L’utilisateur existe, il faut le rencontrer
L’expérience utilisateur est la grande affaire du digital. Elle est, à juste titre, considérée comme l’un des facteurs clés –sinon le facteur clé– du succès d’une application, d’un logiciel ou d’un service. Pourtant, si chacun s’efforce à tout prix de répondre aux attentes de l’utilisateur, qui le connaît vraiment?
On cherche à ce point à l’intégrer aux processus de conception et de développement qu’on en viendrait presque à le perdre de vue, à en faire une sorte de personnage mythique et idéal. Or, l’utilisateur n’est pas un profil composite, un échantillon représentatif ou une persona pour atelier de design thinking. C’est une personne en chair et en os, qui allume son ordinateur le matin, lance son application, est interrompue par un coup de téléphone, bascule vers une autre tâche, perd le fil de ce qu’elle était en train de faire, s’embrouille, essaie d’imprimer, recommence, réussit… et, au bout du compte, peut –ou non– se déclarer satisfaite de son expérience.
Ce que fait réellement l’utilisateur, dans quelles conditions, à quel moment, avec quelle intention…? Ces questions, les divers indicateurs mis en place pour mesurer sa satisfaction n’y répondent que de façon très imparfaite. Personne ne viendra se plaindre de l’absence d’un bouton de raccourci pour telle ou telle fonctionnalité mais chacun appréciera les quelques instants que sa présence fera gagner. Lorsque l’on veut procurer un vrai plaisir d’expérience, la rendre si naturelle qu’on n’imaginerait plus faire autrement, il ne faut pas seulement chercher à «cerner» ou «connaître» l’utilisateur, il faut aller à sa rencontre. Littéralement.
Antidote à la désincarnation de l’utilisateur, la pratique du «Follow Me Home» va consister à accompagner ce dernier chez lui et à l’observer dans son usage quotidien. Discrètement à côté de lui, on note les moments de blocages, les tâches inutilement répétitives ou fastidieuses, les irritations, les contournements… On voit aussi comment l’outil s’insère parmi les autres tâches, comment il s’intègre à l’environnement technique et personnel. La démarche ne doit pas être réservée aux responsables clients ou produits, mais ouverte à tous dans l’entreprise (notamment les développeurs) car chacun apporte son regard et sa sensibilité à cet exercice d’observation, par ailleurs extrêmement enrichissant.
Les éléments recueillis sont compilés, analysés et servent ensuite à prioriser les nouveaux développements en fonction d’un critère simple: combien de temps gagné pour combien de clients. Lors d’un «Follow Me Home», un utilisateur nous avait ainsi montré que l’emplacement de l’adresse sur notre modèle de facture ne correspondait pas à ses enveloppes à fenêtre. Nous avons donc introduit la possibilité de personnaliser ce champ. Ce n’est pas grand-chose mais si cela évite d’avoir à racheter des enveloppes, ou des étiquettes autocollantes, et d’écrire chaque adresse à la main, c’est autant de gagné, jour après jour. Et pour une TPE, ça compte.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas avoir ses propres idées, faire de la veille, s’inspirer des usages en vigueur dans le monde B2B ou B2C… Mais cette connaissance directe de l’utilisateur donne un relief inégalable aux réflexions que l’on peut avoir concernant son expérience. Le dogme voudrait qu’en matière d’expérience utilisateur le moins est le mieux: plus l’interface est sobre, épurée, simple, plus le produit sera séduisant et intuitif. Ce n’est pas toujours vrai. Il ne faut jamais perdre de vue que l’objectif ne doit pas être de simplifier le produit: ce doit être de simplifier la vie de l’utilisateur.
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