Storytelling: Quand les entreprises racontent une histoire à leurs consommateurs…
Frenchweb publie les bonnes feuilles du nouveau livre de Jeanne Bordeau («Le langage, l’entreprise et le digital», Nuvis, 2016). Cet ouvrage propose un voyage optimiste au coeur du digital.
J’aime citer le philosophe et sociologue Pierre Lévy à ce sujet : «Il y a ce que les gens qui parlent anglais appellent le narrative. Le récit. On ne peut pas faire autrement que de raconter une histoire, l’esprit humain fonctionne comme ça. On ne peut pas faire sens sans produire de récits.»
Mais construire un récit qui se tienne et atteigne son objectif est un défi complexe. Définis dans mon livre, Storytelling et Contenu de marque, les critères clés du récit sont les suivants :
- Il réconcilie les dimensions rationnelle et sensible de la langue.
- Il crée un fil conducteur, une visée, un ordonnancement.
- Il provoque l’attention, il fait vivre une intrigue au travers de personnages.
- Il fait référence à des stéréotypes qui rassurent et facilitent la compréhension.
- Il se fonde sur le partage et l’écoute.
- Il installe une atmosphère sensible et de l’émotion.
- Il entraîne construction et durée.
Vectrice d’émotions et de belles histoires, créatrice de liens, l’expression numérique possède toutes les qualités pour voguer vers la narration. Le numérique a réveillé le récit. Réapparu en 2006, le storytelling est plus que jamais dans l’air du temps : par sa fonction sociale – il transmet les codes de conduite au sein d’une communauté – et par sa fonction culturelle – il transmet un patrimoine et diffuse un univers sensible.
Marié au digital, le storytelling devient un outil redoutable pour séduire et fidéliser les communautés. Visuelle, sonore, l’écriture de l’entreprise prend vie. Elle est jumelle de l’écriture cinématographique. L’image lui a conféré une puissance cinétique et a ré-exacerbé sa capacité créative.
Multidimensionnel, le storytelling aide à chorégraphier et à faire vivre des personnages, une histoire et des intrigues complémentaires. Par des dialogues vivants, par le recours au script, par sa capacité de transporter les internautes dans des univers visuels analogiques, le numérique ré-exacerbe la force d’évocation de l’entreprise. Capable désormais de dialoguer sur tous les fronts, l’entreprise crée des expériences interactives.
Quel outil plus percutant en effet qu’un clip de trois minutes pour transmettre l’histoire, l’inventivité et les innovations, la R&D d’une entreprise ? Le numérique offre à l’entreprise les moyens techniques, visuels et narratifs de transporter ses consommateurs dans son univers, de les y installer afin qu’ils participent et prolongent l’histoire proposée.
Qu’il s’agisse d’un outil de communication interne ou externe, le storytelling digital orchestre une cosmogonie entre collaborateur et client. Sur le web, il est ainsi possible de rencontrer Denis, chef d’équipe montage, et de s’inviter dans un des centres de recherche Renault à Viry-Châtillon. Il est un «artisan de la victoire» et nous raconte la haute technicité de son métier en toute vérité.
Sur le site Total Inside, il est aussi possible de croiser les géologues de Total 20 000 lieues sous la terre. Chez Club Med, le site Happy Life partage ses chroniques du bonheur et laisse la plume aux GM, aux blogeurs et à ses clients. Le client coécrit l’histoire de l’entreprise.
Henry Jenkins définit le storytelling transmedia comme «un processus qui organise les éléments d’une fiction sur différentes plateformes médiatiques pour créer une expérience de divertissement coordonnée et unifiée». Forme de narration augmentée, il substitue une consommation individuelle et passive a un divertissement collectif, construit, actif et convergent.
Aussi Ubisoft mène-t-il depuis plusieurs années déjà une stratégie de développement transmedia pour ses licences AAA : rachat du studio d’effets spéciaux SFX Hybrid, production de courts-métrages, création d’un studio interne «Ubisoft Motion Pictures».
L’objectif : créer un univers si matricé que l’internaute ne peut plus s’en échapper. Entre extensions narratives et logiques immersives, Ubisoft crée ainsi pour promouvoir chacun de ses jeux-vidéo plusieurs points d’entrée qui éclairent l’histoire, les décors, les personnages, les événements. Pour cela, toutes les techniques et formes de narration sont exploitées.
Fortement scénarisée, enrichie de l’image et du son, de plus en plus créative, construite, e-mouvante, la langue de l’entreprise et de la marque se réinvente grâce au digital. Fluide, reliée, ergonomique. C’est comme si tous les modes d’écriture s’étaient réveillés, littéralement dynamités par la technologie.
Le langage, l’entreprise et le digital
Jeanne Bordeau
Nuvis, 2016
188 pages
Jeanne Bordeau est la créatrice d’un bureau de style en langage, l’Institut de la qualité de l’expression. A l’origine de méthodes déposées à l’INPI (charte sémantique, charte de style, design verbal…), elle est conférencière et a enseigné à l’école Holden, à la Sorbonne et à l’ESG. Décrypteuse de tendances, elle anime un Language Lab qui analyse l’évolution du langage économique : 10 livres, 17 études de tendances. Editorialiste, elle signe dans 5 magazines référents des chroniques sur l’entreprise, les mots et les concepts de la transformation digitale. En 2016, elle devient «writing star» pour LinkedIn. Artiste, elle expose, depuis huit ans, des tableaux qui racontent le langage de l’époque.
Lire aussi: Language quality data: la nouvelle communication des entreprises
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Belle analyse. Le mariage du digital et du storytelling marque aussi une réconciliation entre le message marketing qui devient plus éducatif, intéressant et ludique et le public fatigué par le matraquage de la publicité, version « spot de pub télévisé ». Le film publicitaire se voit d’un coup ré-inventé et ré-enchanté.