L’expérience client B2B, on en parle?
De la même manière qu’on se rend compte qu’à relever sans cesse les exigences en termes d’expérience client en négligeant le collaborateur de nombreuses entreprises peinent à délivrer leur promesse digitale, il y a un autre sujet qui commence à m’inquiéter: l’expérience client B2B.
Si l’idée selon laquelle il n’y a pas d’expérience client sans expérience employé commence à bien faire son chemin, si je commence à voir des entreprises s’interroger sur leur expérience partenaires (un sujet qui bizarrement rentre avec la problématique de la performance de la fonction achat plus que par le prisme de l’expérience client), il reste encore tout un sujet laissé à l’abandon: l’expérience client B2B.
L’expérience B2B: un secteur laissé en friche
Selon le vieil adage qui veut que le consommateur (B2C) marche à l’affect et peut être manipulé alors que le client business (B2B) est un être rationnel et triste et que sérieux est synonyme de poussiéreux, frustre et pénible (les collaborateurs peuvent vous en dire deux mots), trop d’entreprises ont laissé le terrain du B2B à l’abandon.
Oui il y a des extranets B2B. Tellement agréables à utiliser qu’on préfère aller payer ses impôts en ligne à la place, c’est plus agréable.
Oui il y a un SI B2B, souvent limité à un outil de commande, avec une interface utilisateur qui n’a rien à envier à un écran de commande en mode texte d’un bon vieux MS-DOS des années 90. Et lorsqu’il est composé de différents applicatifs offrant différents services au client, celui-ci fait face à autant d’applicatifs éclatés, sans aucune intégration ni cohérence, avec un niveau de complexité et d’interface rendant son utilisation impensable sans formation.
Une meilleure expérience B2B aide à mieux allouer ses ressources
Oui, on a des forces de ventes B2B et les clients préfèrent traiter avec des humains. Pour autant il y a une différence entre la vente, la négociation, et l’exécution du contrat fait de pleins de petites opérations récurrentes sur lesquelles tout le monde aimerait gagner en temps et en fluidité. Ensuite il n’y a aucune surprise à ce qu’un client préfère rencontrer un commercial lorsque les outils mis à sa disposition sont complexes et inutilisables. De la même manière qu’on préfère aller en boutique lorsqu’un site e-commerce délivre une expérience catastrophique on appelle le commercial lorsque l’extranet B2B semble avoir été conçu à l’époque des dinosaures. Résultat des courses, la force commerciale passe son temps avec les clients actuels, sans grande valeur ajoutée et sans temps disponible pour travailler à l’acquisition de nouveaux clients.
Ce qui était acceptable hier ne l’est plus aujourd’hui et voilà pourquoi.
Le client B2B est un consommateur B2C qui passe la porte d’un bureau
Tout d’abord on est dans une logique de consumérisation de l’entreprise. Le collaborateur s’attend à vivre au travail ce qu’il vit sans sa vie personnel et est en attente des outils, services, process et expériences équivalents. Et de manière générale le comportement du client B2B tend au fil du temps à se rapprocher de plus en plus au fil du temps de celui du client B2C. Idem pour ses attentes.
Ensuite, l’apport majeur du digital pour la très grande majorité des entreprises se situe dans une logique de vitesse et d’échelle. Le digital sert à opérer plus vite et à plus grande échelle, ce qui est contradictoire avec l’approche qui consiste à avoir une relation client 100% humaine. Loin de moi l’idée selon laquelle il faut sortir l’humain de la relation client mais il faut admettre qu’il n’est pas essentiel pour tout et, parfois, dessert la relation client. Lorsqu’on perd du temps à contacter quelqu’un alors qu’en deux clics on aurait pu faire soi-même en ligne par exemple. N’oubliez pas que le client B2B est le même qui dans la vie personnelle ne va plus voir son banquier, n’achète plus son billet de train au guichet ni son billet d’avion dans une agence. Il veut un interlocuteur conseil dans les moments clés de la relation mais désire fluidifier tout le reste. Ce qui signifie, selon les cas, automatiser ou passer en mode self service pourvu que le parcours soit fluide a l’extrême et qu’il n’y ait pas un écran ou un clic de trop et qu’il ne soit pas nécessaire de sortir de Polytechnique pour commander un trombone.
Il peut également servir les intérêts de l’entreprise. Si on considère la phase d’acquisition du client comme un moment clé – et elle l’est -, que l’on part du principe que la force commerciale ne peut s’étendre à l’infini, l’arbitrage selon lequel il faut fluidifier les relations existantes pour débloquer du temps et des ressources pour de l’acquisition est pour le moins évidente.
Le client veut recevoir de la valeur, pas des messages
D’un autre côté certains comportements du client B2C sont suramplifiés chez les clients B2B. Notamment la réaction aux messages et campagnes qui se réduit comme une peau de chagrin de manière logique. Si on a peu de temps et d’attention pour cela chez soi on en a encore moins sur le temps de travail. Et la bataille pour gagner l’attention du client a atteint un tel niveau qu’on parle de quelques secondes d’attention disponibles pour recevoir un message. Si, en matière de digital, le client consommateur valorise plus les expériences que les messages c’est encore plus vrai du client business qui ne réagit plus au stimulus digital que lorsqu’il y voit de la valeur. Ce qui recouvre principalement deux domaines: des services lui permettant d’opérer plus facilement avec son fournisseur ou des services qui vont l’aider à se développer commercialement avec l’aide d’un fournisseur qui devient un véritable partenaire business.
A l’inverse l’entreprise a principalement investi dans le «marketing automation». Dans le message plus que dans le service. Non que ça soit inutile mais ça n’est pas là où le client voit de la valeur. Encore plus dans le B2B que dans le B2C, investir dans le digital doit servir à apporter de la valeur et pas des messages.
Le digital a peu de valeur pour l’entreprise si il n’en a pas pour le client
J’insiste sur la dimension valeur pour le client car, autre fait avéré, peut importe le potentiel d’une initiative digitale, ce qu’elle peut faire gagner ou économiser à une entreprise. Ce potentiel ne sera que théorique que tant que le client «achète pas» l’initiative. Une usine a emailing pour des messages non lus ou un extranet que personne n’utilise n’est d’aucun bénéfice. Et l’entreprise ne veut pas souscrire à cette approche «valeur pour le client» (quand on voit le digital d’abord comme du marketing et qu’on doit se mettre à penser valeur pour le client il peut y avoir un saut culturel à effectuer), alors qu’elle investisse plutôt dans les domaines comme l’industrie 4.0 ou confie ses tâches administrative routinières à une intelligence artificielle comme IBM Watson.
Au final penser digital dans le cadre d’une relation client B2B ça n’est pas seulement penser marketing mais penser valeur et services pour le client. Ce qui peut signifier:
1)Self service
Le client peut préférer faire certaines choses lui même plutôt que devoir appeler (aux heures ouvrables) et attendre que quelqu’un traite le sujet en interne ou le rappelle.
2)Optimisation
On perd un client B2C au bout du 3e clic, pourquoi en serait il autrement pour un client B2B? Le parcours, l’interface, l’expérience, tout doit être pensé en termes de simplicité, fluidité, clarté. Et comme la technologie ne fait que supporter des process existants, merci de penser à simplifier ceux-ci avant toute chose.
3)Automatisation
Automatisation des commandes récurrentes que le client n’a plus qu’à valider, traitement des dossiers accéléré en interne par une intelligence artificielle….
4)Transparence
Beaucoup de centres de service client passent 50% de leur temps à répondre à des clients au sujet du statut de demandes ou commandes en cours. Si ce statut était clairement rendu visible voire qu’une alerte dans une app ou par sms tienne le client informé on gagnerait du temps des deux cotés.
4) Support
Lorsque le client B2B n’est pas le consommateur final mais juste un intermédiaire il peut être judicieux de l’aider à faire croitre sa propre clientèle. Certains secteurs sont murs et autonomes sur le sujet, d’autres, pour des raisons de culture ou de taille, ne peuvent se permettre des opérations marketing trop pointues alors même que les attentes de leurs propres clients changent. Dans ce cas il peut être judicieux pour le fournisseur de mettre en place un dispositif de marketing/com as a service simple à exploiter (parfois incluant sites et webstore), voire de partager des données et insights marché. En agissant ainsi il se positionne en vrai business partner de ses clients, voit sa valeur perçue augmenter.
Car il ne faut pas oublier que le montant des commandes du client est intimement lié au volume d’affaire qu’il a avec ses propres client. Augmenter ses parts de marché c’est bien, augmenter celles de ses clients c’est peut être loin d’être stupide.
Et je vous laisse avec cette vidéo qui expliquent la stratégie B2B de Caterpillar. Avec au final 15% de ventes en plus. A bon entendeur.
(article source ici)
Et puis il y a aussi l’utilisation du digital pour délivrer de la valeur aux collaborateurs pour qu’ils soient plus efficaces avec le client. Mais c’est encore un autre sujet, essentiellement une histoire de données et de décisionnel. Mais là encore on mesure le fossé qui sépare le B2C du B2B en termes de connaissance client.
Bertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.
Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.
Lire aussi:
- Ask A VC : comment modéliser un compte de résultat — Partie 6/6 : analyse de sensitivité - 21/05/2024
- Ask A VC : comment modéliser un compte de résultat — Partie 3/6 : les Coûts Fixes - 16/01/2024
- Question à un VC : Pourquoi les marges unitaires sont-elles si importantes pour votre modèle d’affaires? - 13/11/2023