Les leaders de l’expérience client réallouent leurs budgets vers l’expérience employé
Depuis le temps qu’on martèle qu’il n’y aura pas d’expérience client sans expérience employé on commence enfin à voir cela prendre forme dans les faits. J’observe depuis quelques temps une logique que suivent un grand nombre d’entreprises. Au départ elles adhèrent à l’idée mais comme les budgets de transformation digitale sont majoritairement des budgets IT et Marketing, comme c’est le client qui fait vivre l’entreprise, on démarre de suite par l’expérience client en remettant l’expérience employé à plus tard.
Une logique que par ailleurs je recommande pour avoir depuis longtemps observé que pour faire bouger l’interne il faut que l’impact sur le client (et donc le revenu et le cœur du business) soit sensible de tous. Sinon il est très compliqué d’entraîner l’interne qui dans le cas inverse ne se benchmarque que par rapport à lui-même et ne voit pas trop l’utilité de changer.
Pas d’expérience client sans expérience employé…mais quel délai entre les deux?
La question qui se pose n’est pas de savoir par quoi commencer mais quel délais entre les deux. Certaines entreprises démarrent très rapidement le volet interne après le volet client pour le les deux soient «livrés» quasiment en même temps, d’autres attendent d’être le dos au mur avec leur projet d’expérience client pour s’inquiéter de l’impact qu’elle va avoir en interne et des besoins qu’elle crée dans l’organisation.
Si les secondes sont pour la plupart en train de commencer à s’attaquer au sujet de l’expérience employé, les premières commencent à être suffisamment avancées pour qu’on ait des résultats tangibles et mesurables à observer.
C’est justement le thème d’une récente étude de l’IBM Institute for Business Value, intitulée The Experience Revolution: New teams new rules, qui est le troisième volet d’une série d’études consacrés à la révolution de l’expérience et ses impacts. L’idée principale que véhicule cette étude est qu’une entreprise qui mise sur l’expérience doit accepter de voir ses règles du jeu internes et le profil de ses équipes changer.
L’expérience a besoin d’un chef de file, le CDO futur CEO
Le premier impact de l’orientation expérience d’une entreprise se situe au sommet de l’entreprise avec l’apparition de nouveaux rôles.
La plupart des entreprises ont opté pour un Chief Customer Officer (je n’ai pas la répartition géographique mais je le vois très peu en France), puis vient le Chief Digital Officer puis, plus récemment, le Chief Experience Officer. Plusieurs de ces postes peuvent, par ailleurs, cohabiter dans une même organisation. Ce qui pose, logiquement la question de la répartition des rôles et de leur pérennité.
L’étude nous donne deux pistes. La première est que le Chief Digital Officer n’est qu’un rôle transitoire. J’ai toujours eu pour principe que ce poste ne pouvait être que provisoire (il doit organiser sa propre obsolescence à terme sinon il a raté sa mission) mais là on apprend que c’est souvent une étape vers un poste de CEO. Enfin pas pour tout le monde. Les plus performantes en matière d’expérience client sont 32% à le penser, 6% seulement pour les autres.
Le CDO, responsable de la modernisation
En fait dans les entreprises les plus matures, le CDO est davantage un responsable de la modernisation que du digital au sens strict. Une fois qu’il a fait entrer l’ensemble de l’entreprise dans une nouvelle ère en termes de business model, process et modes opératoires il est logique qu’il hérite du pilotage d’une entreprise nouvelle qu’il a reconstruit.
Par ailleurs, toujours chez les leaders, on voit comme logique la fusion à terme de toutes les fonctions orientées client: marketing, services digitaux, customer insights, service client etc devraient ne plus être qu’une seule et même entité dans les 2 ans qui viennent afin d’éviter la redondance, être plus efficace et supprimer les silos.
D’ailleurs le marketing à l’ancienne est mort. 45% des entreprises les plus performantes considèrent que le marketing comme on l’a connu n’existe plus, que tout est digital. Ce qui me surprend alors que je plaide plutôt pour une complémentarité des canaux et non leur disparition. Mais par contre si cela veut dire qu’il n’y a plus d’un coté le marketing et de l’autre le marketing digital je suis plus que d’accord.
L’expérience employé est une réalité structurelle et organisationnelle
Je me bats en permanence contre l’idée que l’expérience employé relève davantage du well being et de tout ce qu’on peut faire pour câliner le collaborateur quand il n’est pas… en train de faire son travail. Ce que je résume souvent par «installer un baby foot et un sauna à côté de la salle de torture».
Ce que montre l’étude au contraire, c’est l’impact de l’expérience employé sur l’interne. Il s’agit de réinventer: les postes et les fiches de postes, les process, le reporting, la structure, la manière d’interagir avec les clients. Repenser tout cela permet également à l’entreprise d’en profiter pour ouvrir d’autres chantiers comme la flexibilité du travail, davantage de collaboration et le redesign des espaces de travail.
L’expérience employé a un impact et c’est pour cela qu’on lui donne des budgets
Les entreprises les plus performantes en matière d’expérience client sont donc convaincues de l’impératif d’une bonne expérience employé, comme le montre ce tableau.
L’élément le plus notable à mon sens est que 62% des top performers réallouent des budgets à l’expérience employé pour en faire une priorité. Il y a souvent un disconnect entre ce que disent les entreprises en termes de priorités et la manière dont cela se traduit dans les budgets, surtout quand c’est pour financer des initiatives à l’attention des collaborateurs. On va donc dans le bon sens.
La conduite du changement à contre courant des idées reçues
Dernier point intéressant pour finir, la manière dont le changement est conduit.
Tout à fait à l’opposé des idées reçues, les meilleurs ont une politique de conduite du changement top-down, structurée, prescrite. Elle passe par des campagnes de communication, des formations et s’accompagne d’échéances définies à l’attention des managers et de leurs équipes. Les autres ont une approche plus organique du changement qui repose principalement sur une approche organique, virale, avec un empowerment du terrain qui mène les choses à son rythme.
Bertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.
Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.
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« Tout à fait à l’opposé des idées reçues, les meilleurs ont une politique de conduite du changement top-down, structurée, prescrite. » > Qu’entendez-vous par « les meilleurs » ?