«Stock options: Criteo nous a montré l’intérêt de l’actionnariat salarié»
Pour convaincre un futur collaborateur, -et le garder, les créateurs d'entreprise peuvent les motiver avec des stock options. Ils ont la possibilité d'offrir à leurs salariés soit des bons de souscriptions de parts de créateur d'entreprise (BSPCE), soit, et ce depuis avril 2015 et la loi Macron, des actions gratuites. Pour les «jeunes sociétés des secteurs technologique et biomédical notamment», c'est la possibilité de «pouvoir payer des talents convoités aussi par de grands groupes en leur proposant un intéressement en complément du salaire», expliquait alors il y a quelques mois le ministre de l'Economie.
Mais une fronde anti-parachute doré pour un patron du CAC40 et le cas Carlos Ghosn (Renault) est venue rebattre les cartes. De 20% de contributions patronales au moment de l'attribution des actions gratuites, un amendement dans la loi Sapin 2 le ferait passer à 50%.
Quels sont les dispositifs les plus avantageux pour les créateurs d'entreprise et pour les salariés? Quelles sont les barrières qui perdurent en France? Les réponses de Samantha Jérusalmy, partner au sein du fonds Elaia Partners qui investit dans des start-up en amorçage.
Frenchweb: Quels sont les trois dispositifs principaux qui permettent d'intéresser un futur collaborateur?
Samantha Jérusalmy, Partner chez Elaia Partners: J'en vois trois principaux utilisés en France, tout en sachant que les BSPCE sont le dispositif le plus répandu. Rappelons aussi que fiscalement, ces trois dispositifs restent très modestement avantageux parce qu'on est très largement taxé en France sur la plus-value.
– Les actions gratuites sont des actions attribuées gratuitement par une entreprise (et start-up) à un manager. Ainsi, tout manager salarié ou mandataire social peut en bénéficier. Parmi les contraintes, certains plafonds individuels et collectifs sont à respecter (inférieur à 10% du capital social de l'entreprise).
Ce sont ces actions gratuites qui sont directement concernées par l’amendement à la loi Sapin, qui porte à 50% les contributions patronales au moment de l’attribution de ces actions dites de « performance », mesure contre productive pour nos startups si elle passe. Le salarié est, quant à lui, imposé sur la plus-value au moment de la revente (imposition sur la plus value via l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux de 15,5%).
– Contrairement à ces actions gratuites, les BSPCE sont des bons de souscription à des managers qui perçoivent le delta entre la valeur d'attribution et la valeur ajoutée au moment de la sortie du capital. Cette opération se déroule donc très souvent lors de moments capitalistiques de l'entreprise. Ces bons peuvent être attribués à des employés; c'est une motivation en complément du salaire, avec souvent des durées minimales de rétention puis sont "vestées" dans le temps (sur quatre ou cinq ans en générale). Pour les BSPCE, il n’y a aucune charge pour l’employeur, mais le salarié est imposé sur la plus-value (impôt sur le revenu 19% et prélèvements sociaux 15,5%). A noter que les taux sont plus élevés si le salarié est dans l’entreprise depuis moins de 3 ans à la date de cession (45,5% au total).
– Les bons de souscriptions par action (BSA) ne sont pas destinés aux managers mais à des collaborateurs extérieurs à la société Souvent utilisés pour motiver des administrateurs indépendants siègeant au conseil d'administration de la société. Elles valent en général entre 10 et 20% de leur valeur au moment de l'attribution.
Quelles sont les raisons qui poussent à opter pour les BSPCE?
Distribuer des BSPCE ou des actions gratuites permet bien sûr de créer une incitation à la performance pour les managers. C’est un moyen de les impliquer encore plus puisque la valeur de ces titres dépend de la valorisation et donc de la performance de la société. En ce qui concerne la fiscalité, les actions gratuites et les BSPCE qui sont attribués aux salariés et mandataires d’une société, bénéficient d’un statut fiscal avantageux par rapport à d’autres formes d’incentives comme les BSA, que l’on utilise pour rémunérer les administrateurs indépendants.
Attribuer des BSPCE permet également d'arbitrer sur le salaire que l’on propose à un manager clé, et donc maitriser son burn rate, surtout au début quand la start-up a peu de cash. Et puis jouer sur l'équilibre titres / salaire permet d’évaluer la motivation et l’état d’esprit général du candidat. Quelqu’un qui accepte une forte composante titre et un salaire moins élevé a sans doute plus confiance dans la vision de l'entreprise et va se donner à fond. Cela permet parfois de faire la différence entre un salarié «classique» et quelqu’un qui va avoir un rôle structurant dans l'entreprise et s’engager sur le long terme. Cela permet aux dirigeants d’entreprises, qui ne peuvent s’aligner aux salaires proposés par les grands groupes, d’associer ses salariés au succès de l’entreprise.
Quel est le meilleur moment pour le faire?
Le plus tôt possible dès lors que la société a des ambitions de recrutement de top managers. Le moment logique pour constituer un pool de stock options est lors d’une levée car c’est à ce moment là que l’on fixe la valorisation et donc un prix d’exercice de ces stocks. L’attribution en elle-même a lieu lors d’un recrutement ou de la mise en place des packages de rémunération.
C'est d'ailleurs pour nous souvent un arbitrage. Nous observons les profils, entre le futur collaborateur qui demande un gros salaire et zéro stock contre un autre à l'inverse qui demande un salaire modeste mais beaucoup de stocks. Autant vous dire que nous sommes plus favorables à ce second profil. C'est clairement un signal positif. Et heureusement, on constate que ce deuxième cas est de plus en plus fréquent car les gens veulent se sentir de plus en plus concernés. Alors que le modèle était auparavant très américain, le virage s'est fait en France grâce succès comme Criteo, dont l’une des vraies originalités est que 100% du personnel est intéressé au capital par le biais de stock-options. Criteo nous a montré l'intérêt de l'actionnariat salarié.
Existe-t-il des barrières fiscales ou psychologiques?
Il y a un certain nombre de barrières psychologiques à dépasser, la plus important étant la dilution. Les entrepreneurs (et les investisseurs) ont peur de trop se diluer donc il faut trouver le bon équilibre entre incitation financière efficace et dilution. L’attribution pose également un problème et peut donner lieu à des négociations sans fins et être source de conflits. Chaque situation est unique, mais un bon principe est d’attribuer environ le même nombre de stock options aux managers de même niveau hiérarchique et surtout éduquer ses salariés à ces mécanismes..
Samantha Jérusalmy a rejoint Elaia.com » target= »_blank »>Elaia Partners en 2008. Samantha a commencé sa carrière comme consultante au sein d’Eurogroup, cabinet de conseil en organisation et stratégie, au sein du département Banque et Finance. Elle intègre ensuite en tant qu’analyste Clipperton Finance, société de Corporate Finance dédiée aux entreprises high-tech en forte croissance, avant de rejoindre Elaia Partners en 2008. Elle devient Investment Manager en 2011 puis Partner en 2014. Elaia Partners a investi notamment dans Criteo, Sigfox, Teads, Mirakl, Shift Technology.
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