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Web Summit 2017 à Lisbonne: que retenir du Davos de la Tech ?

Considéré comme le Davos du numérique, le Web Summit est la plus grande conférence européenne tech, réunissant près de 60 000 participants, issus de 170 pays. Créée à Dublin en 2009, elle s’est délocalisée en 2016 à Lisbonne.

Le Web Summit se déroule dans le quartier du Parc des Nations, sorti de terre à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1998, et bénéficiant donc d’infrastructures adaptées à ce type de manifestations : en l’occurrence, l’événement occupe quatre pavillons d’exposition en enfilade, qui débouchent sur le Pavillon Atlantique, baptisé désormais Altice Arena, salle polyvalente à la capacité proche d’un AccorHotels Arena, soit 20 000 places.

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L’Altice Arena accueille les invités de renom lors des conférences-phares, même si ce ne sont pas forcément les plus intéressantes, car par définition très mainstream : on demeure souvent à la surface des choses, on soigne ses effets de communication, on donne dans les bons sentiments, quand on n’enfonce pas carrément les portes ouvertes – le tout dans une ambiance sons et lumières qui, à la longue, peut entamer sérieusement les capacités cognitives des participants les plus aguerris. D’autres conférences, plus pointues et resserrées, ont lieu dans les pavillons d’exposition.

Altice Arena Web Summit. Crédit : Decode Media

Malgré son gigantisme qui confine quelque peu au barnum, et même si son line-up ressemble parfois plus à un sommaire de magazine people qu’à celui d’une publication tech (Caitlyn Jenner, Rosario Dawson, Sara Sampaio, Wyclef Jean…), la grand-messe demeure toujours un point de rencontre unique pour prendre le pouls de la communauté tech.

Wyclef Jean. Crédit : Diarmuid Greene Web Summit

Que l’on soit entrepreneur, investisseur, grand groupe ou journaliste, réussir son Web Summit implique donc des objectifs clairs, une bonne dose de concentration, des chaussures confortables et un maxi-tube d’aspirine… Parce que le Web Summit, en quelques chiffres, ce sont : 59 115 participants, plus de 2 100 start-up présentes, 1 400 investisseurs, 2 600 journalistes, 5 000 bénévoles et collaborateurs, 45 téraoctets de trafic Internet pendant l’événement.

Alors, que fallait-il retenir de cette édition 2017 ?

1. Sophia The Robot fait la belle artificielle

Sophia the Robot ? Hanson Robotics #websummit

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Sans surprise, l’intelligence artificielle était l’un des thèmes vedettes de l’édition 2017 du Web Summit. Déjà présente en 2016, le robot Sophia, création de la société Hanson Robotics, est revenu sur scène donner sa propre conférence, fort de sa nouvelle citoyenneté saoudienne. Il était accompagné de son créateur, Ben Goertzel, et de son camarade le robot Professor Einstein. Sophia le Robot nous a crânement prévenus : «Beaucoup craignent que les robots détruisent le monde ou les emplois, nous ne cherchons pas à détruire le monde, en revanche nous allons effectivement prendre vos emplois».

Ben Goertzel, Chief Scientist d’Hanson Robotics, a annoncé au cours de son intervention le lancement de Singularity Net, une plateforme blockchain ouverte où les programmeurs pourront contribuer, afin d’améliorer la technologie mais aussi éviter le danger d’une intelligence artificielle aux mains des entreprises, des gouvernements, ou des groupes d’influence.

2. Margrethe Vestager, la terreur des GAFA

Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence et connue pour être le cauchemar des GAFA, est intervenue deux fois pendant le Web Summit : d’abord pendant la cérémonie d’ouverture, à l’occasion d’un talk mené par Kera Swisher de Recode – qui lui demanda tout de go « How fucked is Silicon Valley? » – puis le lendemain pour une conférence sur l’innovation.

Pour Vestager, le marché unique européen n’a pas vocation à être régi par « la loi de la jungle, mais par la démocratie à l’oeuvre, pour le respect de la concurrence au service de l’innovation » car la concurrence aide à faire avancer l’innovation. Elle n’a pas mâché ses mots à l’intention des grands groupes de la Silicon Valley – « Les entreprises dominantes comme Google ont la responsabilité particulière de ne pas saper la concurrence. Nous n’avions d’autre choix que de condamner Google à une amende, car l’entreprise n’était pas à la hauteur de cette responsabilité » mais aussi des pays qui accordent des traitements de faveur à certaines entreprises, visant ainsi l’Irlande.

3. Stephen Hawking, l’invité-surprise

Keynote de Stephen Hawking en ouverture du #websummit « Create AI for the good in the world »

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C’était la surprise de la cérémonie d’ouverture : Stephen Hawking, le scientifique britannique, est apparu sur les écrans géants de la scène de l’Altice Arena lors de la cérémonie d’ouverture, à l’invitation de Nuno Sebastião, CEO de la start-up de machine learning Feedzai. Par vidéoconférence, au son de la synthèse vocale qui véhicule sa pensée, le physicien a évoqué le thème qui dominerait tout le Web Summit : l’intelligence artificielle.

Malgré des mises en garde répétées, dont l’alarmisme rappelle parfois celui d’Elon Musk, « Shit is about to hit the fan » ou « AI could be the worst event in the history of our civilization », au choix  – le scientifique a aussi voulu transmettre un message de pédagogie et d’optimisme à destination de ceux qui oeuvrent à ces technologies, les appelant à être conscients des dangers, de les identifier, d’utiliser les meilleures pratiques et un management efficace, et de bien anticiper les conséquences de leurs actions. Le scientifique a aussi salué les travaux législatifs en cours en Europe autour de l’IA et de la robotique : « Je crois que nous pouvons créer une intelligence artificielle pour le bien du monde ».

4. Voitures (vraiment) autonomes et taxis volants

John Krafcik, CEO de Waymo, la filiale d’Alphabet destinée aux véhicules autonomes, est venu sur scène, accompagné d’un de ses véhicules-tests. Pendant sa conférence, il a annoncé que certains de ceux-ci seraient désormais vraiment autonomes, roulant sans aucune présence humaine à bord. Cette première historique aura lieu dans une zone de la ville de Phoenix, à vitesse réduite.

John Krafcik, CEO de Waymo. Crédit : Decode Media

Le Cinquième élément, c’est pour bientôt : Jeff Holden, Chief Product Officer d’Uber, a de son côté annoncé un partenariat avec la NASA, dans le cadre de son projet de taxis volants (tout simplement). L’agence, en charge de l’aéronautique et de l’espace aux États-Unis, va aider l’entreprise à développer un logiciel de gestion de traficApple-converted-space »>  pour ces engins VTOL (Vertical Take-off and Landing, décollage et atterrissage verticaux). Uber prévoit des vols de démonstration UberAIR pour 2020 à Los Angeles, pour une exploitation commerciale prévue avant les Jeux Olympiques de 2028.

Jeff Holden, Chief product officer, Uber. Photo by David Fitzgerald Web Summit

George Hotz, hacker connu pour avoir jailbreaké l’iPhone, était aussi présent à Lisbonne pour présenter son entreprise Comma.ai, qu’il présente comme l’Android des voitures autonomes – dans le cadre d’une métaphore où l’autopilot de Tesla jouerait le rôle d’iOS.

5. Fake news, vraies angoisses

L’année dernière, le Web Summit avait été saisi par la victoire de Donald Trump, survenue comme un coup de tonnerre, à la présidentielle américaine : c’est donc sans surprise que le phénomène des fake news et la part de responsabilité des GAFA ont constitué un sujet-phare du sommet 2017. Matt Brittin, le patron Europe, Middle East & Africa de Google, affirmant qu’il s’agissait d’un phénomène récent, a toutefois reconnu que la firme de Mountain View « n’a pas fait le meilleur travail » à ce sujet, mais collabore désormais avec plusieurs organisations non-gouvernementales pour améliorer l’élimination de ces contenus.

Matt Brittin, President, EMEA Business and Operations, Google sur la scène de l’Altice Arena. Crédit : Cody Glenn Web Summit

Le discours a été fait au lendemain de la conférence d’Ann Mettler, de la Commission européenne, qui qualifie les fake news d’ « attentat à la démocratie », appelant aux responsabilités des entreprises technologiques comme Facebook ou Google, desquelles elles ne peuvent plus se détourner, selon la responsable du Centre européen de stratégie politique. Elle a aussi indiqué que Bruxelles prendrait des initiatives à ce sujet, sans pour autant passer par une réglementation spécifique sur le sujet. Joseph Kahn, Managing Editor au New York Times, soulignait que les géants du numérique, Google et Facebook en tête, qui se sont construites sur l’agrégation d’un maximum de contenus sans se soucier de leur qualité, commencent à peine à réaliser les conséquences de leurs actions.

6. Le pouvoir des réseaux sociaux

Brad Parscale, directeur de campagne numérique de Donald Trump, était aussi présent à Lisbonne. Interviewé par Michael Isikoff, journaliste d’investigation pour Yahoo News, Parscale a déclaré que son expérience de la publicité et du marketing l’ont aidé à voir en Trump un « excellent produit » dont le marketing serait facile à faire auprès des Américains. Parscale a dit que la campagne sur Facebook leur avait permis de recueillir non seulement le soutien mais aussi les donations des militants, grâce à des campagnes publicitaires sur le réseau social. Il a évoqué un montant de 280 millions de dollars.

Brad Parscale, directeur de la campagne numérique de Donald Trump. Crédit : Cody Glenn/Web Summit

Lorsque le journaliste lui demanda ce qu’il a ressenti pour avoir retweeté un message provenant d’un compte @Ten_GOP s’avérant être un bot téléguidé par la Russie, Parscale ne s’est pas démonté, estimant d’abord la question injuste, pour ensuite désigner Twitter comme le responsable : « Jack Dorsey voulait l’argent de la Russie, et il leur a pris cet argent ; c’était sur Twitter. Je ne suis pas désolé, mais ça m’a contrarié de découvrir que c’était un faux compte Tennessee GOP – Twitter aurait dû le rendre évident. »

7. Être une start-up au Web Summit

On sait bien que pour une start-up, participer à ce genre d’événement demande un effort financier certain pour un retour sur investissement pas toujours garanti. C’est pourquoi il est toujours un peu difficile de les voir concentrés dans ces emplacements de taille réduite, et se démenant malgré tout avec une énergie sans faille pour attirer le chaland, derrière lequel se cache peut-être qui un investisseur, qui un client.

Émerger dans la foule impressionnante du Web Summit est une gageure : l’exercice est rendu d’autant plus ardu que les grandes marques arrivent avec des dispositifs de plus en plus imposants et du merchandising de compétition. Pour compliquer la tâche, les start-up ne bénéficiaient généralement que d’une journée d’exposition, dans ces petits guichets accompagnés d’un simple panneau descriptif.

Startups au Web Summit 2017. Crédit : Decode Media
Mercedes Benz Web Summit 2017. Crédit : Decode Media
EDP Web Summit 2017. Crédit : Decode Media

8. Al Gore exhorte les entrepreneurs à agir pour le climat

Le changement climatique a été le thème de clôture du sommet. Al Gore a reçu l’ovation nourrie du public de l’Altice Arena. Il a condamné son pays et Donald Trump pour avoir abandonné l’Accord de Paris. « Il y a un mouvement mondial qui est mené par les entreprises, mais dans de nombreuses parties du monde, les politiciens retardent cette révolution, a-t-il dit, mais j’ai dit que je ne parlerai pas de la politique de mon pays. »

Al Gore, Chairman, Generation Investment Management. Crédit : Stephen McCarthy Web Summit

Il a préféré faire directement appel à ceux qui étaient dans la salle, en leur posant trois questions : devons-nous changer ? Pouvons-nous changer ? Allons-nous changer ? « Mon but, en venant ici, n’est pas de vous divertir avec des informations que vous connaissez probablement déjà. Je viens ici pour vous recruter, afin de faire partie de la solution à la crise environnementale et écologique. Parce que nous devons, pouvons et allons résoudre ce problème. » Al Gore est fondateur et président de Generation Investment Management, un fonds d’investissement dédié à l’économie durable.

L’intelligence artificielle, le machine learning et l’Internet des objets sont des technologies qui, selon l’ancien vice-président américain, aideront les générations futures à préserver la planète. « Notre monde est maintenant dans les premières étapes de la révolution du développement durable… qui a la vitesse de la révolution numérique », a-t-il déclaré.

8. La French Tech en force

Sur les quelques 2 000 start-up exposantes, 140 jeunes pousses françaises portaient haut le pavillon de la French Tech, parmi lesquels 20 étaient présentes dans le pavillon dédié. Selon les organisateurs, sur les 10 start-up les plus sollicitées par les investisseurs et médias pour des entretiens, 5 sont françaises : Deepomatic, Recast AI, Cosmo Tech, Tell Me Plus et Finalcad.

« Notre prochain challenge ? Scaler ! » Jasmine Anteunis @recast.ai #behindthescenes #websummit #frenchweb

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Des intervenants français se sont aussi relayés, côté keynotes et tables rondes. Pour les politiques, Anne Hidalgo, maire de Paris, a reçu le prix de la Capitale la plus innovante d’Europe, décerné par la Commission européenne et doté d’un chèque d’un million d’euros, destiné à « intensifier et étendre les efforts d’innovation ».

François Hollande, venu présenter sa fondation La France s’engage, a fait un discours dont on ne pouvait s’empêcher de penser qu’il était aussi destiné à la promotion de son action d’ancien président sur le numérique, soulignant la création du label French Tech sous sa mandature, ou rappelant ses initiatives pour rapprocher start-up et grands groupes. Reste à savoir si le message est bien passé : les conditions de son intervention – en français dans une manifestation à 99,9% anglophone, calée entre la très médiatique Sophia the Robot et la pause déjeuner – n’ont probablement pas joué en sa faveur.

Coté grands groupes, Stéphane Richard, PDG d’Orange, de Frédéric Oudéa, PDG de la Société Générale, Michel Combes quelques heures à peine avant son départ d’Altice, Ludovic Le Moan, qui dirige Sigfox, entre autres, avaient fait le déplacement. Retrouvez très prochainement l’interview de Ludovic Le Moan sur FrenchWeb.

Michel Combes et Claire Goya #websummit #altice

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Enfin, autre motif de satisfaction : Lifeina a remporté l’édition 2017 du concours de pitch. La start-up française, qui développe un frigo portable dédié à la conservation des médicaments, remporte un chèque de 50 000 euros remis par le parrain Mercedes-Benz.

Pitch Web Summit 2017. Crédit : Decode Media
Uwe Diegel, Founder, Lifeina. Crédit : Stephen McCarthy Web Summit

Par ailleurs, le journal portugais Público a indiqué que de nombreuses start-up françaises, avec des activités à Barcelone, Madrid ou Londres, ont contacté l’antenne French Tech à Lisbonne, pour se déployer ou s’installer dans la capitale portugaise, selon Rémi Charpentier, un des responsables de la délégation.

9. La boulette de Paddy

@paddycosgrave et @antoniocostapm PM du Portugal ?? #websummit

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Un dîner VIP organisé en marge de l’événement a fait polémique : il a été tenu dans le Panthéon national (où sont inhumés des personnalités comme la chanteuse de fado Amalia Rodrigues ou le footballeur Eusebio), provoquant l’ire de grandes personnalités du pays. Le Premier ministre Antonio Costa a qualifié la tenue d’événements festifs d’ « indigne du respect de la mémoire de ceux que nous honorons en ces lieux » malgré un décret voté par un précédent gouvernement l’autorisant. Il en a profité pour annoncer que ce texte serait abrogé, afin que la chose ne se reproduise pas.

Paddy Cosgrave, organisateur du Web Summit, s’est également fendu d’un tweet d’excuses à ce sujet. L’accord qui lie le Web Summit à la ville a une durée de trois ans, avec prolongation possible pour deux années supplémentaires. Le choix de Lisbonne, choisi à l’époque face à Amsterdam, s’est justifié par son bon niveau d’infrastructures, sa réputation d’hospitalité et le dynamisme de son écosystème start-up et Tech.

La capitale portugaise est d’ores et déjà sur les rangs pour les éditions 2019 et 2020, comme le Président de la République du Portugal l’a confirmé avec force enthousiasme en clôture de l’événement. Le ministre de l’Économie Manuel Caldeira Cabral a estimé son impact direct sur l’économie à 250-300 millions d’euros (restauration, hôtellerie…) pour cette année – sans parler des effets sur l’écosystème Tech local. On comprend alors la motivation des autorités à conserver la conférence, malgré la boulette de fin de parcours.

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