Quid de vos premiers collaborateurs lorsque l’entreprise grandit?
A cette question plusieurs remarques et facteurs sont à prendre en compte.
La solution de facilité serait de ne pas grandir! Pas de croissance, pas de crise de croissance ! On ne traumatise personne on reste bien au chaud entre soi, entre 2 chiffres stables, celui du chiffre d’affaire et celui des effectifs. Ce «serre-livre» qui vous semblera comique, concerne pourtant l’essentiel des PME françaises. Les deux tiers ont un seul salarié, qui devient de facto, un membre de la famille. Seul 1% des PME ont plus de 250 salariés. L’essentiel de celles qui survivent à la période des cinq ans, ne dépassent pas les cinq salariés. Nous parlons donc, quand nous évoquons la problématique de la fidélisation des salariés, de la partie vivante de la Force, de ces PME conquérantes pour qui impossible n’est pas français, et qui, tel Obélix, sont tombés dedans quand ils étaient petits.
On pourrait aussi se demander s'il est nécessaire de conserver ses salariés du départ. Au-delà du côté confortable, de ce noyau dur, de cette famille de départ, témoins bucoliques d’une période bénie où la société frôlait la mort tous les jours, ce qui constituait le ciment humain et la cohésion de l’équipe, on peut sincèrement se poser la question. Or la réponse n’est ni évidente ni automatique.
S'adapter ou… mourir
L’être humain est complexe. L’environnement économique incertain et imprévisible. Penser qu’une personne, y compris le ou la dirigeante, soit toujours indispensable ou adapté à l’évolution de la société, est justement la raison de l’échec de nombre de sociétés de croissance. Certains sont fait pour une taille d’entreprise. Au-delà, ils perdent leur impact et leur intérêt. Dès lors, leur maintien devient nocif pour l’entreprise. L’ego prend le pas sur la compétence, et l’acharnement à rester de certains dirigeants est la raison d’une partie des liquidations d’entreprises. Prenez Dailymotion, Google pendant un moment (Schmidt), Se Loger, Allo Ciné et tant d’autres. Leurs fondateurs n’étaient souvent pas adaptés à la croissance de l’entreprise. Il en est de même pour les salariés.
Souvent maintenus par confort et amitié, ils sont parfois les meilleurs ennemis de votre réussite. Raison d’égo et de territoire, atteinte des limites de compétences, bien gérer leur renouvellement est aussi important que la question sur leur maintien. Ce changement a souvent du bon, car le salarié qui a des habitudes, devient averse au changement, et la résistance au changement est le premier facteur de déclin d’une entreprise. Il faut donc préalablement déterminer, quels sont ceux parmi vos salariés qui s’adaptent à la croissance, restent ouverts à la remise en cause, savent faire rimer expérience et disruption et évitent le «roupillon» dans les zones de confort. Ceux là, il ne faut pas les perdre. Les autres peuvent, voire même, doivent, partir. Les individus dans une entreprise c’est comme l’air dans une pièce confinée : Parfois il faut changer d’air. Non par mépris des salariés, mais pour leur rendre service. Maintenir une personne inadaptée c’est contreproductif pour l’individu et fatal pour l’entreprise. Nombre de salariés ont besoin du confort d’une «grosse» structure, d’autres ne sont heureux que dans une ambiance familiale, et les maintenir contre leur plein gré, est une véritable erreur de gestion.
Les outils de fidélisation
Pour les autres, il faut les fidéliser. Le salaire n’est paradoxalement pas le critère numéro 1, sauf pour les très jeunes, qui ont besoin de rapidement accroître leurs revenus. Pour eux, l’amitié, la convivialité se confrontent à des réalités matérielles, notamment dans les grandes villes, où l’immobilier engouffre une large partie de leurs revenus. Le salaire est donc une des armes, mais pas la seule, surtout avec le temps.
L’intéressement au capital est une arme séduisante mais à manier avec attention. Personnellement, je crois à la vertu du capitalisme salarié. Cela permet la création d’une zone de solidarité entre le fondateur et ses collaborateurs. Ils écrivent alors une histoire commune. Se comprennent mieux. Mais il ne faut pas le donner a priori, mais a posteriori, car le capital se mérite. Il coûte cher aux fondateurs, il ne peut pas être galvaudé.
L’évolution, la richesse des tâches, la reconnaissance et la valorisation, sont les armes les plus propices à la fidélité. Les collaborateurs brillants peuvent s’ennuyer dans la répétition. Le manque d’évolution. La polyvalence et la capacité à changer de job dans l’entreprise, bien gérée, peuvent devenir une arme de fidélisation massive. Il faut résister aussi à l’attribution automatique de responsabilité ou du management pour vos salariés, en guise de récompense. Certains n’en veulent pas ou ne sont pas fait pour cela. Les commerciaux en sont le meilleur exemple. Un bon commercial fait rarement un bon manager. Ce ne sont pas les mêmes compétences. Dès lors, une fois passée l’excitation des «gallons» sur la chemise, vous les perdrez, car ils seront face à leurs limites de compétences.
Le meilleur outil de fidélisation c’est de récompenser le travail bien fait. La considération est un moteur totalement négligé par nombre d’entreprises, notamment les grandes. Le changement est aussi une récompense possible pour les meilleurs. Le maintien du lien personnel, à manier avec précaution, reste un ciment solide pour beaucoup. En tous cas, sur les fonctions clés, il faut que l’air frais puisse rentrer, pour challenger l’existant, ce qui nécessite le départ de certains et la montée en puissance de nouveaux.
La question est donc bien de fidéliser ceux qui prouvent leur capacité d’adaptation et leur valeur ajoutée, et de savoir détecter les signes d’inadaptation des autres avant qu’il ne soit trop tard. Une bonne connaissance de ses troupes vaut tous les plans sociaux du monde!
Denis Jacquet. Entrepreneur du Net depuis 2000, fondateur de Parrainer la Croissance, devenue en 4 ans la plus grande association au service des entrepreneurs avec 3 600 membres avec un objectif national de 5000 dans 2 ans.
Il a fondé le premier incubateur intergénérationnel, en France, qui met les seniors des grands groupes au service de la croissance des PME et start-up. Il a confondé l’Observatoire de l’Uberisation.
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