
2025, l’année où l’Europe a (peut-être) dit non à Google Cloud
HARD RESET : la chronique qui ne résout rien, mais tente quand même.
Face au retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, l’Europe redécouvre l’urgence de sa souveraineté numérique. Pour la première fois, des signaux concrets indiquent que la dépendance aux géants américains du cloud est remise en cause. La rupture est encore balbutiante, mais les lignes bougent.
À première vue, rien n’a changé. Les entreprises et administrations européennes continuent d’héberger leurs données chez Amazon Web Services, Microsoft Azure ou Google Cloud. Les services fonctionnent, les coûts sont maîtrisés, les intégrations sont rodées. Pourtant, depuis le début de l’année, un malaise grandissant traverse les directions informatiques, les agences de cybersécurité et les instances politiques du Vieux Continent.
Donald Trump, les incertitudes sur la protection des données, et les menaces géopolitiques explicites formulées à l’égard de l’Europe ont agi comme un révélateur. Ce qui relevait hier de la posture idéologique – la souveraineté numérique – devient peu à peu un impératif stratégique.
Le cloud, talon d’Achille de l’autonomie européenne
Il y a une volonté claire de dé-risquer la relation avec les hyperscalers américains » Aux Pays-Bas, la Chambre des représentants a adopté huit motions demandant au gouvernement de réduire la dépendance aux technologies américaines. Dans le même temps, plus de 100 organisations ont signé une lettre ouverte en faveur d’une autonomie technologique européenne.
Ces derniers mois, plusieurs fournisseurs cloud européens émanant aussi bien de PME que d’institutions publiques. Les motivations sont explicites : anticiper d’éventuelles restrictions d’accès, contrecarrer les effets extraterritoriaux du CLOUD Act, et regagner la maîtrise sur des données jugées critiques.
De la conscience politique à l’arbitrage technique
Les dirigeants interrogés dans toute l’Europe s’accordent : les enjeux ne sont pas seulement réglementaires ou géopolitiques. La souveraineté numérique passe aussi par des arbitrages techniques lourds. Uprooter des milliers de serveurs, déplacer des bases de données, reconfigurer des services cloud-native : tout cela prend des mois, voire des années, et requiert des compétences rares.
Le vendor lock-in est une réalité. Si vous avez construit votre infrastructure autour d’AWS ou Azure, sortir du système revient à réécrire la moitié de vos outils. Dans ce contexte, les petites structures s’avèrent paradoxalement plus agiles que les grands groupes.
La décennie de la reconquête numérique ?
La question centrale n’est plus de savoir si l’Europe veut réduire sa dépendance technologique, mais si elle en a réellement les moyens. Les efforts engagés autour de GAIA-X, les investissements dans OVHcloud, ou Scaleway et les discours de commissaires européens sur le “cloud de confiance” peinent encore à rivaliser avec les moyens colossaux des hyperscalers américains.
Mais la dynamique pourrait s’inverser, à condition de passer à l’acte. Réserver une part des marchés publics à des opérateurs européens, renforcer les obligations de localisation, financer massivement l’infrastructure et la R&D : les leviers sont connus. Reste à les actionner avec la même détermination que celle qui a guidé le réveil budgétaire en matière de défense.