Xiaomi, Alibaba et consorts se mettent à la FinTech, les GAFA n’ont qu’à bien se tenir
Alibaba avec Alipay et Yu’e Bao, Baidu avec Baifa puis Tencent avec Licaitong… Les géants chinois de l’Internet s’étaient déjà majoritairement mis aux services financiers en ligne. Sauf Xiaomi. Voilà qui est rattrapé: le fabricant de smartphones a lancé le 11 mai un nouveau fonds de placement monétaire baptisé Huoqibao, au sein de l’application « Xiaomi Finance ». Cette banque en ligne proposera un taux de rémunération des dépôts supérieur à celui des banques traditionnelles puis des prêts personnels et du courtage en valeurs.
Ce nouveau service s’appuie sur l’expertise du spécialiste de la gestion de fortune en Chine E Fund Management, qui le monitore. La firme fondée en 2010 par Lei Jun donnait déjà la possibilité de se créer un portefeuille numérique, mais accusait un peu de retard sur la question des finances en ligne. Les autres ABTX (Alibaba, Baidu, Tencent, Xiaomi) – l’équivalent des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) pour la Chine – ont pris une longueur d’avance. Lancé à l’été 2013, Yu’e Bao regroupait 185 millions d’utilisateurs en 2014, Licaitong – fonctionnant via WeChat depuis janvier 2014 – en compte 10 millions.
Investissement sur les moyens de paiement
Cet effort sur la FinTech des ABTX illustre une stratégie de conquête basée sur la consolidation de la chaîne de transaction et des moyens de paiement, deux conditions sine qua non de leur succès. Dès 2007, Alibaba annonçait un investissement de 10 milliards de yuans (soit environ 1 milliard d’euros) dans ses infrastructures logistique, le nerf de la guerre dans l’e-commerce. En mai 2014, peu avant son entrée au Nasdaq, le groupe fondé par Jack Ma prévenait de son intention de continuer à investir dans la logistique. Un point commun avec Amazon, qui dépense également beaucoup dans ce domaine, au point que cela pesait fortement sur son résultat financier à l’automne dernier.
Et petit à petit, les ABTX s’affairent à prendre des parts de marché qu’auraient pu truster les géant américains de l’Internet. Alibaba vient bousculer Amazon. Le moteur de recherche Baidu occupe la place de Google. Xiaomi challenge Apple sur le hardware. Le Chinois a dégagé 74,3 milliards de yuans de chiffre d’affaires sur 2014, soit 9,98 milliards d’euros, contre 182,8 milliards de dollars sur 2013-2014 pour la firme à la pomme. Ces ABTX n’ont cependant pas ou peu entrepris de conquérir le marché européen. Eux préfèrent adresser les marchés émergents:
« L’Occident n’est pas leur priorité. Mais le monde est vaste en dehors de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Inde, Chine et Indonésie représentent près de trois milliards d’habitants, soit la moitié de la population mondiale », confiait en février au Nouvel Economiste le responsable de la filiale Asie de l’Atelier BNP Paribas, Renaud Edouard-Baraud.
Une stratégie similaire à celle des Américains
Pour s’étendre, Xiaomi et consorts appliquent une stratégie similaire à celle des Apple et Facebook: créer un écosystème au sein duquel l’internaute (ou le mobinaute) peut effectuer de plus en plus d’actions qui font partie de son quotidien, ceci dans le but de continuer à capter son attention le plus longtemps possible, plutôt qu’il papillonne de plateformes en sites. On a vu ces derniers mois comment Facebook accélère sur cette voie avec l’acquisition de TheFind pour passer à la vitesse supérieure sur l’e-commerce, l’intégration d’un système de paiement sécurisé pour sa messagerie instantanée Facebook Messenger, etc.
Ces oppositions GAFA/ABTX dans le domaine du numérique illustre d’ailleurs parfaitement le basculement du centre de gravité de l’économie mondiale auquel les économiste s’attendent dans les dix années à venir. Comme l’affirme le Centre d’analyse stratégique chargé de la prospective au cabinet du premier ministre:
« sa forte croissance laisse penser que d’ici 2025 l’Empire du Milieu deviendra la première puissance économique mondiale ».
Sur son site, il précise: « grâce à ses investissements massifs dans la recherche et l’innovation mais aussi dans l’acquisition de technologies occidentales, la Chine est leader mondial dans de nombreux domaines ». Bien qu’estimant que l’économie chinoise reste à consolider et qu’elle reste très dépendante des puissances étrangères, cela témoigne de ce basculement du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie d’ici une dizaine d’années maximum.
D’ici là, le développement de synergies entre un géant américain ou un autre d’origine chinois n’est pas à exclure. Pour preuve: Apple discute actuellement avec des banques chinoises et avec Alibaba en vue de lancer son système de paiement sans contact sur le marché chinois, assurait mardi son directeur général Tim Cook, dans une interview publiée par l’agence officielle Chine nouvelle.
Crédit photo: Xiaomi