«Tu ne peux pas plaire à tout le monde quand tu fais du digital»
Par Grégory Pouy, expert FrenchWeb
Pour ce 10ème (déjà) épisode de Vlan, je suis ravi de recevoir Lubomira Rochet, Chief Digital Officer (C.D.O) du groupe L’Oréal.
J’aime beaucoup travailler avec ce groupe pour lequel j’ai eu l’occasion de faire de nombreuses interventions dans beaucoup de pays.
Je me souviens parfaitement qu’à son arrivée, j’ai discuté avec elle de la taille du défi qu’elle venait d’accepter de relever et elle m’avait alors répondu en souriant: «on aime les défis dans le digital».
Au cours de ce podcast nous discutons, 3 ans après, de son expérience au sein du groupe, de la manière dont elle a entamé l’intégration du digital et la mue de L’Oréal.
La «transformation digitale», c’est avant tout une transformation culturelle
Lubomira m’explique qu’à son arrivée, elle a fixé un chantier avecApple-converted-space »> 3 objectifs principaux: l’accélération de l’ecommerce, l’accélération de la collecte de données et la création de contenus nouveaux.
Toutefois, avant cela, il est avant tout question de culture et d’acculturation.
Il est évident que le groupe L’Oréal a une culture très forte mais Lubomira Rochet de rebondir «j’ai eu beaucoup de chance d’arriver dans un groupe avec une culture qui est dans la permanente remise en question ce qui est idéal quand il s’agit d’intégrer le digital ».
Par conséquent, ils ont capitalisé sur la culture de L’Oréal pour prouver à quel point cela concordait parfaitement avec le digital.
Quiconque a travaillé pour un grand groupe sait bien que tout n’est pas aussi simple évidemment car la politique rentre en ligne de compte mais ce qui est intéressant reste l’objectif visé.
Ils ont également essayé de mettre en place des méthodes agiles en réunissant tous les acteurs d’une problématique autour de la table afin d’arriver à des solutions rapides.
L’acculturation des équipes a eu un rôle clef évidemment et dans ce processus, pour le comité de direction, la visite d’autres pays en particulier la Silicon Valley à San Francisco mais aussi la Chine et en particulier Shanghai.
«Le futur du digital s’invente en Chine»
En discutant avec Lubomira nous sommes très vite tombés d’accord sur l’importance (encore trop souvent ignorée) de la Chine sur la feuille de route de toutes les start-up américaines en passant par Facebook et Amazon et dès lors pour les grands groupes même si (le cas échéant) n’interviennent pas ou peu en Chine.
La Chine est un pays avec des usages tellement différents et vraiment en avance sur l’occident et en particulier l’Europe qu’il est essentiel d’y consacrer énormément d’attention.
Comme le souligne Lubomira, «Alibaba, avec Ali Express, est déjà l’un des premiers points de contact e-commerce en Espagne et en Russie – imaginer qu’ils resteront en Chine est une erreur».
Les 3 grands avantages compétitifs majeurs de L’Oréal, remis en question
Comme le souligne Lubomira, L’Oréal avait 3 avantages clefs majeurs:
D’abord le média puisqu’en étant le groupe le plus large de son industrie, ils avaient la capacité plus que quiconque de communiquer largement et d’établir de la préférence de marque. Ensuite, la recherche-développement en interne et évidemment la distribution dans 65 pays.
Ces 3 avantages compétitifs ont toujours permis à L’Oréal de lancer des produits innovants de manière extrêmement efficace.
Le Digital a, en partie, balayé ces avantages.
Les indies brands savent tirer parties des communautés verticales et communiquer sur les réseaux sociaux. Dès lors, avec 0 euro en média, elles prennent d’importantes parts de marché.
La recherche est moins importante car il y a une standardisation de la qualité de nombreux produits et en s’alliant de manière intelligente avec quelques entreprises, on arrive à une qualité de produit intéressante.
Enfin, les places de marché comme Amazon ou Alibaba donne une présence largement suffisante pour distribuer sa marque.
«Pour L’Oréal, il s’agit de savoir comment créer de nouveaux avantages compétitifs », assène Lubomira Rochet qui explique que la connaissance consommateur, l’omnicanal et l’intelligence artificielle sont les nouveaux piliers sur lesquels le groupe va s’appuyer pour se différencier.
Je l’ai évidemment challengé sur l’intelligence artificielle car passé l’effet de mode des chatbots, il est plus compliqué de définir en quoi l’IA peut vraiment jouer un rôle, néanmoins, nous abordons ce sujet.
Ils ont beaucoup investit pour obtenir un maximum de connaissances consommateurs, d’abord en développant le D2C (direct to consumer) et en travaillant la données qui était quasi inexistante chez L’Oréal.
Ensuite, l’omnicanal se développe chez L’Oréal qui envisage, pour certaines marques de vendre sur les places de marché comme Amazon puisque de toutes manières leurs produits y sont déjà proposés mais souvent de mauvaise manière et surtout pas par eux donc sans maîtrise.
Selon Lubomira, l’IA peut aider à tous les niveaux de l’entreprise tant dans la détection des tendances, la personnalisation que la création de cluster clients pour mieux communiquer.
Comme précise Lubomira «nous voulons passer de la beauté pour tous à la beauté pour chacun».
Le groupe L’Oréal a fait une grande avancée pour une industrie qui ne bouge certainement pas assez vite et Lubomira, entre autre, est un acteur essentiel de ce mouvement mais beaucoup de choses restent à faire!
En particulier, Lubomira envisage vraiment l’intrapreunariat pour inventer la suite car si le métier de L’Oréal est de rendre la beauté accessible, cela implique sans doute de dépasser la dimension produits pour aller vers une série de services. Il semble que la réinvention du business model est en court.
L’expert:
Grégory Pouy est le fondateur de LaMercatique, un cabinet de conseil de transformation digitale axé sur la partie marketing. Basé entre New York et Paris, il est «expert» marketing pour FrenchWeb.fr. Pour suivre ses écrits et échanger avec lui:
Son blog: http://www.gregorypouy.fr
Son compte sur Twitter: @gregfromparis
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