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Chaque jour, le marketing digital creuse son trou. À moins que…

Par Paul Perdrieu, fondateur d'Okédito

En 2016, chaque seconde, nous avons collectivement fait 3,8 millions de recherches sur Google et posté 3,3 millions de posts sur Facebook, 500 heures de vidéos sur YouTube, 66 000 photos sur Instagram, 450 000 messages sur Twitter et 1440 articles de blog sur WordPress. C’est vertigineux, désormais trop pour être consommé, d’autant plus qu’en 3 ans seulement ces chiffres ont progressé de plus de 50% en moyenne. C’est ce qu’on appelle le «content shock» et irrémédiablement chaque jour, sur Internet, la rentabilité d’un contenu ou d’une action diminue…

Et puis les voitures sont bientôt autonomes, les taxis vont voler et les robots aider nos séniors tout en menaçant nos métiers et notre libre-arbitre. L’économie de la possession est mise à mal et nous deviendrons tous à la fois producteurs, revendeurs et consommateurs de nos propres ressources, produits et services. Alors nous aurons aussi besoin de calmer le jeu, de rompre avec l’instantanéité consumériste et de nous recentrer sur des moments «vrais» et ressourçants. Tout ceci a déjà commencé et ce qui va compter plus que tout c’est le sens!

Nous vivons une période enthousiasmante et angoissante à la fois où le leader mondial de dans 10 ans n’est peut-être pas encore né et où toutes les organisations ont à relever le défi d’une transformation rapide. Les métiers sont de plus en plus complexes, les règles du jeu changent de plus en plus vite et les frontières de la concurrence sont de plus en plus floues. Ces changements s’accompagnent d’ailleurs de nouvelles attentes parfois déstabilisantes de la part des consommateurs et des collaborateurs en entreprise. Toujours plus vite donc, l’avenir déborde d’opportunités mais peut aussi paraître prodigieusement incertain. Là encore, ce qui fera la différence, c’est le sens!

La bonne nouvelle c’est que si la société aspire à plus de sens, alors les métiers du marketing et de la communication vont muter eux aussi, et a priori dans le bon sens. Ainsi, nous devrions vivre l’avènement de dispositifs porteurs de performance grâce au digital bien sûr mais surtout porteurs de différence, de vision long terme, d’authenticité, d’information, de bienveillance et de confiance. Et c’est un challenge de taille tant la pression pour obtenir des résultats immédiats est forte dans la plupart des organisations. Pourtant, c’est là que résident les ingrédients magiques d’une transformation réussie et d’une croissance durable qui embarquera les marques vers les épanouissements humains et économiques attendus.

En détaillant l’état des lieux sous le prisme du marketing et de la communication, on peut identifier 7 grands changements irréversibles auxquels l’annonceur doit faire face:

  • L’innovation est une condition de vie ou de mort.
    L’innovation est devenue la seule façon de créer suffisamment de valeur pour se différencier durablement, exporter et créer de l’emploi pérenne sur nos territoires. Les éco-innovations faisant notamment partie des facteurs majeurs de la transformation positive des entreprises et de la société, pour une meilleure performance à la fois économique, environnementale et sociale. Qu’elle soit incrémentale et surtout de rupture, la capacité d’innovation devient le marqueur des organisations qui ont un avenir.
  • Le partage et la vitesse d’exécution ont plus de valeur que la possession.
    Les futurs champions sont ceux qui collaborent avec leur écosystème, qui savent partager la valeur et réinventer leur «business model» pour avoir la meilleure offre complète avant les autres. Rien ne sert d’avoir la meilleure technologie si les offres de services, de contenus et de support associés ne sont pas au rendez-vous. L’enjeu: pratiquer l’ouverture, s’adapter rapidement et savoir partager dans le but d’être prêt avant les autres.
  • Tout est digital et réseaux.
    Désormais tout est digital et réseaux. Les marques ont le sentiment de perdre le pouvoir et la maîtrise car l’essentiel des interactions se passe sur les réseaux sociaux et que le site officiel n’est plus qu’une vitrine. Dans certains cas, même le support client est déporté auprès des clients eux-mêmes… Le référencement naturel sur les moteurs de recherche prend une importance cruciale et le contenu est produit en masse mais pas toujours en qualité. La frontière entre la vie professionnelle et la vie privée s’estompe et c’est désormais à la maison que nous sommes les mieux équipés. C’est aussi une opportunité : chaque collaborateur est une pépite avec une histoire, des talents et un potentiel d’action dans les réseaux. Il faut apprendre à l’exploiter positivement sans en avoir peur, et donc à redistribuer la confiance.
  • L’entreprise se libère.
    L’organisation traditionnelle est en bout de course. Les jeunes générations (et les autres leur emboîtent le pas bien volontiers) ont une approche de la connaissance et de la résolution des problèmes qui reposent sur les réseaux et l’accès rapide à l’information et aux décideurs. Pour eux la légitimité du responsable hiérarchique est indispensable à la motivation et la hiérarchie n’est d’ailleurs plus une valeur reconnue en tant que telle.
  • L’authenticité et la confiance sont le sel des communautés actives.
    La publicité standard est «black listée», «démasquée», «zappée»… Le prospect professionnel ou le consommateur grand public a besoin de valider que la démarche et les arguments sont sincères, fondés et légitimes. Il faut donner du «vrai» pour recevoir du «vrai», démontrer l’expertise, faire preuve de transparence. Parce que sur les réseaux on a le réflexe de demander l’avis d’un ami, d’un collègue ou d’une communauté d’experts et que cela a un poids déterminant dans la confiance accordée à une marque. Il faut alors accepter la discussion et les objections et y répondre avec du fond et de l’expertise. C’est cette authenticité au quotidien qui construit la confiance dont se nourrissent les communautés.
  • La quête de SENS est une aspiration profonde à laquelle il faut répondre.
    Les collaborateurs, les consommateurs et les usagers sont en quête de sens, autant à titre personnel que professionnel. Les annonceurs doivent donc impérativement donner du sens à leur stratégie et à leurs actions et en donner des preuves étayées et déclinées dans leurs dispositifs et dans les conversations qu’ils entretiennent avec tous les publics visés.
  • La complexité croissante des métiers de la communication appelle de nouveaux modes de collaboration.
    Les métiers se complexifient chaque jour un peu plus et nécessitent un plus grand nombre de technologies et de compétences pointues qu’il est difficile de posséder et maintenir en interne. Le temps du panel resserré de prestataires qui savent tout faire est aussi révolu car il n’est plus possible de couvrir sérieusement l’exhaustivité des spécialités à déployer pour atteindre les objectifs. Pour autant, les expériences utilisateurs doivent rester fluides et cross-média, les dispositifs agiles et les données de performance consolidées. Savoir réunir et piloter le bon «commando» de talents pour un projet donné, en cohérence avec la stratégie globale, sera déterminant.

Alors dans quel sens pouvons-nous nous engager, communicants de tout poil, pour aider les marques à réenchanter leur monde? Je me lance avec 7 propositions.

  • Intéresser avant de vendre!
    Quoi de plus efficace que de susciter l’émotion grâce à des contenus exclusifs de grande qualité, conçus pour intéresser l’audience et pas juste pour duper Google. Des contenus réalisés par des journalistes et des créatifs à partir de la compréhension des centres d’intérêt de la communauté visée et de la connaissance, du savoir-faire métier et du vécu des collaborateurs de l’annonceur. Des contenus qui expriment le souci permanent d’aider l’interlocuteur dans sa mission quotidienne, secret d’une connivence propice aux contacts commerciaux futurs. De vraies belles histoires incarnées, bien construites et bien présentées qui marquent et impriment les esprits dans la durée (et Google, qui va tendre lui aussi à valoriser le sens).
  • Promouvoir l’open attitude.
    Le «brand content» c’est pas mal, mais ne parler sans cesse que de soi a ses limites pour éveiller l’intérêt et être crédible. Le «content marketing» va au-delà et ose donner la parole à l’écosystème de son marché, voire même parfois à ses concurrents ou détracteurs. Une question d’attitude vitale pour exister, être reconnu et légitime au sein d’une communauté.
  • Penser contenu augmenté et multi-diffusion.
    Car le sens est précieux (et plus coûteux que le blabla), il doit être exploité au mieux. Chaque contenu original est alors décliné en une multitude de fragments et de variations qui sont faits pour être publiés, relayés et promus régulièrement sur les sites et les réseaux sociaux en cohérence avec la marque. La diversité des angles et des visuels et l’adaptation aux formats et aux codes des différents réseaux sociaux permet de toucher le plus grand nombre au bon moment et augmente significativement l’empreinte et le partage du contenu source.
  • Sans oublier qu’il y a encore un monde physique.
    Le besoin de rencontres et d’échanges réels pour renforcer son réseau et initier de nouvelles coopérations est toujours présent. Encore faut-il concevoir des lieux où il se dit des choses intéressantes et utiles car le public est devenu difficile à déplacer. Finalement, que ce soit sur les réseaux sociaux, les webinars, les salons ou les conférences, le contenu de qualité est le carburant de la relation. L’application d’une véritable ligne éditoriale, l’animation professionnelle des événements et l’entretien de conversations de valeur avec les participants, comme sur les réseaux, doit donc faire partie intégrante de la démarche pour assurer un continuum efficace.
  • Automatiser sans se lobotomiser.
    La robotisation fait partie des transformations à apporter à notre métier. Alors oui aux assemblages fiabilisés et judicieux des meilleurs outils, à condition que ce ne soit pas la technologie qui dicte les choix d’organisation et de processus mais bien la réflexion stratégique, les valeurs et le sens des actions à mener. L’automatisation bien réalisée libérera ainsi un temps précieux au profit de l’écoute active des clients, de l’analyse des données, du développement d’offres et de concepts innovants, des contenus et du coaching des équipes. Tout ce qui permet de rester unique et savoureux, aux antipodes de la standardisation qui rôde.
  • Se rapprocher des ventes.
    L’organisation en silos de la communication, du marketing et des ventes n’est plus compatible avec l’exigence d’omniscience induite par la digitalisation de la relation client. Se rapprocher des ventes, c’est se rapprocher du client en se mettant à sa place pour comprendre quelle information personnalisée lui est utile et à quel moment? C’est le faire participer pour co-concevoir les offres. Se rapprocher des ventes c’est apporter du contenu de valeur aux commerciaux pour qu’ils nourrissent les conversations de qualité qui scellent les ventes. En parallèle, faire converger et capitaliser les données terrain et la façon dont les contenus sont consommés est une aubaine pour le marketing et la communication. Au travers de ces coopérations transversales, c’est la pertinence et l’efficacité des scénarios programmés dans les outils technologiques qui sont en jeu.
  • Maîtriser l’agilité, avec respect et bienveillance.
    Savoir sourcer, mobiliser et fidéliser la juste communauté de talents au service des projets est un prérequis. Garantir l’application d’une méthodologie, de processus qualité et de bonnes pratiques permet l’atteinte d’un standard élevé à la bonne cadence et avec un coût maîtrisé. Doter la relation annonceur/agence d’outils digitaux et collaboratifs de pilotage, d’automatisation et de productivité est un défi à relever pour offrir une meilleure expérience. Un tout qui procurera l’agilité si convoitée. Mais un tout qui doit être animé par la passion des contenus qui ont du SENS et par le respect bienveillant et épanouissant des talents qui les sculptent au quotidien.

Et vous, dans quel sens iraient vos propositions?

Le contributeur:

paul-perdrieuPaul Perdrieu a créé la société Noheto à l’âge de 29 ans, un des éditeurs de logiciel pionniers de la gestion de contenu Web des années 2000. Après avoir rapproché cette entreprise de l’éditeur Wedia aujourd’hui leader du MRM (Marketing Resource Management) coté sur Alternext, Paul fonde Cleantech Republic en 2009, un média pure player et une place de marché dédiés aux éco-innovations, puis Okédito en 2015, une agence de content marketing spécialiste du B2B.

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