5 conseils pour vendre sa startup à un grand groupe
Par Benoit Perrin D’Arloz - Partner chez Raphael Financial Advisory.
WayKonect vient d’annoncer son rachat par Total. Créée en 2013 par Yassin Korchi, Christophe Lossois, Jonathan Schmidt et Anthony Jarosik, la startup a développé des solutions en mode SaaS de gestion de flotte intelligente et connectée pour les entreprises.
Le marché de WayKonect, et de manière générale tout ce qui touche au véhicule connecté, est en pleine effervescence. C’est un gros marché (plus de 30 millions de véhicules professionnels en Europe dont une faible partie est équipée), en forte croissance et qui est stratégique pour de nombreux acteurs pour qui c’est le moyen de garder le contact avec le client final – et donc de solidifier la relation. Signe qui ne trompe pas, ces 18 derniers mois, se sont lancés sur ce marché des constructeurs et équipementiers automobiles, des loueurs longue durée, des assureurs, des chaînes de réparation automobile, des acteurs de la mobilité… et des gestionnaires de cartes carburant.
Le marché était donc en train de se consolider et, pour WayKonect, continuer seul aurait nécessité des moyens colossaux. Une fois la décision de s’allier à un corporate prise, nous avons donc cherché celui avec lequel la création de valeur serait maximale.
Très vite, Total s’est avéré être un candidat sérieux.
L’accès à la base client de Total et son importante force commerciale est un atout indéniable pour accélérer la croissance de WayKonect, dans un métier où les cycles de vente sont très longs (6 mois à 1 an).
Pour Total, c’est un axe stratégique de croissance pour la division Marketing Services, qui veut développer les revenus non-pétrolier et accompagner ses clients sur des solutions de mobilité et de gestion de flotte globales. En outre, développer une technologie aussi pointue que celle de WayKonect n’est pas toujours aisé pour un grand groupe qui doit rapidement se positionner sur un marché qui bouge vite.
Pourtant, jusqu’à présent, si Total avait réalisé beaucoup d’acquisitions, il n’avait quasiment pas acquis de startups, a fortiori technologiques.
Au final WayKonect s’adosse à Total et les fondateurs restent dans l’aventure pour accélérer son développement commercial et intégrer le produit dans l’offre de Total à destination des gestionnaires de flotte.
De cette aventure, nous avons retiré cinq enseignements que nous vous partageons ici, sur les moyens de vendre une startup à un grand groupe.
Avoir le meilleur produit
Ne l’oublions pas, ce qu’un grand groupe cherche la plupart du temps en rachetant une startup technologique, c’est un produit unique (et/ou qu’il ne saurait pas développer en interne), et l’équipe qui en est à l’origine.
Dans le cas de WayKonect, l’équipe a lourdement investi dans son produit avant de le mettre sur le marché. Le produit était pensé pour le client (l’entreprise) comme pour l’utilisateur (le conducteur). Or, beaucoup de concurrents se sont lancés avec un produit semi-fini, ce qui a nuit à leur réputation. Pour un grand groupe, la réputation est clé dans la réflexion.
Faire parler de soi
On l’a dit, la réputation est importante. Mais l’image projetée l’est tout autant ; elle passe par des symboles qui relèvent de la communication, comme par de la pro-activité commerciale
WayKonect avait participé à de nombreux concours et gagné le Tour de France Digitale 2016 tout en étant intégré à Euratechnologies, l’un des incubateurs les plus prestigieux en Europe. Dans la foulée du Tour de France Digitale, la startup avait levé des fonds auprès de trois fonds prestigieux (Partech, Breega Capital et 360 Capital Partners) et de business angels, dont Thierry Petit et Olivier Mathiot. En outre, WayKonect avait initié des discussions commerciales avec plusieurs groupes, dont Total.
Trouver le bon « sponsor » interne
Pour vendre une startup à un groupe, il faut identifier le bon sponsor / porteur interne du projet qui aura la légitimité et l’appui nécessaire pour convaincre les décisionnaires avant d’enclencher l’(éventuelle) phase transactionnelle.
Pour WayKonect, le sponsor a été la direction commerciale de Total Marketing Services. On a commencé par des ateliers de démo du produit pour mettre en valeur l’équipe, puis une visite des locaux à Euratech, et ainsi de suite…
You never get a second chance to make a first impression
Plus qu’ailleurs, le premier rendez-vous avec un groupe est crucial. C’est dans ce RDV que le groupe va se faire un avis sur l’équipe, la compatibilité avec la culture interne, le caractère des fondateurs (le fameux: “Sont-ils gérables ?”).
Pour WayKonect, c’était d’autant plus important que Total avait déjà rencontré d’autres équipes sur le même créneau. Ils avaient donc déjà l’esprit aiguisé sur ce qu’ils voulaient – et ce qu’ils ne voulaient pas…
S’entourer de bons conseils
Vous vous direz que c’est l’instant autopromo, mais il est pourtant crucial pour les fondateurs et les actionnaires en général, d’être entourés de conseils expérimentés, représentant exclusivement leurs intérêts. Chaque transaction est unique, et les process standardisés fonctionnent mal avec des grands groupes.
Sans rentrer dans les détails du deal, dans le cas de WayKonect, il a fallu s’adapter aux process d’un grand groupe (qui ne sont pas ceux d’une startup…) et défendre le dossier qui est remonté jusqu’au Comex du Groupe. Face à de telles circonstances, pour une équipe de fondateurs (dont l’âge moyen est de 29 ans), l’équilibre entre assurance et humilité n’est pas facile à trouver. Il est donc capital de ne pas partir seul à l’abordage…
Le contributeur:
Benoit Perrin d’Arloz, Partner chez Raphael Financial Advisory.