Trois années au coeur de l’aventure Uber
J’ai rejoint Uber en 2012, alors qu’Uber n’en était encore qu’à ses premiers pas ; trois ans après, le temps est venu de faire le point sur les raisons du succès fulgurant de l’application partout dans le monde, et aussi de revenir, très modestement, sur quelques leçons apprises en cours de route.
Il y a trois ans maintenant, je décidais de quitter les salles de marché de la City pour rejoindre Uber. J’avais 27 ans et voulais construire quelque chose par moi-même. Or, le destin passait par là : par le biais d’un ami, je faisais la connaissance d’Austin, une américaine de passage à Paris ; Austin était en charge de l’expansion internationale d’Uber et était à la recherche de quelqu’un prêt à se retrousser les manches pour développer Uber en France, première incursion de l’application hors des Etats-Unis.
Comme beaucoup à l’époque, je n’avais jamais entendu parler d’Uber. Mais je découvrais rapidement une application très prometteuse ; quelques jours plus tard, je me retrouvais sur Skype avec Travis Kalanick, PDG et co-fondateur d’Uber, et son premier employé Ryan Graves – celui qui est aujourd’hui devenu mon patron. Après deux heures de conversation animée au cours de laquelle je présente mon business plan pour la France, les deux Californiens me font patienter quelques minutes. Ryan réapparait soudain et me propose de rejoindre l’aventure Uber… dès le lendemain. Et voici ma première éxpérience de l’économie à la demande !
Paris occupe une place à part dans l’histoire d’Uber
Paris occupe une place à part dans l’histoire d’Uber, car c’est ici que l’idée de l’application est venue à Garett Camp, l’un des co-fondateurs d’Uber. L’histoire est connue : Garett et Travis étaient à Paris pour LeWeb, et avaient toutes les difficultés du monde à trouver un taxi pour rentrer à Paris depuis Saint-Denis. Avec un smartphone, appuyer sur un bouton pour obtenir une voiture rapidement devenait soudain possible – d’abord comme un service de luxe, la limousine pour tous. Ma première course Uber, en 2012, me coûta près de 50 euros, soit plus du double de ce que j’aurais dépensé dans un taxi classique..
Nous nous sommes toutefois rendus compte au fur et à mesure de notre développement que des prix plus bas permettent d’attirer plus de clients et donc plus de chauffeurs, ce qui induit des temps d’attente plus faibles, avec en prime un double effet bénéfique : une rentabilité meilleure pour le chauffeur et un service de meilleure qualité pour le client… un cercle vertueux dont nous voyons le succès partout dans le monde. Le raisonnement est poussé à l’extrême avec uberPOOL, qui permet à plusieurs personnes se dirigeant dans la même direction de partager un véhicule, et donc son coût.
Le problème initial était relativement simple: permettre aux citadins de se déplacer facilement et sans se ruiner
Le problème initial était relativement simple – permettre aux citadins de se déplacer facilement et sans se ruiner ; mais un peu par hasard, nous avons fait émerger quelque chose de considérablement plus important. Les services comme uberPOOL permettent de réduire la congestion et pollution en ville, l’un des problèmes les plus cruciaux de notre époque – un problème qui n’est pas prêt de disparaître, au vu de l’urbanisation galopante. uberPOOL n’a en soi rien de révolutionnaire : on parle de partager les trajets en voiture depuis qu’il y a des embouteillages, soit depuis le début des années 70 ; mais personne n’a jamais vraiment réussi à trouver une solution viable. Aujourd’hui, c’est possible : la technologie permet à plus d’individus de partager la même voiture, et l’effet sur la congestion urbaine est immédiat – nous le voyons partout où uberPOOL est actif, à Paris mais aussi Londres, aux Etats-Unis, en Inde… Ce faisant, Uber bat également en brèche le paradigme de la voiture individuelle : lorsqu’il est plus simple et plus rapide d’utiliser son smartphone pour se déplacer, à quoi bon conduire soi-même et avoir à trouver son chemin, une place de parking etc ?
Piloter une entreprise, c’est un peu comme conduire dans le brouillard
Aujourd’hui, cela fait plus de trois ans que je travaille pour Uber. En trois ans, j’ai eu l’occasion de rencontrer de très nombreux entrepreneurs, aux Etats-Unis comme en France, et d’apprendre ce que cela signifie de lancer puis de faire décoller une entreprise.
Et trois vertus cardinales se détachent pour réussir ce tour de force : d’abord, la capacité d’adaptation. Uber grandit extrêmement vite, dans un monde technologique qui change à la vitesse de la lumière : nous ne pouvons être sûrs de rien, jamais. Comme le dit Travis, piloter une entreprise c’est un peu comme conduire dans le brouillard : on y voit à peine à quelques mètres devant soi, et la météo change tout le temps. Rester concentré tout en sachant s’adapter, c’est la clef du succès.
Uber a parfois été trop loin, ce qui nous a fait apparaître comme inutilement agressifs plutôt que constructifs
En second lieu, il faut savoir remettre en cause les vérités établies. Uber a parfois été trop loin en la matière, ce qui nous a fait apparaître comme inutilement agressifs plutôt que constructifs ; travailler en partenariat avec les villes où nous nous développons, savoir convaincre du bien-fondé de nos ambitions : voici un défi pour l’avenir d’Uber. Mais il ne faut pas espérer créer quelque chose de neuf sans remettre en cause le statu quo existant.
Et enfin, pour réussir il faut savoir faire la différence entre perception et réalité. La perception, c’est ce que tout le monde pense vrai, la réalité c’est ce qui estvraiment vrai : parfois c’est la même chose, parfois non. Les vrais entrepreneurs sont ceux qui savent faire la part des choses entre perception et réalité, ceux qui savent aller au-delà des apparences – et qui n’hésitent pas à penser différemment, à s’opposer à ce que tout le monde pense avéré. Comme le disait Albert Einstein, «Celui qui suit la foule n’ira jamais plus loin que la foule ; celui qui suit son propre chemin est susceptible de se retrouver dans des lieux où nul n’est jamais allé».
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