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Les 7 étapes de la vie rêvée des étudiants d’école de commerce

J’ai presque 30 ans, j’habite à Paris et j’ai fait une école de commerce.

Mes copains et copines de promo ont tous les mêmes doutes/questions:

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  • Quand je regarde mon boss: il n’a pas l’air de s’éclater…
  • J’en ai marre de faire une heure de RER/métro/bus par jour!
  • Chaque lundi, j’attends le vendredi avec impatience…
  • J’ai 30 ans, il me reste presque 40 ans à bosser. 40 ans à faire des spreadsheets? Non merci…
  • Tu sais Rodolphe, encore une promotion et je déménage à [Bordeaux/Toulouse/Lyon/Barcelone…] — Paris, c’est fini!

 

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Les amis, la crise de la quarantaine est en avance!

Les diplômés du supérieur trentenaires rentrent dans une crise de sens.

Oui, tu gagnes bien ta vie, et ta carte de visite fait la fierté de ta mère.

Mais, dis moi, est-ce que tu te mets bien?

Je ne parle pas d’argent, je te parle de kiff…

Est-ce que tu te régales?

…Je ne crois pas…

 

Bah alors, qu’est-ce qui ne va pas?

En 2005, je suis rentré en école de commerce, on nous vendait le plein emploi. Et puis, manque de bol, en 2008 il y a eu la crise financière des subprimes, et là tout a basculé…

Bye bye le plein emploi! Bon, on n’a pas le droit de se plaindre: c’est sûrement les anciens de nos écoles qui ont crashé l’économie.

Du coup, la plupart de ma promo affichait 18–24 mois de stages au compteur avant d’aller chasser le CDI: c’était le début de «la génération stagiaire».

Après 40 000 euros dépensés en frais d’école et quelques années travaillées, la plupart des gens ont trouvé un job qui leur plaît plus ou moins.

Aujourd’hui, ma génération est paumée. Pourquoi?

… Revenons en arrière pour explorer les 7 étapes de la vie rêvée des étudiants d’école de commerce…

 

#1 La Prépa’

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C’est l’échauffement! T’as passé deux ans en prépa/BTS/Fac afin de préparer un concours d’entrée qui devait déterminer ta caste professionnelle pour le restant de ta vie.

Qui n’a pas joué au fameux jeu:

«T’as fait quelle école? Ah oui ? Quelle promo?»

Tu apprends à apprendre, dans la plus pure logique cartésienne francophone.

Les mathématiques rythment ta vie, ton esprit critique se formate sur des réponses «thèse, antithèse, synthèse».

C’est là où les choses que tu apprends, comme faire des rédactions de quinze pages, commencent à dévier de ce qui est utile dans la vie des affaires: être concis et efficace.

Tu ne le sais pas encore, alors tu passes beaucoup de temps à potasser tes concours!

#2 L’École de Commerce

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C’est la rentrée!

La directrice de l’école fait vibrer tout l’amphi en t’annonçant que tu es un «manager du futur dans un monde de plus en plus complexe», tu commences tes cours.

Ton prof’ de marketing enseigne depuis 20 ans en école, et n’a jamais fait de marketing en entreprise, mais sait habilement recycler des études de cas qu’il a trouvé sur Internet. Et puis, il fait de belles publications «et al.»!

Tu trouves étrange que des académiques soient en charge d’enseigner une réalité qu’ils ne connaissent pas, mais tu estimes que la direction de l’école sait ce qu’elle fait.

Faut voir les choses en face:

Si ta prof’ de finance était vraiment une experte, elle ne serait pas en train de prendre 90 euros de l’heure pour prêcher devant des étudiants qui préfèrent Instagram à leur Vernimmen.

Mais c’est pas grave, ton prof’ a un PhD et en plus est étranger: ton école gagne donc des points supplémentaires pour le classement du Figaro/Le Point/L’étudiant, comme ça l’école aura plus de clients (euh, élèves…) l’an prochain!

Aussi, tu es dans l’esprit école à travers les teufs, les chansons et les associations… parfois, tu te demandes ce que tu vas faire comme métier.

L’école de commerce est le non-choix par excellence, grâce à l’argument qui tue: «Tu sais, une école de commerce ça ne te ferme pas de portes!»

Quand même… 10 000 euros l’année… ça fait chère la porte ouverte, non?

Mais ce n’est pas la question, puisqu’il est temps pour toi de partir à l’étranger!

#3 Ton passage à l’étranger

T’as vu l’Auberge espagnole et tu te dis que Romain Duris s’est bien régalé!

C’est aussi un rite de passage, avec un poil de rébellion sur tout ce que tu as fait avant.

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Que ce soit en échange ou en stage, tu as vraiment envie de vivre l’étranger à fond:

Tu rejoins le Campus de ton école à Shanghai, Singapour ou Mumbai et décides de passer un maximum de temps avec tes camarades de promo afin de voyager dans ton pays d’accueil.

La France reste la meilleure exportatrice du célèbre combo ray-ban/polo pastel/chino/mocassin — tu considères presque faire un VIE…

Ca t’ouvre l’esprit, mais il faut bien vite revenir à la réalité.

Après un mémoire de fin d’études bien vite pipauté, il faut passer aux stages!

#4 Le Stage

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Pour ton stage, il ne faut pas se rater: après tout il faut avoir un CV cohérent, pas vrai?

Alors tu rejoins une belle boîte, une de celles qui rodent sur le campus pendant les journées entreprises. Ils t’avaient donné un T-Shirt, alors tu es parti passer les entretiens!

Si tu n’as pas d’idée, tu iras automatiquement en Audit/Contrôle de Gestion, puisque, ne l’oublions pas, ça ne te ferme pas des portes!

Définition d’une belle boîte: une entreprise que même ton pépé connaît.

A toi les tickets restau et pass’ Navigo à moitié prix, yes!!

Tes premiers contacts avec l’entreprise sont mitigés, tu découvres l’atmosphère feutrée des salles des réunions éclairées par des néons grincheux.

Tu apprends comment fonctionne l’entreprise à travers des rites qui vont changer ta vie:

«Non non mais tu sais sur cette propal: moi je suis moteur mais pas décisionnaire, on tente de faire pression sur le siège dans un ConfCall mais c’est le UK qui tient les budgets, alors bon…»

Ça ne te fait pas rêver, mais c’est bien vite la fin du stage et on te propose un CDI…

Tu hésites un peu, mais la partie «Indéterminée» te rassure beaucoup, ça plaît aussi à tes parents et à ton agent immobilier, qui vient de te trouver un appartement rêvé!

#5 L’installation à Paris

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Passage obligatoire, tu t’installes à Paris pour ton premier CDI, bravo!

Tu prends une coloc ou bien un 20 mètres carré dans Paris, ce qui détermine la ligne de métro que tu vas utiliser deux fois par jour… à durée indéterminée!

Te voilà membre du club des mojitos à 9 euros, à toi les afterworks! Tu connais un peu Paris, et maintenant tu peux te permettre de te payer des restaurants — y compris ton sacro saint brunch dominical!

A côté de ça, tu te mets au yoga/gym/vélo/boxe/escalade/foot-salle… parce que tu te rends compte que tu n’as pas fait d’activité physique en stage.

Et puis, un beau soir d’été, tu rentres chez toi en Uber en te demandant…

#6 Pourquoi eux s’amusent, et moi pas?

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Et oui, dans ta grande tour en verre à la Défense, tu passes de plus en plus de temps sur Facebook.

Il est 22 heures et tu es o-bli-gé de rester, puisque ton équipe doit terminer la mission du client.

Alors, c’est Tinder et Instagram jusqu’à la fin de ton acte de présence…

De temps en temps, tu te rends compte qu’une copine de promo est partie faire un tour du monde, et qu’un ami vient de boucler un Ironman.

Toi, ça t’étonne, ou est-ce qu’ils trouvent le temps de faire tout ça, ces gens?

Tes amis partagent les 10% les plus kiffant de leur vie sur les réseaux sociaux, le reste est passé sous silence.

Ce qui crée une énorme FOMO (Fear Of Missing Out), puisqu’un de tes huit cents amis est quasiment tout le temps en train de faire quelque chose plus kiffant que toi.

«Quoi ? Mölkky au Canal de l’Ourcq et je suis pas invité???»

Tu te venges en postant une photo de coucher de soleil depuis l’Ile de Ré où ton équipe fait son séminaire annuel avec un hashtag insupportable du type #another-tough-day-at-work.

Et puis tu en fais plusieurs, des séminaires d’équipes. Au début c’est toi le nouveau, et puis tu vois arriver des stagiaires que tu ne connais pas, puis des juniors qui sortent juste d’école.

Tu te rends vite compte que ce n’est plus toi, le nouveau.

Et c’est à ce moment là que tu réalises que quelque chose ne va pas…

#7 Ah… merde…

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Tu commences à remarquer un décalage dans ton travail.

Tu bosses avec des gens plus âgés que toi. Trentenaires, quadra… jusqu’à des gens qui ont l’âge de tes parents.

Ils parlent d’acheter des appartements, de politique, de retraite, de mariage et d’enfants.

Autant d’importantes étapes de la vie que tu vis à travers eux, ou que tu commences à vivre toi même.

Pourtant, au niveau professionnel, quand tu vois ce que font les gens à un ou deux échelons au-dessus de toi, ça ne te fait pas rêver.

Peu de gens aiment leur travail…

Oui, ceux qui sont en haut de la hiérarchie gagnent mieux. Ils ont aussi plus de réunions, de stress et d’obligations qui ne t’intéressent pas forcément.

Quand ils te racontent leur quotidien, tu ne vois pas d’étoiles qui brillent dans leurs yeux.

Et là, tu te dis: «Pourquoi je suis à la lettre le schéma de vie de personnes qui n’apprécient pas leur quotidien?»

Le truc, c’est que ton école de commerce t’a vendu le style de vie et les aspirations de la génération de tes parents: une carrière stable et prévisible jusqu'à la retraite.

Au jour le jour, c’est pas la joie: ce qu’on te propose, c’est d’attendre le soir, le week-end et au final la retraite pour kiffer.

Bon deal? Pas vraiment, puisque le monde a changé, cet «arrangement» n’est plus possible.

… La technologie rend le travail instable: la plupart des métiers seront uberisés plus ou moins rapidement, y compris les «cols blancs».

Ami contrôleur de gestion, tu es une espèce en voie de disparition! D’ici 10 ans, les machines feront nécessairement un travail plus qualitatif et moins cher que tes macros VBA sous Excel 2007!

… Notre monde est changeant: on ne fait plus carrière dans une entreprise unique, monter les échelons de chef de rayon à PDG, ce n’est pas la manière dont notre génération vit le monde du travail.

… Veux-tu vraiment attendre patiemment la retraite, entouré de gens qui n’aiment pas ce qu’ils font?

Il te faut donc changer, apprendre, évoluer: t’adapter.

Alors tu as un choix à faire:

Soit tu acceptes les règles des anciens et tu commences à économiser pour acheter ton appartement à 10 000 euros le mètre carré, il faudra surement accepter que ton travail ne te satisfait pas, c’est la le prix du conformisme.

…Mais peux-tu résister? Il est tentant, cet appartement en proche banlieue et ce crédit sur vingt-cinq ans…

Soit tu commence à avoir un rêve: démissionner.

Et là, t’as quatre options.

Ta démission.

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Si ce n’est pas déjà fait, ça va venir. Tu vas avoir envie de quitter le monde corporate, les réunions sans fin et son omniprésent middle-management.

Ok, comment on s’organise?

Quand tu commences à penser à démissionner, tu te dis souvent que ça serait top d’être ton propre patron, et/ou de faire un tour du monde, ouvrir un bar, devenir apicultrice…

Option A: Le Tour du Monde

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JACKPOT!

Licenciement économique: t’as réussi a toucher le pactole, t’as deux ans pour tout claquer. À toi les hashtags insupportables depuis des îles désertes!

Ne t’inquiète pas, si Pôle Emploi appelle, tu pourras toujours prendre le premier avion et aller voir ta conseillère en prenant ton air le moins bronzé possible!

…N’oublie pas de faire des photos avec tes collègues qui n’ont pas démissionné et que tu posteras sur un blog avec une adresse bien mielleuse, du type caro-et-seb-autour-du-monde.wordpress.com

Si tu es dans ce cas de figure et que tu es actuellement en voyage, et que tu claques nos impôts: j’espère que tu reviendras contribuer à l’économie française à ton retour, sinon c’est du vol.

Option B: Reprendre les études

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Tu sais pas trop quoi faire, du coup tu tentes de faire un diplôme supplémentaire…

Attention, si l’école de commerce n’a pas bien marché pour toi, remettre 15000 euros dans un master spécialisé ou un MBA n’est pas toujours la solution: l’accumulation de diplômes ne garantit pas l’épanouissement!

Ou peut-être veux-tu faire quelque chose un peu plus «pour les autres», comme professeur de yoga ou secouriste volontaire, quelque chose plus dans le «Social Responsibility» et l’altruisme?

Ou alors… Tu as bien compris que le futur de l’éducation est en ligne, et tu commences une boulimie de cours en ligne.

Ceux qui ont le nez creux vont comprendre que les métiers qui offrent le plus de perspectives sont désormais les métiers de développement Web, il commenceront peut être une formation technique, comme Le Wagon, qui puisse les préparer à leur vie de startupeur…

Option C: Rejoindre une start-up

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Tes amis qui bossent en start-up se baladent en jean et baskets, quand ils te parlent de leurs parties de Babyfoot tu as l’impression qu’ils n’ont jamais quitté l’école.

Depuis BFM jusque dans les Échos, on te bassine avec les start-up, ces gens qui «lèvent de l’argent» à droite et à gauche…

Y a du business, ils sont jeunes et ils ont «envie», tu découvres bien vite les vidéo de TheFamily et son swag, Oussama te paraît être un prophète des temps modernes.

Ces start-up qui cherchent à bouleverser l’orde établi un certain sex-appeal, cette mentalité de «Pirates à l’assault du système établi» séduit souvent les personnes qui viennent de grosses structures.

Hé, fais attention à ce que ta future boss ne vienne pas elle aussi de la société d’audit/conseil que tu viens de quitter — ça serait ballot!

Option D: Devenir Indépendant/Entrepreneur.

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Tu as toujours voulu ouvrir un bar, lancer ta marque de cravates, retaper la grange du grand-père pour en faire un gîte…

Qu’est-ce que tu attends? Tu crois que c’est quand tu auras tes enfants et ton crédit que tu feras tout ça?

T’es jeune et diplômé, rembourse tes crédits et pars faire ce qui te tient à cœur. Oui, ça peut prendre du temps, ça se fait rarement du jour au lendemain: mais ça vaut le coup!

En 2012, j’ai démissionné de chez Google pour voyager, naviguer et entreprendre.

Aujourd’hui, je suis entrepreneur indépendant: je gagne ma vie grâce à mon site Internet, des conférences. Je donne aussi des cours en école de commerce: ironique, non?

C’est pas parfait pour autant. Ma mutuelle de santé n’est pas top, je paye la moitié de ce que je gagne en impôts, je n’aurai pas de retraite, y a pas de chômage et ma banquière ne sait pas trop ce que je fais de ma vie.

La tribu des «Freelancers» et autres indépendants grandit de jour en jour, formant la suite logique de la flexibilité du travail.

C’est quoi, la flexibilité du travail? C’est ne pas avoir tous ses oeufs dans le même panier.

En finance, on apprend qu’il faut diversifier son portfolio financier afin de diluer les risques (devises, actions, immobilier…).

Si on diversifie les portfolios, pourquoi ne pas diversifier notre revenu?

J’ai cinq sources de revenus indépendantes, si l’une d’entre elles s’arrête, les quatre autres continuent de tourner.

Pourquoi se limiter à une source unique et sacro-sainte de revenu qui tombe une fois par mois, et si ça s’arrête, attendre sagement un chômage?

Pourquoi ne devient-on pas indépendants, pour de vrai?

Ça permet de gérer son temps et ses efforts comme on le souhaite. Aussi, tu peux être libre de travailler comme tu veux, depuis Paris, Bangkok ou l’Ardèche: tu décides!

Le plus important dans tout ça est d’être en phase avec ce que tu veux faire, plutôt que de patienter jusqu’à la retraite dans un job que tu ne «sens pas».

Epilogue

Jacques Brel disait:

«On ne réussit qu’une seule chose — on réussit ses rêves.»

Et c’est de ça que je veux parler: des rêves de ma génération, la génération Y.

Tout le monde n’a pas la chance d’aller au bout de ses rêves, mais faut bien voir que toi, qui a étudié en école de commerce, tu as gagné une loterie.

Et je suis pas du tout en train de vous déballer un scénario à la Disney, où tous les personnages vont vous faire une petite danse autour du feu et vous dire «écoute ton coeur».

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Né dans un pays qui t’a éduqué, t’as compris comment marchait le système, tu parles anglais, tu es jeune et tu as appris à apprendre.

Tu peux, non, tu DOIS continuer à apprendre…

Je ne dis pas qu’il n’y a que les gens qui ont fait une école de commerce qui peuvent réussir, mais ils font partie de ceux qui peuvent faire des changements rapides pour rentrer dans un nouveau style de vie.

Si ton CDI ne te convient pas, n’accepte pas les compromis. Prends des risques, explore, provoque la chance et pousse les limites.

Le principe de «self-reliance» est ancré dans la culture américaine, et nous gagnerions à nous en inspirer pour devenir acteurs de nos futurs.

L'article original est à lire sur Medium

rodolphe-dutel

 

Rodolphe Dutel est le fondateur de Remotive.

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