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Les 3 étages de la transformation digitale du collaborateur

Par Jean-Louis Bénard, CEO de Sociabble

Les remises de prix sur la transformation digitale des entreprises se multiplient: à qui sera le mieux récompensé pour ses hackatons, son approche omnicanal, le déploiement de smartphones pour ses collaborateurs, le lancement d’un service d’auto-uberisation…  Mais embarquer 10 000, 100 000 collaborateurs sur la voie de la transformation est un chantier autrement plus complexe sur lequel la plupart des grands groupes continuent de buter.

La première difficulté réside déjà dans le fait d’arriver à qualifier des «stades de maturité» dans la transformation digitale du collaborateur. On ne sait d’ailleurs si l’on doit mettre «digitale» derrière transformation tant la succession des mutations auxquelles sont confrontées le collaborateur dépasse le cadre du digital pour accoster sur des sujets de management et d’organisation inévitablement liés.

J’aime utiliser un modèle à 3 niveaux de maturité:

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Stade 1 – Digitalisation de l’expérience opérationnelle

La digitalisation de l’expérience opérationnelle, c’est équiper le collaborateur d’outils numériques pour améliorer ses processus métier. Autrement dit: faire mieux, plus efficacement ce pour quoi il est payé. Remplacer dans les trains des poinçonneuses de billets papier par des lecteurs de codes barre associés à des terminaux. Equiper les commerciaux d’un CRM pour qu’ils puissent gérer plus efficacement leurs clients etc. De ce point de vue, force est de constater que les entreprises ne s’en sortent pas si mal. On ne peut pas dire que cela se fasse toujours de manière cohérente et systémique, d’où quelques incohérences internes, mais on a tant reproché aux entreprises de manquer d’initiatives «tactiques» et de favoriser des projets pharaoniques, trop ambitieux et trop lents, qu’on ne peut critiquer un peu de pragmatisme.

Cette digitalisation de l’expérience opérationnelle s’accompagne souvent d’évolutions organisationnelles, d’adaptions de processus, de décloisonnements, sur lesquels là aussi l’entreprise a considérablement progressé.

 

Stade 2 – L’expérience collaborative et informationnelle

Il s’agit de transformer la manière dont le collaborateur s’informe, informe les autres et collabore. C’est un enjeu essentiel dans le cadre d’une transformation continue de l’entreprise.
Et là, force est de constater que la plupart des entreprises, après des années d’effort, sont à peu près au point de départ: des emails dont une grande partie n’est tout simplement pas ou plus lue. Personne ne va consulter de l’information sur les intranets; les réseaux sociaux d’entreprise, au-delà de l’effet de mode d’un lancement, génèrent peu de traction.

Il faut dire que le chantier est hyper complexe, d’abord parce que l’information ne relève généralement pas d’un caractère obligatoire. Si le collaborateur ne va pas sur le réseau social de l’entreprise, il sera quand même payé à la fin du mois. Pire: s’il va sur le réseau social de l’entreprise, son manager s’inquiète du temps qu’il a de disponible pour faire autre chose que ce pour quoi il «est payé». Le non alignement de l’expérience informationnelle avec l’expérience opérationnelle, voilà la tragédie de la transformation digitale.

La collaboration fonctionne quand elle se fait directement autour de l’artefact objet de la collaboration. Exemple: je suis au marketing, je travaille avec mon fournisseur et mon manager sur une vidéo en cours de production, je ne vais pas sur un réseau social d’entreprise en discuter: je commente directement sur la «timeline» de la vidéo en mode collaboratif. En cherchant à déployer une solution collaborative découplée de l’expérience opérationnelle, on multiplie les risques d’échec.

 

Stade 3 – L’expérience ambassadeur

C’est l’étape ultime. Le collaborateur est un ambassadeur. Interne d’abord: il porte la voix de l’entreprise auprès d’autres collaborateurs. Externe ensuite: ambassadeur de l’entreprise sur les réseaux sociaux, sur le web, il est le «touch point» dont l’entreprise a besoin pour porter sa vision, dialoguer avec ses clients, prospects, futurs collaborateurs. Une entreprise de 10 000 collaborateurs qui ont chacun 500 connexions sur les réseaux sociaux, c’est 5 millions de points de contacts potentiels. Encore faudrait-il que le collaborateur comprenne son intérêt personnel dans l’histoire. Que le management identifie la voix des collaborateurs à l’extérieur comme une opportunité et non comme une menace.

Après avoir passé l’essentiel de ma vie professionnelle à aider des entreprises sur le stade 1, je consacre désormais une grande partie de mon énergie sur les stades 2 et surtout 3. C’est ainsi que nous avons lancé Sociabble, une plateforme d’Employee Advocacy et de Social Selling. Après bientôt 3 ans d’existence, des déploiements dans plus de 60 pays, quelques enseignements:

  • Inutile de faire du French Bashing. Tous les grands groupes, quelle que soit leur origine, sont confrontés aux mêmes difficultés. Etats-Unis, Europe, Inde… Partout la même complexité. Celle de «bouger» des dizaines de milliers de personnes concentrées –à juste titre– sur leurs objectifs opérationnels. Celle d’aligner l’expérience opérationnelle et l’expérience informationnelle. Celle de motiver les gens sur des sujets «non obligatoires», voire même sur des terrains qui relèvent quasiment du personnel (mes réseaux sociaux).
  • Comme toujours, si le management ne croit pas à l’importance du sujet, n’est pas impliqué et ne fait pas preuve d’exemplarité, ce type d’initiative est extrêmement difficile à implémenter. On ne peut pas faire semblant sur ce type projet.
  • Il faut être clair sur les KPI, les motivations/récompenses. Et les décliner par population. On n’attend pas la même chose d’un manager, d’un contrôleur de gestion, d’un commercial, d’un collaborateur sur une ligne de production. Montrer comment les stades 2 et 3 contribuent à l’atteinte des objectifs du stade 1. Un commercial se mettra au Social Selling s’il comprend comment cela lui permet de mieux atteindre ses objectifs de chiffres, de développer son réseau/son employabilité.
  • La qualité du contenu mis à disposition du collaborateur est essentielle. Cela passe par du contenu de l’entreprise, mais aussi du contenu externe, qui permet au collaborateur de faire de la veille, de s’ouvrir au monde, de rayonner à l’extérieur en le partageant pour valoriser son expertise. Du contenu visuel, qui donne envie.
  • Il faut lever toutes les barrières d’accès: s’informer, partager en interne ou à l’externe doit être possible depuis son PC, son mobile pro, son mobile personnel, en un clic, hyper simplement.  Maximiser l’engagement en utilisant des leviers tels que la gamification.

 

La bonne nouvelle c’est qu’à défaut d’avoir réussi sur ces sujets, la plupart des entreprises commencent à avoir bien diagnostiqué le problème. Une avancée énorme. Beaucoup ont lancé des initiatives dont elles savent qu’il s’agit d’un projet au long cours. Elles continuent d’apprendre en même temps que les collaborateurs apprennent. Et progressent un peu plus chaque jour. Vous en faites partie j’espère!

Le contributeur :

jlbenard

Diplômé de l’Ecole Centrale Paris, fondateur en 1994 de l’agence digitale FRA cédée 7 ans plus tard à Digitas, Jean-Louis Bénard a participé à la mise en place des premières plateformes e-commerce en France, dont Ooshop.

Depuis 2003, Il est Président de Brainsonic, agence digitale, et CEO de Sociabble, solution d’Employee Advocacy et de Social Selling présente à Paris, Lyon, Londres et New-York. Il est également cofondateur de Novathings (objets connectés). Auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages dont Extreme Programming (Eyrolles), il intervient en tant qu’ Advisory Board Member à Ecole Centrale Paris Executive Education.

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