La fin du french bashing?
On finit toujours par s’habituer à tout. Mais quand même. Arrêtons nous une seconde, puisque nous nous sommes donnés le droit de relever la tête.
Il y a un an: cette image d’un Emmanuel Macron seul, porté par l’hymne européen, marchant vers la pyramide du Louvre et son destin de président de la République, personne n’y aurait cru.
Un jeune. Issu d’aucun parti. Que personne ne connaissait deux ans plus tôt.
Je ne suis pas politologue, plutôt «internetologue», donc j’avais posé la question en mars 2016: «un président surprise, c’est possible?»
«Beaucoup m’ont dit: 2017, c’est peut-être trop tôt (…) Ce que je sais, c’est que le phénomène de la désintermédiation est un facteur d’accélération et de surprise. Et puis quand je regarde ce qui arrive je me demande: ok, c’est trop tôt. Mais en 2022, est-ce qu’il ne sera pas trop tard?»
Alors oui, on a tous un peu la gueule de bois ce matin. La campagne a été assommante. Une sorte de grosse soirée de famille qui dérape et aurait pu tourner mal, très mal.
Mais maintenant qu’on se réveille au lendemain du deuxième tour. Et avant de se replonger dans le chaos des législatives. On pourrait peut-être juste poser deux minutes, juste une journée, en ce 8 mai, pour réaliser.
Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Emmanuel Macron a donné hier soir un grand coup de jeune à l’image de la France. Il a surtout montré que ce qui semblait impossible il y a un an, est en fait possible.
Je pense d’ailleurs que nos amis Anglais et Américains, qui ont voté successivement pour le Brexit et pour Donald Trump, ne vont plus nous embêter avec le French Bashing pendant un bon moment. C’est Luke Skywalker qui le dit.
Je pense même que ça pourrait bien créer une sorte de sursaut national qui pourrait, pourquoi pas, relancer durant quelques semaines l’économie française. Une sorte de sursaut de confiance, à défaut de sursaut de conscience. Allez, un petit peu de fierté quand même. «En marche la France, vive la France», comme dit Barack Obama.
Parce que bon, on va me dire que oui les Français ont voté par défaut, qu’ils ont surtout voté contre Le Pen, qu’il n’y a pas d’adhésion au programme tout ça. Oui, certes, le pays était encore trop confus, trop déchiré, pour faire un choix aussi clair. Mais quand même: il a mis à sa tête un mec de 39 ans dont personne n’imaginait qu’il irait aussi loin il y a à peine un an!
Alors oui, la confusion aidant, cette élection fait peut-être penser à un hold-up. Mais ne fallait-il pas un hold-up pour sortir de la stupeur dans laquelle nous étions figés il y a encore quelques mois?
Après on peut encore dire qu’Emmanuel Macron est trop à droite, ou trop à gauche, ou trop entre les deux… si on veut. Mais ce que je retiens, c’est qu’il a réussi ce premier pari: casser la rigidité arrogante de l’histoire. Il y a un an, «78% des Français souhaitaient un président qui ne soit pas issu des partis traditionnels». On ne parlait pas de gauche ni de droite. Juste d’un début de changement de logique. Ce voeu là est réalisé.
Certes, on n’a pas encore changé de logiciel. Un logiciel politique à la hauteur du XXIème siècle et de la révolution numérique, qui ferait avec la foule. Cette foule où se trouvent une partie des solutions et des envies. Qui ne manquent vraiment pas, quoi qu’en disent les politiques.
En 2016, quand je me demandais avec beaucoup d’autres des Internets d’autres si la présidentielle pouvait être ubérisée, je faisais état d’une dynamique. Mais je constatais comme tout le monde qu’il manquait encore un candidat. Un candidat qui rassemble les foules. On partait de loin. Ce candidat inconnu, «il faut qu’il ait 500 signatures, il faut qu’il constitue un gouvernement et une majorité à l’assemblée. On voit bien que c’est le système entier qu’il faut changer. Mais pris en bloc, le problème semble insoluble.»
«C’est pour cela qu’il faut que cette révolte citoyenne fonctionne comme une start-up. Avancer pas à pas. Faire tomber les barrières une à une.»
(Photo: SdeLaMoissonnière https://twitter.com/soazigdlm)
Voilà. Donc, pas à pas, en marchant si j’ose dire, une première barrière est tombée hier. Le problème, pris dans son ensemble, parait encore insoluble, oui. Enorme. Mais le premier barrage est passé. Celui d’une élection qui semblait impossible. Donc si la première étape, bien que franchie dans un chaos indescriptible, a été possible. Alors la seconde doit l’être.
Bien sûr, je ne dis pas que l’entourage d’Emmanuel Macron, dans son intégralité, représente ce changement de logiciel. Mais enfin bon, on s’attendait à quoi? Une révolution par Twitter?
Au moins, réjouissons-nous de cela, enfin moi je le fais: le repli sur soi n’a pas remporté l’élection hier soir. A la place, on a une audace. Complexe, certes. Comme la France est complexe. Comme le monde est complexe. Comme Macron est complexe. Mais on a fait un premier pas en dehors du chaos, la tête haute, quand d’autres nations ont préféré le populisme. Et ça, c’est déjà un énorme pas en avant. Il y a quelques années, il était coutume de dire que les entrepreneurs français voulaient quitter la France pour aller aux Etats-Unis ou en Asie. Aujourd’hui, le visage de cette France a changé. En moins d’un an. Et on connait la force des images. Leur capacité à créer une dynamique chez chacun d’entre nous. Une dynamique qui peut dépasser le cadre de l’action d’un gouvernement.
Benoît Raphaël est expert en innovation digitale et média, blogueur et entrepreneur.
Il est à l'origine de nombreux médias à succès sur Internet: Le Post.fr (groupe Le Monde), Le Plus de l'Obs, Le Lab d'Europe 1.
Benoît est également cofondateur de Trendsboard et du média robot Flint.
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