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50 ans après sa création, quel bilan pour la technopole Sophia Antipolis?

AFP

Née il y a 50 ans sur la Côte d’Azur en France, quand la vie universitaire y était embryonnaire, la technopole de Sophia Antipolis frôle aujourd’hui les 40 000 emplois et en attire toujours plus, même si elle n’est jamais devenue le « Quartier Latin des champs » rêvé par ses concepteurs.

Bâtie ex nihilo au milieu d’une garrigue sans route, ni eau, ni électricité, où l’on chassait le perdreau et la grive, la technopole se présente comme une succession de petits immeubles d’allure impersonnelle, au milieu d’une pinède parcourue de joggeurs et fléchée de pancartes parfois en anglais. Rares sont les réalisations architecturales marquantes. Mais le plus important ne se voit pas: la matière grise et les brevets déposés.

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À quoi ressemble le salarié type de Sophia Antipolis?

Le salarié type de Sophia Antipolis a une formation supérieure, des collègues étrangers (60 nationalités sont représentées) et il travaille 15% de plus qu’à Paris car il peut partir en week-end plus vite, affirme le syndicat mixte Symisa qui supervise les mètres carrés disponibles. A Sophia Antipolis, les tailles d’entreprises sont variées, du numéro un mondial de la réservation de voyage Amadeus aux petites start-ups. Les laboratoires sont privés ou publics, comme l’Inria, l’Institut national de recherche dédié aux sciences du numérique, dont certains chercheurs ont participé à la création du web.

La technopole brasse aujourd’hui 5,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. En un demi-siècle, elle s’est construite avec des hauts et des bas, mais engrange 1 000 créations nettes d’emplois par an depuis cinq ans. « On a plus un problème de gestion de croissance » que l’inverse, assure le maire d’Antibes, Jean Leonetti, du parti Les Républicains.

Créatif mais « mort le soir »

Interrogez ses habitants ou ses promoteurs: tous vous diront qu’il fait bon vivre et travailler à Sophia Antipolis… à condition d’avoir une voiture et de supporter les bouchons aux heures de bureaux. Ici, pas de bouquinistes, la médiathèque est modeste, et les restaurants ouverts uniquement le midi. Le petit supplément d’âme qui permettrait de rivaliser avec un vrai centre-ville se fait attendre.

François Elzière, membre du Sophia Club Entreprise, y a posé ses valises il y a 35 ans. Lucide, il admet: « C’est vrai, c’est mort le soir et le week-end, sauf pour le sport » mais « il y a l’ambiance, le cadre de vie propice à la créativité, la lumière, l’aéroport » de Nice Côte d’Azur et sa desserte internationale à proximité. « La technopole peut difficilement attirer des sièges sociaux. C’est trop loin des centres de décision« , poursuit-il, mais c’est l’emplacement idéal pour les satellites de développement et de design comme celui de Toyota, dont il est le directeur financier. Renault et Mercedes sont aussi présents.

À l’époque, le projet « fait sourire » certaines personnes

Pourtant en 1969, quand le projet est annoncé, son nom de code, « Cité internationale de la sagesse, des sciences et des techniques », et son objectif de 20 000 chercheurs en 1980 font sourire. Sophia Antipolis n’est encore qu’une idée, mûrie par un polytechnicien, Pierre Lafitte, dont le beau-père est sénateur des Alpes-Maritimes. Il croit à la fertilisation croisée entre universités, entreprises et artistes. La Silicon Valley californienne n’existe pas encore mais le parc scientifique de Stanford lui sert de modèle. L’université américaine loue des bureaux à des industriels attirés par le vivier de compétences et, dès 1960, Pierre Lafitte, aujourd’hui 93 ans, imagine, selon sa propre expression, « un Quartier Latin des champs ». Reste à convaincre.

A l’époque dans ce Sud-Est français, si Thales vient de s’installer à Cannes, Thomson-CSF à Cagnes-sur-Mer et IBM à La Gaude, pour étudier dans une grande école, faire son droit ou médecine, il faut quitter Nice. La région dépend du tourisme, avec un chômage garanti à la moindre crise, et les industriels sont mitigés. Quand on produit en Lorraine, pourquoi mettre ses chercheurs au bord de la mer, au pays du carnaval de Nice?

Un développement au gré des cycles économiques

Dans un schéma typiquement français, l’Etat sera omniprésent lors de la création de Sophia Antipolis et le développement de la technopole, exogène. L’Oréal achète le premier un terrain en 1971. La plaquette de 1972 vante la « Florence du XXIe siècle », avant que ne survienne le choc pétrolier et l’échec d’un projet de musée d’art moderne avec l’ami de Picasso et mécène américain Joseph H. Hirschhorn – qui finalement ouvrira à Washington.

Le véritable décollage attendra le milieu des années 1980 avec des implantations d’entreprises étrangères. Au gré des cycles économiques, les secteurs d’activité évoluent: le numérique chasse les télécoms, puis vient l’heure des biotechnologies, de la micro-électronique, aujourd’hui de la voiture autonome et de l’intelligence artificielle. La crise de 2008 emporte des centaines d’emplois hautement qualifiés. Exit Texas Instrument, HP puis Samsung en 2015, Intel en 2016, Nestlé en 2018. Sophia Antipolis encaisse le choc. Le maire d’Antibes Jean Léonetti a fait appel à l’architecte Jean Nouvel pour construire d’ici à 2023 un nouvel ensemble de bureaux où Xavier Niel, le fondateur d’Iliad-Free, a promis d’implanter une réplique de son incubateur parisien, la Station F. Un centre commercial avec hôtel et faux lagon est aussi envisagé, ce qui vaut au maire les foudres de riverains inquiets: ce sera plus de voitures et moins de forêt.

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