Talents et employeurs: mais qui recrute qui?
Freelance, impact du digital, porosité de la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle, mobilité… le monde du travail évolue! Des changements qui s’opèrent à une vitesse jusque-là jamais égalée.
Quels en sont les enjeux pour les entreprises?
Arriver non seulement à s’adapter à ces mutations mais aussi et surtout à les anticiper. Car, au delà d’une évolution des schémas traditionnels, c’est tout un contrat social qui se dessine et impose aux recruteurs une redéfinition de paradigme.
Un rééquilibrage des pouvoirs talents/entreprises…
Le constat est simple: l’entrepreneuriat est en plein essor. A HEC, un quart des diplômés sont des entrepreneurs contre à peine 10% des élèves il y a 10 ans (source: Baromètre sur l’entrepreneuriat à HEC 2015), et cette tendance ne cesse de s’accentuer.
Loin d’être anecdotique, ce chiffre souligne un renversement de pensée, particulièrement flagrant chez les individus issus des générations Y et Z. Ils ne rêvent plus d’intégrer un grand groupe du CAC 40 ou de faire carrière dans les banques d’affaires et cabinets de conseils les plus renommés. L’aventure et la liberté supplantent la sécurité et la rémunération comme marqueurs de réussite et d’épanouissement professionnel.
C’est tout un pan de l’attractivité des grands groupes qui s’effondre et les confronte à un besoin constant de revalorisation de leur offre.
Le format de carrière prédéfini, organisé en échelons et fonction de l’ancienneté ne séduit plus. Haut salaire et stabilité ne compensent plus un manque de stimulation et d’autonomie comme le souligne une étude LinkedIn (mai 2016) qui révèle que 77% de salariés accepteraient une baisse de salaire pour travailler dans une entreprise dans laquelle ils croient.
Si les raisons de ce désenchantement sont multiples, le résultat est le même. Et la guerre des talents fait rage.
Dans ce contexte, comment attirer les meilleurs et les garder au sein de l’entreprise? A ce petit jeu les start-up semblent tirer leur épingle du jeu en séduisant non seulement les jeunes talents, mais également en siphonnant les réservoirs des grands groupes. Nombre de leurs cadres sont en effet attirés par le challenge, le dynamisme et les opportunités de ce milieu en plein essor: 85 % des professionnels du numérique seraient prêts à travailler dans une startup (Enquête en ligne menée par L’Usine Digitale et Page Group). Pour autant, même au sein de cet écosystème, la compétition est féroce.
Face à une telle redistribution des pouvoirs entre talents et entreprises, qui place de manière inédite les premiers au même niveau que les secondes, il devient nécessaire pour ces dernières de se distinguer afin de s’assurer la présence des bons collaborateurs au sein de leurs équipes.
… qui fait bouger les lignes
On observe déjà un changement d’attitude de la part des entreprises, dont la manifestation la plus évidente s’observe sur les réseau sociaux.
Les talents, et particulièrement ceux de la génération Y, sont sensibles à l’engagement social des entreprises, mais assez peu réceptifs à leurs communications institutionnelles. Ainsi, véritables relais d’image de la marque employeur et outils d’expression authentique et informelle, les réseaux sociaux permettent à l’entreprise de se rapprocher du talent.
Dans cet environnement public et partagé, le pouvoir entre les deux parties est effectivement réparti de manière égalitaire, donnant même parfois l’avantage au talent toujours susceptible de générer un bad buzz très dommageable pour l’entreprise.
On retrouve cette même nécessité de contrôle et de travail sur la marque employeur à travers l’émergence de plateformes participatives, comme Glass Door qui propose un système de notation et d’évaluation des entreprises, autorisant ainsi les talents à exercer le pouvoir qui est le leur et restaurant l’équilibre entre candidat et recruteur.
Au-delà d’un vecteur de communication, les réseaux sociaux sont également un moyen sans précédent pour les entreprises de se rapprocher des talents d’une nouvelle manière. Ils constituent un terrain d’exception pour atteindre ces derniers de manière ciblée et, avec leur accord, jusque dans leurs vies privées.
On retrouve ici les prémices d’une démarche personnalisée et pro-active qui touche les talents en tant qu’individus et met en exergue les similarités et la complémentarité entre le projet de l’entreprise et la personnalité du talent. Une démarche, certes digitale mais paradoxalement plus humaine, qui pose les bases d’un rapport égalitaire et d’un besoin réciproque entre le talent et l’entreprise.
Enfin, cette volonté de s’adresser au talent en tant qu’individu se retrouve dans l’essor des politiques de cooptation: sur le principe que «les bons attirent les bons», le collaborateur est mis à contribution pour attirer des talents. Il est le meilleur ambassadeur de l’entreprise qui lui délègue une partie de son pouvoir et réduit la fracture entre elle et le potentiel collaborateur.
L’humain au coeur du processus de recrutement
Pour autant, aussi nécessaires soient-elles, ces démarches ne sont qu’une partie de la réponse au problème.
Assimiler ce nouvel équilibre des pouvoirs et en tirer parti pour attirer les meilleurs collaborateurs nécessite une refonte plus globale du paradigme actuel. Il faut repenser le rapport au talent.
Le talent est unique. Dans un monde aussi mouvant, où l’individu dispose d’un nombre de choix et de possibilités quasiment illimitées, où les expériences se multiplient, où les frontières disparaissent, le profil type n’existe plus. Il est urgent, une bonne fois pour toutes, de sortir de cette logique qui entend faire correspondre un CV et une fiche de poste!
Les entreprises qui s’attireront les faveurs des meilleurs talents sont celles qui leur offriront l’agilité et la flexibilité inhérentes aux nouvelles attentes du marché du travail.
Flexibilité dans le cadre de travail mais aussi dans le processus de recrutement et dans la manière de le penser. Trop souvent, l’entretien a pour but d’offrir une chance au candidat de prouver sa valeur. Mais l’entreprise ne rend pas un service en embauchant le collaborateur. Si elle le fait c’est parce qu’elle en a besoin et y trouve un intérêt.
Or, les meilleurs candidats choisissent leur employeur! Pour attirer ces top talents, il est primordial d’aborder le processus de recrutement comme une relation horizontale, où chacune des deux parties aura à coeur d’apprendre à connaître l’autre pour déboucher sur une relation cohérente et vraie. Et finalement aboutir à une situation «gagnant-gagnant».
Humaniser le processus de recrutement revêt plusieurs aspects à bien avoir en tête pour s’assurer un recrutement de qualité.
D’une part:
-
Raccourcir les délais dans le processus de recrutement (de prise de décision, entre chaque entretien, etc.)
- Etre juste et franc dans la promesse faite au candidat. Par exemple ne pas sur-vendre la mission au talent! C’est inutile: si ce dernier est déçu il partira, tout sera à refaire et l’entreprise aura perdu du temps et de l’argent.
D’autre part (et peut-être surtout!):
- Définir si, en sus des compétences qui sont un pré-requis suffisant mais pas nécessaire, le candidat dispose d’une personnalité cohérente avec l’esprit et les valeurs de l’entreprise.
Combien de start-up ont-elles fait le mauvais choix en accordant leur confiance à un candidat techniquement sans reproche mais humainement dommageable pour l’équipe toute entière? Si un mauvais recrutement est problématique pour une grande entreprise, il est en revanche dramatique pour une start-up early stage! D’où la nécessité de réellement chercher à connaître et comprendre qui est la personne derrière le talent.
Enfin, au-delà de la relation candidat-recruteur, la différence se joue aussi sur la proposition de valeur de l’entreprise. Un collaborateur déçu, on l’a déjà dit, partira.
A l’inverse, l’offre d’un projet motivant et la promesse faite au collaborateur de monter en compétences sont désormais les conditions sine qua non d’un recrutement réussi.
Tel est le futur du monde du travail: les entreprises attireront les meilleurs en proposant une relation d’apports mutuels, dans une logique égalitaire et respectueuse. Car, et les start-up l’ont bien compris, l’enjeu n’est plus tant de «s’acheter» la fidélité du collaborateur que de retenir l’individu en lui proposant un cadre stimulant où se développer et croître en compétences.
Ainsi, face aux évolutions du monde du travail et dans un environnement de plus en plus concurrentiel, attirer les meilleurs talents requiert d’adopter une nouvelle manière de penser le recrutement et l’accompagnement du collaborateur. Les entreprises qui placeront le candidat sur un pied d’égalité dans une relation horizontale, honnête et essentiellement centrée sur l’humain seront les leaders de demain.
Après quelques années en banque d'affaires, David Simeoni fonde Elinoï dont la mission est d’accompagner les talents et de les aider à trouver un job qui ait du sens pour eux, avec des personnes en lesquelles ils se reconnaissent à travers un mélange d'humain et de technologie.
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