La transformation digitale étant devenue un enjeu majeur au sein des entreprises, ces dernières créent de nouveaux postes. Elles recrutent ainsi des directeurs de la transformation digitale ou CDO (chief digital officers). D'après une étude Novamétrie, en 2016, 37% des entreprises auront un CDO dans leurs équipes.
François-Xavier Leroux, directeur de Deloitte Digital, revient sur les enjeux du CDO, leur profil et leur évolution.
Frenchweb: Quelles sont les transformations auxquelles doivent faire face les CDO?
François-Xavier Leroux, directeur de Deloitte Digital: Le périmètre d’action du CDO varie en fonction du secteur d’activité et de la maturité de l’entreprise. Tous ont toutefois en commun de devoir gérer de front des défis de 5 natures: des enjeux de stratégie de croissance ou de défense face à de nouveaux entrants, la modernisation de l’expérience client, la digitalisation des opérations de l’entreprise, la réinvention des offres de produits et services, sans oublier une dimension interne cruciale liée à l’évolution de la culture d’entreprise et l’évolution des compétences.
Pour s’attaquer à ces challenges, les CDO doivent lutter contre les habitudes, ouvrir leurs entreprises sur l’extérieur, bien souvent aussi réapprendre à penser client.
Ces CDO sont aussi confrontés à une transformation bien particulière: faire accepter leur rôle et la légitimité de leur action dans l’entreprise…
Pourquoi l’émergence de ce poste ne concerne encore que très peu d’entreprises (dans les grands groupes et les start-up)?
Les grands groupes ont été les plus prompts à positionner un CDO dans leur organisation car ils ont rapidement identifié le risque à ne pas intégrer le digital dans leur stratégie. Tout Comex se doit même aujourd’hui de digitaliser son plan stratégique pour éviter les écueils de certains groupes qui ont tardé à réagir.
Alors, ils ont invité le responsable du digital à la table de direction ou ont fait venir des experts de l’extérieur, ils ont structuré des équipes et leur ont donné des moyens.
Dans la digitalisation de leur activité, ces grands groupes sont confrontés à un besoin de dépassement des silos organisationnels et parfois de remise en cause de leurs business models. Ils ont pour cela besoin d’une impulsion au plus haut niveau pour transversaliser les réflexions et l’action.
Les start-ups, nativement digitales, intègrent intrinsèquement les outils web/mobiles, adoptent des méthodes agiles et orientées client pour développer leur activité. Si elles pivotent aisément, elles ne sont pas soumises aux mêmes enjeux de transformation et d’adaptation à l’ère digitale. Le CDO y est surement moins utile.
Les PME et ETI que nous rencontrons sont toujours plus nombreuses à nommer un agent de la transformation. Mais naturellement tournées vers l’opérationnel et le développement, ces structures sous-estiment encore souvent les bénéfices de ce rôle à long terme au profit d’une stratégie de croissance à court terme. Le rôle du CDO est souvent porté par un binôme marketing et IT.
Quelles sont ses fonctions essentielles aujourd’hui, et quelles seront-elles demain (évolution du métier)?
Le CDO est l’initiateur et le chef d’orchestre de la transformation digitale. Il est en mesure de penser l’exécution de la stratégie de l’entreprise sur tous les canaux digitaux. Il fédère pour cela les membres du comité de direction dans une transformation concertée visant à développer de nouveaux marchés et créer de la valeur (pour la Stratégie), réaliser des gains de productivité par la digitalisation de processus (avec les Opérations), renforcer la profitabilité ou la croissance externe (avec la Finance), réorienter les pratiques marketing sur le client (pour le Marketing)…
D’une entreprise à l’autre, les attentes à son égard pèsent plus ou moins fortement sur la transformation des activités cœur de métier ou la recherche de ruptures. Le CDO doit s’adapter.
Demain, passé la phase de prise de fonction, les périodes de test & learn et de rationalisation d’initiatives, le CDO sera questionné sur la contribution réelle du digital à la performance de l’entreprise. Il devra passer du POC à l’industrialisation. Il devra trouver les indicateurs traduisant la pertinence de ses investissements. En fait, cette période a déjà démarré.
Quels sont les erreurs ou les a priori commises au sujet du recrutement du CDO?
Comment trouver le mouton à 5 pattes? Le CDO doit disposer d’une expertise digitale poussée (marketing digital, UX, Data, technologies) et de savoir-faire de manager généraliste pour pleinement jouer son rôle de coordinateur de la transformation. Il doit disposer d’une vision fine des évolutions à l’œuvre sur son marché, dans les usages et les technologies. Il ne faut pas toutefois négliger sa capacité d’intégration dans la culture d’entreprise pour assurer sa légitimité et son action. Il doit être en quelque sorte visionnaire mais humble et proactif.
En fonction des secteurs d’activité, nous voyons se dessiner trois profils de CDO. L’expert du marketing digital, au profil créatif et orienté client, s’impose dans les entreprises de grande consommation. Le stratège digital, véritable agent de la transformation, se retrouve dans les secteurs amenés à réinventer leurs business models et leurs organisations. Dans les secteurs plus industriels, le CDO aura une casquette plus technologique en face avec les enjeux d’évolution de méthodes de fabrication.
Une erreur classique est de se tromper de profil. La deuxième erreur est de ne pas lui donner suffisamment de moyens d’actions.
Lire aussi:
Le Chief Data Officer prend le pouvoir
[Portrait de CDO] Frédéric Lézy (Elior): «Il faut être beaucoup plus prédictif»
- EDEN AI lève 3 millions d’euros pour démocratiser l’accès à l’IA en entreprise - 21/11/2024
- Plan marketing 2025 : la méthode de Maxime Baumard pour structurer la stratégie B2B de PENNYLANE - 21/11/2024
- Freqens lève 3 millions d’euros pour accompagner les équipes achats dans leurs décisions. - 21/11/2024