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École 42 vs. Holberton School : «Nous ne considérons pas l’école de Xavier Niel comme une concurrente»

Xavier Niel et son équipe annonçaient le mois dernier l’ouverture de l’Ecole 42, la version américaine de la structure créée en France, en juillet prochain, à Fremont en Californie. A quelques miles au nord, à San Francisco, la Holberton School a également été créée l’année dernière par Julien Barbier et Sylvain Kalache. Leurs objectifs sont en apparence similaires : former les ingénieurs informaticiens de demain et «utiliser les mêmes outils pédagogiques qui ont fait le succès de l’Epitech et de 42 en France», précise à Frenchweb Julien barbier.

Toutes deux ont opté pour de nouvelles méthodes, tel «le peer-learning et l’apprentissage par projet», détaille la Holberton School. Alors que les deux écoles fondées par des Français vont désormais cohabiter, l’équipe de Julien Barbier a choisi d'accueillir avec enthousiasme le projet de Xavier Niel, avec un communiqué de presse. Jusqu'où va cet engouement pour la concurrence… ? Interview de Julien Barbier, co-fondateur de la Holberton School.

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Frenchweb : L’arrivée d’une école concurrente de cette envergure, en Californie, (Xavier Niel a annoncé investir 100 millions de dollars dans le projet) sur votre marché inquiète-t-elle votre école? 

Julien Barbier, cofondateur de la Holberton School : La Holberton School est la première école américaine à proposer une éducation basée sur les méthodologies utilisées par l’Epitech et l’école 42 (Le peer-learning et l’apprentissage par projet). Voir arriver un premier concurrent, qui plus est de cette magnitude, pourrait en effet apparaître comme une nouvelle catastrophique. Mais ce n’est pas du tout le cas. Nous sommes plus qu’heureux de voir 42 ouvrir en Californie.

D’ici 2020, il manquera près d’un million de personnes qualifiées en IT aux États-Unis. L’éducation classique ne pourra pas répondre à cette demande, car elle est basée sur une corrélation linéaire «professeurs/étudiants». Si votre université emploie X professeurs, Y étudiants pourront être formés. Parallèlement, nous savons tous combien il est difficile de recruter de bons professeurs, et encore plus difficile de recruter de bons ingénieurs informaticiens.

Il est par extension extrêmement difficile de recruter de bons professeurs en informatique. Le peer learning, utilisé par la Holberton School et 42, répond à ce problème en retirant de l’équation le professeur. Il n’y a aucun professeur à 42 ou à Holberton. Grâce à cette nouvelle forme d’éducation, nous avons le potentiel pour régler à la fois le problème d'un point de vue économique (les entreprises ne peuvent pas se développer assez vite si elles ne trouvent pas les compétences requises) et social (nous pouvons donner accès à cette éducation de qualité à beaucoup plus de monde). Pour résumer, nous avons un modele qui «scale», et c’est un point extrêmement important.

Ceci étant dit, nous employons une méthode radicalement différente de l’éducation classique. Cette méthode, utilisée par l’Epitech depuis sa création, a mis près de 15 ans à être connue et reconnue du grand public en France. Lorsque 42 a fait parler d’elle, Xavier Niel et son équipe ont littéralement évangélisé la France entière et ont fait reconnaître cette méthode par le grand public, et surtout les politiques qui peuvent à leur tour utiliser la connaissance de cette méthode pour agir de façon pratique et influer sur l’éducation des talents francais. Cette évangélisation a créé plus rapidement une demande plus importante, et toutes les écoles employant la méthodologie peer-learning et par projet en ont bénéficié, y compris le plus gros concurrent de 42 en France : l’Epitech. Cette évangélisation est donc la première étape dans notre mission de disruption de l’éducation à grande échelle.

Les États-Unis sont un pays bien plus gros que la France, et il sera beaucoup plus long d’évangéliser un tel marché. Depuis notre lancement, nous travaillons énormément sur cette évangélisation. L’année dernière, nous avons rencontré des centaines d’acteurs de la Tech et de l’éducation. Nous avons rencontré les acteurs locaux (le CIO de San Francisco et les équipes de la mairie de San Francisco, l'US Director of Digital Economy, les start-up et les géants du Web américains, les universités et les écoles classiques et non-classiques) et les fédéraux (nous avons parlé avec l'US Secretary of Commerce le mois dernier). C’est pour cela que l’arrivée de l’école 42 est une excellente nouvelle.

 

Votre enthousiasme est donc uniquement business ?

Julien Barbier: Au-delà de la question purement business, nous adorons l’équipe de l’école 42. Xavier Niel, Florian Bucher, Nicolas Sadirac, Kwame Yamgnane et l’équipe 42 sont des gens extrêmement brillants. Nous partageons de plus des valeurs importantes : nos deux écoles sont ouvertes à tous, quel que soit le niveau social ou niveau d’études, et aucun de nos étudiants ne paye pour accéder à notre éducation de qualité :

  • Les étudiants de la Holberton School ne payent rien durant leur scolarité, mais nous reversent un pourcentage de leur salaire pendant 3 ans une fois qu’ils ont trouvé un travail. Cette façon de procéder nous pousse naturellement à faire réussir nos étudiants.

  • L’école 42, soutenue financièrement par Xavier Niel, va un cran plus loin en offrant cette éducation complètement gratuite et nous trouvons cela tout simplement extraordinaire.

 

Nos deux écoles offrent également une réponse au problème de la dette des étudiants américains qui est colossale et qui est en train de devenir un des plus gros dangers pour l’économie américaine. On parle de bulle, de centaines de milliards de dollars.

Pour toutes ces raisons, nous ne considérons pas 42 comme une concurrente et nous leur avons même souhaité bienvenue.

HS

A l'instar de ces deux modèles implantés aux États-Unis, comment comptez-vous disrupter l’éducation?

Julien Barbier : Nous avons en France, je pense, cette chance d’avoir à la fois de très bonnes écoles et une éducation «gratuite». Contrairement à certaines croyances, nos universités publiques et privées forment de très bons mathématiciens et ingénieurs informaticiens. Nous avons cette renommée, ici en Silicon Valley, d’être de très bons programmeurs. Vous trouverez ici des Francais dans toutes les entreprises Tech, petites, moyennes ou grandes, et à tous les niveaux hiérarchiques. De plus, nous avons vu naître chez nous cette nouvelle méthodologie, et nous avons donc eu la chance de la comprendre, et surtout de l’expérimenter. Ce n’est pas une coïncidence si parmi les co-fondateurs de la Holberton Scool et de 42, vous retrouvez des anciens de l’Epitech.

Les Américains ne nous ont pas attendu pour disrupter l’éducation. Ils y travaillent depuis des années. Le mouvement bootcamp par exemple, qui permet à des Bac+4/5 (équivalent) de se former à la programmation, a été inventé ici. Aujourd’hui, les bootcamps sont partout dans le monde, y compris en France. Ils ne disruptent pas que l’éducation post-Bac. Enormément de nouveaux types d’écoles voient le jour constamment, et pour tous les âges et toutes les disciplines. C’est extraordinaire d’être témoin d’un tel changement et d’en être un des acteurs.

 

Pour autant, quel modèle faut-il adopter pour permettre cette rupture?

Julien Barbier : Les histoires des deux écoles se distinguent un peu après cela. Nous (NDLR : les fondateurs de la Holberton School) sommes des ingénieurs partis travailler depuis des années dans la Silicon Valley. Sylvain Kalache a travaillé chez SlideShare et LinkedIn. Pour ma part, j’ai travaillé chez Docker. Nous avons cette compréhension du marché américain et ce réseau que nous avons pu utiliser pour adapter et faire évoluer la méthodologie aux États-Unis.

Nous avons realisé à quel point le besoin en ingénieurs était important pour créer les produits de demain et à quel point les crédits des étudiants étaient catastrophiques pour à la fois les étudiants et l’économie américaine. Nous avons donc adapté la méthodologie par projet et par pair au contexte et à la culture de la Silicon Valley, en y ajoutant en plus notre ADN : la communauté. Car notre école n’est pas dirigée par les co-fondateurs, mais par une communauté de plus de 100 mentors, des ingénieurs en informatique qui travaillent chez Facebook, Uber, Google, etc… et qui bénévolement nous aident à former les ingénieurs de demain.

L’école 42 a été montée à l’origine pour répondre au problème éducatif français ainsi que pour aider la France et les jeunes Francais à se former aux métiers d’aujourd’hui et de demain. Au vu des premiers retours positifs des étudiants et des entreprises, Xavier et son équipe ont voulu apporter cette éducation au plus grand nombre, et là où le besoin et la solution semblaient faire le plus de sens. Il est extrêmement logique qu’ils aient choisi de dupliquer le modèle en Californie.

 

Pourquoi ne pas avoir créé d’Holberton School en France, là où le besoin de compétences est tout aussi important?

Julien Barbier: Nous avons lancé notre établissement aux États-Unis car c’est là que nous habitons et nous connaissons bien le marché. Nous y avons travaillé, créé un réseau extraordinaire de développeurs et c’est également ici qu’il y a la plus grosse concentration de demande : 1 million de personnes à former en 4 ans. A cela s’ajoute le contexte du problème des crédits étudiants americains. Beaucoup de challenges donc et un potentiel business important. Pour toutes ces raisons, il était logique pour nous de se lancer à San Francisco.

Depuis notre lancement, nous avons reçu beaucoup de demandes pour ouvrir en France, et nous avons dialogué avec plusieurs entrepreneurs et politiques. Bien qu’expatriés, Sylvain et moi sommes très attachés à la France, c’est un pays magnifique avec des valeurs sociales importantes et des gens extraordinaires. Nous adorerions y ouvrir une ou plusieurs écoles à moyen terme. C’est possible, peut-être avec quelques adaptations.

L’école 42 a, semble-t-il, l'ambition de faire grossir le campus de Paris. Qui plus est, avec l’ouverture de la Halle Freyssinet (rebaptisée «Station F», beaucoup d’opportunités seront possibles entre l’école et l’incubateur. 

Date de lancement : septembre 2015

Nombre de candidatures : 1 300 (en 2 mois)

Effectifs : 40% de femmes, 44% issus de la diversité, 60% ne vivaient pas dans la Silicon Valley

Ages : entre 17 et 51 ans

Fondateurs : Julien Barbier & Sylvain Kalache

Lire aussi : Xavier Niel exporte l’école 42 dans la Silicon Valley

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