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Qu’est-ce que le marketing peut apprendre du Human Centered Design?

Si le design est, historiquement, assimilé à la production matérielle ou au graphisme, il s’est vu, au cours des 15 dernières années, associé à des processus de création de stratégies et d’expériences moins «matérielles».

Aujourd’hui, il est de moins en moins rare de lire et entendre des agences de communication et des intervenants nous parler de Design Thinking, de User Experience ou de Service Design. Ces disciplines ont incontestablement quelque chose à apporter à nos métiers, qu’il s’agisse de méthodes, d’outils ou simplement de point de vue. Mais avant de s’y plonger, il est bon de se rappeler que chacune de ces pratiques partage un principe fondateur commun aux autres: le Human Centered Design.

Qu’est ce que le Human Centered Design?

Le Human Centered Design (HCD) est une approche de conception de produits et de services qui privilégie les besoins et les comportements «naturels» des gens, plutôt que de miser sur les caractéristiques d’un produit ou sur les attentes de responsables parfois un peu éloignés de la réalité. Cette approche s’inspire ainsi des comportements plutôt que des éléments démographiques, de contextes réels plutôt que de contextes artificiels et tend à se baser sur de vraies expériences (interactions, entretiens…) plutôt que sur des scénarios scriptés ou imaginés.

L’HCD préconise de miser sur l’empathie et la compréhension des gens avant même que ceux-ci n’utilisent le produit ou le service concerné, ou avant même que celui-ci ne soit créé. Cette approche est destinée à la conception de solutions sur-mesure, adaptées aux attentes des utilisateurs. Elle a pour intention d’aider à aligner ce que les cibles désirent avec ce qui est techniquement faisable et économiquement viable.

Les trois piliers de l’HCD sont:
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La désirabilité: Qu’est-ce que les gens désirent?
– La faisabilité: Est-ce que l’idée est possible d’un point de vue technique et organisationnel?
– La viabilité: Est-ce que l’idée est économiquement viable?

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Si cette approche a été originellement conçue pour être appliquée aux produits physiques (pré-web et essor du digital), il est de plus en plus courant de la voir utilisée pour la création de solutions, de produits ou de services numériques. En témoigne la montée en puissance des studios d’innovation digital ou les agences de service design spécialisées dans le numérique, également spécialisées sur l’humain et l’utilisateur.

En France, l’intérêt pour cette approche se manifeste principalement par l’émergence de l’User Experience Design, à tort ou à raison, dans les discours et dans les pratiques des agences depuis quelques années.

Quel rapport avec la communication et le marketing?

De plus en plus, notre secteur assiste à la mutation des campagnes et des opérations en «expériences». Si pour une partie d’entre elles il ne s’agit que de campagnes légèrement interactives rebaptisées, d’autres diffèrent réellement des campagnes de communication traditionnelles.

De par la complexification des écosystèmes des marques et l’élargissement des champs d’intervention des agences, la nature des prestations de ces dernières ont été amenées à évoluer. Les agences ne sont plus uniquement invitées à raconter une histoire, mais à contribuer à la construction de ces écosystèmes et impulser de nouveaux leviers de croissance. Le terme «expérience» est donc apparu comme un remplaçant de la notion de «campagne», probablement trop connotée «publicité» pour ces nouveaux acteurs.

Si les agences sont de plus en plus amenées à concevoir plus que des campagnes et endosser (à nouveau) un rôle plus proche de la création de valeur ajoutée à travers la création d’expériences (voir l’itw de Uzful: les fablabs représentent-ils l’avenir des agences?), l’Human Centered Design peut offrir des pistes intéressantes. Petit tour d’horizon de mises en application du HCD dans le monde du business et du marketing:

  • L’User Experience Design est la manifestation la plus flagrante de cette approche dans le business. L’UX est «la «science» qui vise à rendre un système facile d’utilisation, compréhensible immédiatement, ergonomique, logique». Autrement dit, c’est la discipline gardienne de la satisfaction de l’utilisateur lorsqu’il utilise un produit ou un service. La reconnaissance récente de cette pratique (liée à l’importance croissante des enjeux du numérique) en a fait une véritable posture et une façon de penser. À juste titre puisque, petit à petit, les résultats viennent valider les entreprises mettant cette approche centrée utilisateur au coeur de leur processus de conception.
    A l’exemple de Netflix, qui est passé de 10M+ membres à 80M+ en faisant du test utilisateur une religion. Pour en savoir plus sur les efforts de Netflix dans ce sens, rendez-vous ici.
     
  • Autre exemple de manifestation de l’HCD dans nos métiers; la popularisation du Design Thinking, un processus d’innovation impliquant l’utilisateur final dans la réflexion et la conception. Cette méthode, démocratisée par IDEO, invite à conceptualiser des expériences au prisme d’un framework: «Empathize > Define > Ideate > Prototype > Test», mettant l’utilisateur au cœur de chacune des cinq étapes. Cette pratique s’applique aussi bien dans le cadre d’un projet particulier que dans une vision d’entreprise plus globale. 
    A l’exemple d’IBM qui mise gros sur un changement de culture d’entreprise avec l’instauration de sa propre version du design thinking en interne et en replaçant l’utilisateur au centre de la conception.
     
  • L’expérience client (CX) est de plus en plus fréquemment analysée et citée comme levier majeur de la fidélité des consommateurs. Le prix ou l’image de marque ne suffisent plus forcément (selon les catégories) à garantir la rétention. 
    Qu’il s’agisse de la refonte d’une application, d’une activation social media ou d’un programme CRM, chaque élément représente une partie de l’écosystème de la marque et donc une partie de l’expérience client globale. Ainsi, replacer l’humain (en lieu et place de profils démographiques ou de chiffres) au cœur de la conception de ces éléments permettra de contribuer à une expérience client plus adaptée/pertinente. Pour se faire, il est nécessaire de s’intéresser à la synchronisation des messages avec les contextes dans lesquels évolue notre audience. Les silos, toujours les silos.

 

Ces quelques cas nous montre que le Human Centered Design n’est pas un outil ou une méthode stricte, et qu’il n’y a pas une seule façon de le mettre en application. C’est pourquoi nous préférons ici parler d’approche. Une approche par laquelle un business voit son interlocuteur comme un «l’utilisateur» d’un service, d’un produit ou d’un espace, là où le marketing tend généralement à voir son interlocuteur comme une «cible» ou un «consommateur» à qui l’on veut passer un message. 
Dans le premier cas, l’utilisateur est vu comme un contributeur à l’activité de l’entreprise et à la vie du produit/service qu’il utilise. Dans le deuxième, la cible/le consommateur est généralement représenté comme le «dernier échelon» d’un process de vente ou de promotion.

Cette variation de langage et de perception de son interlocuteur révèle de manière assez significative les différences entre ces approches. Reconsidérer ses interlocuteurs, leurs rôles et leurs intérêts peut être une première étape pour passer d’un marketing descendant souvent critiqué (et de plus en plus contourné), centré sur les intérêts et les objectifs déterminés en vase clos, à un marketing destiné à un consommateur/client/utilisateur au rôle identifié dans la vie du produit ou du service.

Libre à chacun d’y prendre ce qui l’intéresse. Mais l’idée de redonner au marketing une certaine forme d’utilité et une expérience client/utilisateur plus riche à travers l’apport de valeur ajoutée, nous, ça nous plait bien.

Pourquoi s’intéresser à cette approche?

Le Human Centered Design invite à s’intéresser, écouter et comprendre son audience. Prendre le temps de recueillir ses besoins réels, chercher en quoi la marque peut l’aider et ne pas se focaliser directement sur une solution miracle, un canal, un support ou une technologie. Être sur le digital pour être sur le digital n’est plus (l’a t’-il déjà été?) suffisant ni efficace. Nous sommes persuadés du rôle des agences dans la démarche de replacer l’humain dans la conception des stratégies de communication, avant le canal ou la technologie.

Comprendre comment se comportent les utilisateurs sur le digital et créer des expériences (produits, services, programmes…) adaptées à ces comportements a été la formule pas si magique d’un grand nombre de succès numériques que l’on a tous pu observer (De Airbnb à Nike+, en passant par Captain Train). Cette approche nécessite de prendre du temps, mais comprendre son audience est la partie la plus importante de cette approche.

Nous y sommes presque

L’approche HCD, son framework — Hear (recherche / observation) > Create (prototypage / production) > Deliver (lancement / itérations) — et les disciplines liées (Design Thinkingpeuvent sembler correspondre aux process de conception déjà utilisés par la plupart des agences de publicité. Au fond, qui ne passe pas par une phase d’observation, de prototypage, de lancement et d’amélioration en pensant une campagne, une expérience ou un objet?

La principale différence réside dans l’application de la méthodologie, et non pas les étapes de la méthodologie elle-même. L’HCD est issu du design et non de la communication. Le design a pour vocation de créer des produits et des services représentant le cœur d’un business, là où la communication et le marketing servent à mettre celui-ci en scène. 
Là où la désirabilité, la faisabilité et la viabilité propres à l’HCD ont toujours été des éléments cruciaux dans le cadre de la création d’un produit ou d’un service business, ces caractéristiques sont, admettons-le, rarement pris en considération dans le cadre de nombreuses campagnes. En témoigne les aléas fréquents du monde de la communication, qui laisse parfois douter de la sériosité avec laquelle sont conduits certains projets et de l’intention de certains acteurs.

Le design d’un produit ou d’un service est logiquement et historiquement différent de la création d’une campagne de communication/de marketing. Mais à l’heure où ces deux activités se rapprochent de plus en plus sérieusement (le monde du conseil intègre les fonctions design et le monde du design intègre les fonctions stratégiques), les applications des méthodes de conception vont irrémédiablement se rencontrer.

Article initialement publié sur le blog de Marketing Utile

Romain CosteRomain Coste travaille au new business & strategy chez Uzful. Uzful est une agence de communication et de marketing mettant l'humain et l'utilité au cœur de sa démarche. Depuis 2010, nous accompagnons nos partenaires à définir et exécuter leurs stratégies par le digital.

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