Par Jean-Louis Benard, fondateur de Brainsonic
La situation est paradoxale : jamais les entreprises n’ont autant recherché à la fois l’engagement de leurs collaborateurs, une efficacité opérationnelle à toute épreuve et une agilité dans le business ; jamais il n’a été aussi difficile de le mettre en œuvre tant le contexte économique pèse sur la dynamique individuelle et collective.
Les réseaux sociaux d’entreprise (RSE) ont souvent été identifiés comme un levier possible d’engagement. Pourtant leur mise en œuvre reste embryonnaire, et les résultats mitigés. Dans bon nombre de cas, être actif sur le RSE, dans l’imaginaire collectif, c’est ne pas avoir grand-chose à faire « de réellement utile » pour l’entreprise. Pourquoi en est-on arrivés là ?
Se méfier des « laboratoires d’expérimentation »
Donnez un RSE à des collaborateurs en mode expérimental, pour voir ce qu’ils vont en faire. Il n’en ressortira pas grand-chose. « Les gens ont du travail » entend-on souvent. Passé les bonnes intentions, le RSE devient rapidement un artefact bizarre, qu’on tente de maintenir sous perfusion pour justifier l’expérimentation. Un bref coup d’œil aux statistiques suffit pour rapidement comprendre qu’il ne s’y passe rien. Pas grave, juste une expérimentation, pourrait-on penser. Au contraire : on introduit très rapidement dans l’esprit des collaborateurs de l’entreprise qu’un RSE ne sert… à rien. Et là le travail devient beaucoup plus complexe pour la suite car il faut avancer avec un apriori négatif.
« Rater un projet d’expérimentation, c’est introduire dans la tête du management et des collaborateurs qu’un RSE ne sert à rien »
Bref, dans ce type de projet le premier tir doit être le bon, sinon il faudra déployer beaucoup plus d’efforts. A trop vouloir on n’a finalement plus rien.
Par souci de bien faire, les projets de RSE démarrent souvent avec une phase de spécifications du besoin, puis de sélection d’outil. Le drame. Car succède à une étude à n’en plus finir une liste de pré-requis proche de la liste du père Noël. La sélection de l’outil n’en finit plus. Il faut des développements spécifiques complémentaires. Le cycle projet s’allonge. La montagne finit par accoucher d’une souris, pas très vaillante. Beaucoup d’argent dépensé, et déjà dans la tête du management s’installe l’association du RSE avec les mots « compliqué », « cher », « long ». Alors… que faire ?
Associer la mise en place du RSE avec un objectif prioritaire et quantifiable
La mise en place du RSE nécessite d’identifier un « vrai » problème de l’entreprise que le RSE va pouvoir adresser. Un problème sur lequel l’apport du RSE, d’une manière ou d’un autre, va pouvoir être monitoré. Exemple : si l’objectif est de désengorger les boites mails des collaborateurs, on va s’attacher à mesurer combien de mails sont « économisés » via des interactions sur le RSE.
Intégrer le RSE à des processus métier
Pourquoi les collaborateurs viennent sur un Intranet ? Parce qu’ils vont y saisir leurs congés. Parce qu’ils doivent remplir leur timesheet. Parce qu’ils retrouvent leurs indicateurs de performance. Pas pour regarder les dernières news, même si de fait ils le font, « collatéralement ». Le succès d’un RSE passe par des étapes assez similaires. S’il ne sert qu’à échanger « à vide » il est voué à l’échec. S’il est le support de processus métier, tout change. Si le flux de discussion associé à un projet, à une affaire sur la CRM, est un flux du RSE, alors les collaborateurs vont l’utiliser « by design » pour leur activité quotidienne. Pour ce faire, le RSE doit disposer d’une API pour pouvoir être intégré directement dans les applications métier. Une application doit pouvoir créer une discussion dans le RSE, un flux de discussion du RSE doit pouvoir être visible et enrichi dans une application métier sans aller dans le RSE.
Construire la solution aussi en fonction de l’outil
Oui. Aussi fou que cela puisse paraitre, ma conviction, c’est que la sélection de l’outil doit être rapide, et s’effectuer très en amont. Pourquoi ? En privilégiant une solution en mode hébergé sur le cloud, et en s’adaptant à ce que peut faire l’outil, le cycle projet se réduit, la mise en place est rapide, sans développements spécifiques, et l’énergie peut réellement être concentrée sur l’essentiel : la réussite du projet. Car le déploiement n’est pas l’aboutissement, mais le début.
Impliquer le top management ? Non. En faire des champions !
Tellement évident, mais tellement important – et difficile. Le top et le middle management doivent être irréprochables. Pas impliqués du bout des doigts. Non. Les champions du sujet. L’adhésion des collaborateurs passe par là. Nécessairement.
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Nous ne développons pas un RSE mais une plateforme collaborative et communautaire et nous avons beaucoup de points communs avec les RSE. Et notre premier retour d’expérience est sans appel. Il y a vrai frein en fonction de l’âge des utilisateurs. Nous avons remarqué que notre projet décollait dans les entreprises où la moyenne d’âge était inférieure à 30-35 ans. Inversement, dans les entreprises où les managers ne sont pas de la génération Y ou digital native, la plateforme ne prend pas malgré tous nos efforts.
En clair, je pense que les RSE et les outils collaboratifs sont confrontés à un problème générationnel.
Il m’apparaît que vouloir utiliser les RSE pour régler un problème, est la source du problème en soi. Un jugement sans appel, s’il n’en est un.