microsoft n’est surement pas dans la perspective de concurrencer Facebook avec sa solution Facebook at Work. J’utilise cette plateforme depuis l’année passée et franchement déjà Yammer se fait ratatiner avec ce que propose Facebook en terme d’outils, alors Linkedin… Utilisateur de Linkedin depuis les années 2005 de mémoire, je n’ai cessé de m’en servir et de pester contre le site et particulièrement l’application mobile en tant qu’utilisateur. Je sais que de grandes entreprises dans le monde des assurances se servent de Linkedin avec beaucoup de bonheur, mais Linkedin n’a RIEN A VOIR avec la plateforme Facebook at Work. C’est sûr (et là Bertrand a raison), Microsoft a mis la main sur une des plus grosses bases de données professionnelles. Et ils vont surement avoir des discount pour essayer de convaincre les meilleurs ingénieurs de travailler chez eux :)

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