Les projets Hyperloop et Elon Musk
Par Olivier Ezratty, expert FrenchWeb
SpaceX réussissait le 6 février 2018 le lancement de sa nouvelle fusée à forte capacité d’emport Falcon Heavy, avec le retour sur Terre de ses boosters sans encombre comme SpaceX sait le faire depuis deux ans. La cerise sur le gâteau était la vue d’une Tesla Roadster dans l’espace, placée dans la coiffe de la fusée et dévoilée une fois la fusée hors de l’atmosphère, et dans l’ambiance de la chanson Starman de David Bowie (le son ne se propageant pas dans l’espace…). Il y avait donc de quoi s’extasier sur la performance technique du lancement et de sa symbolique. Avec à la clé, une avancée dans la conquête de Mars puisque Falcon Heavy doit servir à envoyer hommes et matériels sur la planète rouge. La seule anicroche du lancement a été la perte du premier étage de la fusée qui n’est pas revenu à bon port sur sa plateforme marine de récupération.
Tesla comme SpaceX sont des business presque “classiques”. Ce sont des méga-startups d’un serial-entrepreneur qui bénéficient d’ailleurs d’une aide fédérale US significative sous des formes diverses. Rien qu’en 2015, elles avaient été estimées à environ $5B. SolarCity est de son côté une filiale de Tesla qui déploie aux USA des panneaux solaires dans le tertiaire et l’habitat. SpaceX collabore avec la NASA qui est l’un de ses principaux clients. La fusée Falcon 9 sert depuis quelques temps à approvisionner la station ISS. Son premier étage est réutilisable depuis environ un an grâce à son étonnante capacité à revenir sur Terre et à y atterrir verticalement avec une précision d’à peine quelques mètres. Et, c’est moins connu, SpaceX bénéficie aussi de l’utilisation de brevets de la NASA dont une bonne partie sont maintenant dans le domaine public. SpaceX valorise donc aussi de la recherche d’origine publique aux USA.
Mais ce n’est pas l’objet de ce papier. Elon Musk est aussi à l’origine des projets de transports futuristes Hyperloop. Ils relèvent d’un tout autre business model bien plus original que ceux de Tesla et SpaceX. L’idée de créer un moyen de transport rapide dans un tube à basse pression, sur coussin d’air, avec suspension magnétique et un véhicule à très grande vitesse est très ancienne (Georges Venger, 1812). Elle a été relancée en 2013 par Elon Musk, via la publication du document Hyperloop Alpha en aout 2013. Ce “concept paper” qui fait juste 57 pages est un plan technologique et économique moyennement détaillé. Il décrit d’abord le besoin de disposer d’un moyen de transports économique, rapide, non polluant, entre villes, à des distances allant jusqu’à 1500 kilomètres, pour être compétitif face au transport aérien. Puis il décrit sa solution technique et ses aspects économiques, à la louche.
Dans le détail, il s’agit d’utiliser des tubes en extérieur, montés sur pylônes, et de transporter 28 passagers dans des pods dotés d’un ventilateur à l’avant pour expulser l’air arrivant devant le pod derrière lui, pour égaliser la pression dans le tube, puis de les propulser avec des rails d’accélération magnétiques linéaires à induction sur 1% de la distance, tous les 100 km. La vitesse maximale serait aux alentours de 1100 km/h, donc juste en-dessous de la vitesse du son qui est de 1 192 km/h. L’intérieur des tubes comprend de l’air à basse pression pour limiter sa résistance au déplacement des pods. Les tubes montés sur pylônes évitent de creuser des trous avec des tunneliers. Des joints de dilation permettent de supporter les variations de température et les pylônes sont dimensionnés pour résister aux tremblements de Terre. Il faut installer deux tubes parallèles, un par sens, comme pour les chemins de fer !
Une partie de l’énergie est censée provenir de panneaux solaires placés à l’extérieur du tunnel sur toute sa longueur, ce qui supposerait s’installer un sacré câblage pour diriger le courant vers les infrastructures et les stations de recharge des poids. Le plan d’Elon Musk ambitionnait de faire le trajet Los Angeles-San Francisco en demi-heure. Ce système permettrait de transporter 7,4 millions de passagers par an pour $20 par trajet dont l’évaluation semble assez fantaisiste car elle n’intègre pas toute la structure de cout du projet. Le tube est résistant aux intempéries ce qui n’est pas le cas du rail. Dans le détail, le gain de temps serait moindre qu’affiché car les gares ne seraient pas en centre ville contrairement au TGV et il faudrait les rejoindre avec un moyen de transport traditionnel bien plus lent dans des banlieues encombrées.
Le projet Hyperloop imaginé par Elon Musk ambitionnait au départ de concurrencer le train à grande vitesse qui était à l’époque à l’état de projet entre les deux métropoles californiennes. Les voies et infrastructures de ce TGV californien sont actuellement en construction. Le budget de ce TGV californien est évalué à $64B. Elon Musk évaluait le budget de son équivalent Hyperloop à moins de $7B. Mais ce budget avait été sérieusement sous-estimé d’après diverses analyses ! Un peu comme celui de nombreuses startups ou de grands projets du BTP.
Le California High Speed Rail (CAHSR) doit rouler jusqu’à 350 km/h. Sa construction qui a démarré en 2015 doit se terminer en 2029 ce qui fait un sacré bail. Le TGV sera opéré par la branche services de la Deutsches Bahn. La Deutsche Bahn Engineering & Consulting est d’ailleurs aussi impliquée dans Hyperloop One ! Les trains eux-mêmes n’ont pas été encore officiellement choisis et donnent lieu à une âpre bataille pour éviter les incantations du “Made in America” qui étaient déjà en vigueur sous Barack Obama. Le problème étant qu’aucun industriel américain ne maitrise la construction de TGV. Il leur faut donc faire appel à des Allemands, Français, Coréens ou Japonais et avec des deals intégrant un assemblage aux USA. Ce qui ne serait pas le cas avec des Hyperloop !
Dans la pratique, le projet d’Elon Musk est un concept. Il est ouvert et réutilisable par n’importe quelle organisation privée ou publique. Cela explique la multiplication des projets d’Hyperloop à en perdre son latin. Il existe même des projets universitaires d’Hyperloop ! C’est devenu un jeu d’étudiants comme le sont les robots humanoïdes, notamment dans le cadre de la compétition Hyperloop Pod Competition lancée par SpaceX. Début 2017, 35 finalistes d’un autre concours, l’Hyperloop One Global Challenge, avaient été sélectionnés.
Un détail a cependant pu échapper à notre attention : aucun de ces projets n’est géré ou financé directement par Elon Musk ! Ce dernier a ainsi externalisé la réalisation et le financement de son projet de transport le plus ambitieux, ne serait-ce qu’au niveau des interdépendances qui sont plus grande que pour construire des véhicules électriques ou des fusées. C’est très fort car tout le monde associe Hyperloop à Elon Musk ! C’est une forme d’innovation plutôt rare ! Genre, j’ai une idée assez far fetched, et j’encourage d’autres entrepreneurs à se lancer tête baissée dans sa réalisation.
Et ces projets ne manquent pas ! Passons les donc en revue ! Et notamment pour positionner celui de ces projets qui s’est installé à Toulouse. Cet article est une version plus détaillée des deux pages sur Hyperloop qui sont dans le Rapport CES 2018. Je m’étais dit que cela valait la peine de creuser un peu plus la question !
Virgin Hyperloop One
Le plus important et le mieux financé des projets Hyperloop est Virgin Hyperloop One (2014, $276M). Son cofondateur est l’Irano-Américain Shervin Pishenar. Il avait suggéré à Elon Musk de publier son papier sur Hyperloop. Il intervenait dans la conférence Leade.rs de Paris en avril 2017, ci-dessous, interviewé par Roxanne Varza de Station F, elle aussi d’origine iranienne.
Cette société a construit une première plateforme de test au nord de Las Vegas qui a été testée avec succès en juillet 2017 à 310 km/h sur 437 mètres et qui atteignait 387 km/h en décembre 2017. Le tout dans un tube à une pression équivalente à un millième de celle de l’atmosphère terrestre. Le tout, grâce un moteur à induction linéaire doté d’un stator de 300 mètres le long du parcours. Le résultat est assez probant (vidéo). Les tubes de test sont en métal et sont construits sur une longueur de 500 mètres.
La société a des projets de déploiement d’Hyperloop One un peu partout dans le monde, aux USA, en Suède, aux Emirats, en Finlande, aux Pays-Bas et même en Inde. La SNCF a investi dans le projet pour une part d’un investissement de $80M avec une quarantaine d’autres investisseurs parmi lesquels on compte aussi le fonds français Partech Venture. La SNCF prend ainsi une option sur une technologie qui pourrait à terme remplacer le TGV (mais, dans l’immédiat, il serait bon que les trains d’aujourd’hui fonctionnent bien, tout comme la signalisation…). Hyperloop est en effet séduisant au premier abord. L’un de ses avantages est qu’il minimise les travaux de maintenance ! Le trajet dans des tubes doit résister aux intempéries. La neige récente montre que le rail résiste moins bien aux intempéries. Cela suppose qu’une neige épaisse et du verglas ne s’accumulerait pas dangereusement au-dessus des tunnels d’Hyperloop.
Enfin, l’arrivée de Virgin dans le capital d’Hyperloop One en octobre 2017 a conduit à ajouter le nom de la société de Richard Branson en devanture ! On sent une professionnalisation de la communication autour du projet, comme dans cette conférence d’octobre 2017 (vidéo).
Les premiers systèmes sont censés être opérationnels en 2021, une date évidemment un peu floue, encore plus que les délais de livraison des Tesla Model 3 ou du camion électrique autonome Tesla Semi. On en reparlera à ce moment là ! Une maquette en grandeur réelle du véhicule d’Hyperloop One était d’ailleurs exposée en extérieur au CES 2018 de Las Vegas début janvier, ci-dessous. Et sans entrée d’air apparente ! Ce qui veut dire que les expérimentations font face à la limite de Kantrowitz. A savoir qu’un véhicule dans un tunnel ne peut dépasser une certaine vitesse du fait de l’air qui se comprime devant lui. D’après The limits of Hyperloop publié par Ivan Rivera en février 2018, le véhicule de test d’Hyperloop One dit XP1 ne pourrait pas dépasser 677 km/h en vitesse de croisière. Pour contourner ce problème, il faut soit avoir un tunnel bien plus large, ce qui le rendrait plus couteux et embarrassant, soit réduire encore plus la pression au sein du tunnel, soit intégrer un compresseur devant le pod, dont la faisabilité technique n’a pas encore été démontrée.
La maquette du CES 2018 était positionnée à côté du stand de HERE, cette société issue du rachat de Navteq par Nokia et cédée en 2015 à un consortium de constructeurs automobiles allemands. HERE annonçait développer le service utilisateur d’Hyperloop One, notamment pour la réservation des voyages et le divertissement à bord (vidéo). HERE ambitionne au passage de cartographier minutieusement les villes, à l’extérieur comme à l’intérieur des bâtiments.
Comme le projet d’Hyperloop en Californie semble en rade, Hyperloop One est allé chercher ailleurs des endroits où déployer son moyen de transport. En octobre 2017, un avant-projet était annoncé en Inde dans l’Etat de Karnataka où se trouve Bengalore. En décembre, un autre avant-projet était annoncé à Dubaï, piloté par McKinsey et le cabinet d’architectes danois Bjarke Ingels Group (BIG). Un autre projet serait prévu en Suède. Aucune date de début des travaux pour ces divers projets n’a été annoncée et donc a fortiori pour la mise en service de ces Hyperloops. Hyperloop One est donc encore largement à l’état du prototypage et avec des budgets extrêmement limités. Les budgets alloués par les villes concernées sont des budgets de pré-étude, pas des budgets de réalisation. Et pour cause puisque ceux-ci se comptent en milliards d’Euros si ce n’est en dizaines de milliards, budgets qui ne sont pas faciles à obtenir, même par la puissance publique.
Hyperloop Transportation Technologies
L’Américain Hyperloop Transportation Technologies (2013, $100M) est le second projet commercial Hyperloop en termes de financements. Ce projet se positionne comme étant communautaire. Il est sorti de l’incubateur et plateforme de financement participative californienne JumpStartFund. Il fait appel à une centaine de contributeurs qui n’y travaillent pas à temps plein. Un projet d’expérimentation dans un tunnel de 7 km en Californie était initialement prévu.
Chaque projet Hyperloop fait des choix technologiques variés autour du point de départ d’Elon Musk. HTT prévoit d’utiliser une suspension magnétique passive pour ses pods, avec des aimants permanents dans les pods et des bobines conductrices dans les tunnels en lieu et place de moteurs linéaires. L’histoire ne dit pas quel serait l’impact de ces aimants sur les produits électroniques transportés par les passagers ! Les pods feront 30 mètres de long avec une capacité de 28 à 40 passagers.
Le projet a fait parler de lui en France début 2017 après l’annonce de la création d’un centre de recherche européen à Toulouse. Ce centre installé sur l’ancienne base aérienne de Francazal permettra de créer une piste d’essai d’un kilomètre. Le centre devrait occuper 50 personnes. HTT a annoncé un investissement de $40M sur 5 ans. Les travaux sont censés démarrer début 2018. D’autres ressources européennes sont mises à contribution dans le projet comme la société espagnole spécialisée dans l’aérospatial Carbures SA qui fabriquera les matériaux composites de la structure des pods.
La structure du financement du projet est un peu alambiquée. Les $100M annoncés se décomposent en $31,8M en capital, $26M en nature pour le temps passé par ses contributeurs qui ne sont pas rémunérés, $22M pour des terrains de tests obtenus gracieusement et $29M d’investissements non précisés, essentiellement en pro-bono par différents industriels. Cala semble un peu rock’n’roll comme mode de financement !
Hyperloop Transportation Technologies a signé un contrat d’étude de faisabilité avec un autre Etat Indien, celui d’Andhra Pradesh, au Centre-Est du pays, en septembre 2017. Mais les délais semblent s’accumuler naturellement autour de ce projet (ci-dessous, source).
HTT a aussi signé un accord de transfert technologique avec la Corée du Sud ainsi qu’un contrat d’étude avec l’Indonésie, Abu Dhabi et la Slovaquie. Cette affaire a l’air de permettre de vendre des contrats de conseil à des pays qui ont les yeux plus grands que le ventre !
Le CEO d’HTT, Dirk Ahlborn, annonçait à Davos en janvier 2018 être sur le point de signer un contrat avec une ville. Vous pouvez voir sa présentation au congrès de la Smart City de Barcelone en décembre 2017 (vidéo) qui reste au niveau des généralités.
Comme l’évoque David Pring-Mill dans History Suggests the Hyperloop Is an Uncertain Promise for Future Cities en décembre 2017 dans SingularityHub, ces projets d’infrastructure grandiloquents aboutissent rarement et lorsque c’est le cas, ils dépassent de loin les budgets prévus. Je suis donc des plus réservé sur l’issue industrielle d’HTT.
Arrivo Loop
Arrivo Loop est une startup de Los Angeles qui rêve d’éliminer les embouteillages. Cela se comprend bien au vu de la situation catastrophique de la mégalopole.
Un projet est prévu à Denver avec qui un contrat aurait été signé en novembre 2017. Le principe est voisin des trains à lévitation magnétique Maglev opérant au Japon et en Chine. Le fondateur est un ancien d’Hyperloop One.
La vidéo de la startup n’explique pas bien à quoi ressemble ce moyen de transport. Et pour cause, il a été modifié au gré du projet. Le système de transport sans tube utiliserait une piste électromagnétique construite en parallèle des grands axes routiers et supporterait des véhicules transportant les voitures. Le tout permettant d’atteindre 320 km/h. Ce moyen de transport cible les trajets de courte distance dans les villes et les trajets vers les aéroports.
Un lancement est prévu pour 2021 ou 2022, plus tard ou jamais. Une piste d’essai devrait être construite le long de la highway E-470 qui contourne l’est de Denver du Nord au Sud et passe par l’aéroport. Avec une enveloppe de départ de $10M, ce qui a l’air d’être une vaste plaisanterie. Le projet a été lancé par Brogan BamBrogan qui faisait partie des fondateurs d’Hyperloop One. Ces projets qui se multiplient à l’infini semblent donc être aussi des guerres d’égo !
DGWHyperloop
L’Indien DGWHyperloop (2016) envisage de relier Delhi à Mumbai, ce qui nous fait un troisième projet d’Hyperloop en Inde. Son financement est inconnu. C’est donc un projet très hypothétiquement positionné dans un futur extrêmement lointain situé après les Calendes Grecques !
Compte-tenu de l’état des infrastructures indiennes et surtout de leurs trains, j’ai en effet de gros doutes sur le sérieux de ces projets. Ce genre de pays peut probablement engager un saut quantique pour faire progresser ses infrastructures, mais l’Inde ne nous y a pas encore habitués. Qui plus est, les transports en Hyperloop sont positionnés économiquement sur une clientèle plutôt aisée pour qui le temps est de l’argent, même si les prix de trajets affichés sont séduisants. Or ces prix sont complètement fantaisistes et destinés à lancer les projets. Ils n’intègrent pas l’ensemble de la structure de cout des projets et de leurs opérations.
HyperCharriot
L’Américain Hypercharriot est un projet qui ambitionne de créer des Hyperloop allant à une vitesse de plus de 6000 km/h et seraient alimentés entièrement par des panneaux solaires montés sur l’extérieur des tunnels.
Un pilote est prévu pour 2031, dénommé « Velocirator » et un lancement commercial en 2040. Après la singularité de l’IA Kurzweilienne et l’hypothétique arrivée de l’Homme sur Mars, c’est dire si c’est loin ! Je ne donne pas plus cher de ce projet que du précédent.
HARDT
Voilà un autre projet d’Hyperloop, cette fois-ci lancé par des étudiants de l’Université de Delft aux Pays Bas. Il a bénéficié d’un peu moins d’un million de dollars de financement. De quoi lancer quelques tests dans un tube de 30 mètres de long !
Au vu de ce genre de projet, l’inflation des startups d’objets connectés françaises sur Eureka Park est finalement des plus raisonnable !
Transpod
Le Canadien Transpod (2015, $15M) a un Français comme CEO, Sébastien Gendron. La société a l’air de se positionner plus comme un bureau d’études sur les Hyperloop que sur une société verticalement intégrée mais il est déjà engagé dans des travaux à Calgary au Canada. Le principal investisseur est l’Italien Angelo Investments. Transpod réalise sa R&D en relation avec d’autres participations de cet investisseur, Blackshape (un constructeur d’avions de plaisance), MERMEC (une société italienne spécialisée dans les infrastructures ferroviaires) et SITAEL (qui fait de la R&D dans le spatial).
Le projet vise à créer des Hyperloop faisant leur trajet à 1000 km/h et avec une accélération magnétique dans des tubes sous vide, avec des pods cylindriques équipés d’un système absorbant l’air à l’entrée pour l’éjecter en sortie. C’est donc un projet dans la lignée de celui d’Elon Musk. Il ambitionne de se distinguer des autres Hyperloop grâce à une infrastructure de support des tubes qui serait moins couteuse (ci-dessous). Comme nombre des autres projets d’Hyperloop, celui-ci prévoit de transporter aussi bien des passagers que des marchandises. Il n’a pas pour l’instant été vendu comme avant-projet à une ville ou un pays.
Transpod serait en discussion pour installer un centre d’essai à Limoges. Avec un investissement total de $20M, la moitié devant être fournie par les collectivités locales et partenaires privés locaux. Avec à la clé, des “retombées locales”. L’idée ensuite étant de créer un Limoges-Paris. On croit un peu rêver en lisant cela !
La liste de ces projets est en fait interminable. Il y a aussi le projet Espagnol Zeleros lancé fin 2016 avec à ce jour un bien maigre financement de $150K, donc pas loin du projet d’étudiants, et un projet du Korea Railroad Research Institute (KRRI) financé à hauteur de $50M, donc tout juste de quoi démarrer un petit tunnel d’essais.
Les Chinois ne sont pas en reste. La China Aerospace Science and Industry Corporation annonçait aussi en aout 2017 le développement de son propre Hyperloop (sans le nommer ainsi), le T-Flight, qui irait à 1000 km/h voire même 4 000 km/h, ce qui est évidemment sujet à caution et assez fantaisiste. Même si la société qui le porte emploie 150 000 personnes et fait $30B de chiffre d’affaire.
The Boring Company
L’inaction d’Elon Musk dans toute cette histoire est un peu exagérée. L’une de ses sociétés, The Boring Company, créée en 2016, se positionne dans le creusement de tunnels, certains pouvant servir à la création d’Hyperloop. Il se retrouve ainsi dans la position métaphorique du vendeur de pelles et de pioches d’une nouvelle ruée vers l’or. Il a même obtenu le droit de percer divers tunnels, dont un sur la côte Est des USA à Baltimore. Dans le même temps, The Boring Company commercialisait 20 000 lance-flammes début 2018 ce qui n’est pas forcément du meilleur gout ni un témoin d’un bonne focalisation sur ses projets clés.
The Boring Company cherche aussi à faire évoluer les techniques de percement de tunnel pour en réduire le coût. Cela passe notamment par des tunnels plus petits, plus faciles à percer avec des tunneliers, l’un des avantages des Hyperloop (pour peu que la limite de Kantrowitz soit gérée). Ces tunnels pourraient servir à des Hyperloops ou des variantes pour le transport de voitures, mais dans un scénario qui frise le fumage de moquette même s’il peut avoir du sens avec des véhicules entièrement autonomes (vidéo de promotion et vidéo TED d’Elon Musk sur le sujet en mai 2017). Elon Musk est atteint comme l’était Steve Jobs du syndrome de distorsion de la réalité. C’est pour cela qu’il est apprécié, qu’il est qualifié de génie et qu’il remue les lignes.
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Mon petit doigt me dit que pas mal de ces projets vont subir le sort du fameux aérotrain de Bertin en France dans les années 1970 : créer des musées technologiques en béton ! Les projets pharaoniques et abandonnés de transports du futur ont été légion depuis plus d’un siècle. Au vu des niveaux de financement, Hyperloop One semble être celui qui est le plus sur les rails, si l’on peut dire puisqu’il cherche à les éviter !
Les projets Hyperloop sont encore très incertains d’un point de vue technologique et économique. Sans compter le confort des passagers dont il est difficile d’évaluer le niveau, notamment dans les courbes, tout comme la sécurité du système en cas d’avaries. Dans la pratique, la vitesse des pods est telle qu’il faudra aller tout droit. Or, à part dans le désert australien, il est rare qu’il soit possible de construire de telles infrastructures toutes droites sans grands travaux. Ou alors, il faudra aller sous terre et cela coutera bonbon. De plus, comment les passagers seraient-ils évacués en cas de panne ou de blocage mécanique des pods ? Enfin se pose la question du débit de passagers. La capacité en passagers/an est lissée dans le temps alors que dans la pratique, elle doit être concentrée dans les heures de pointe. Cette capacité serait augmentée en espaçant les pods de 30 secondes ce qui poserait d’autres problèmes en termes de régulation, de sécurité et d’architecture des terminaux pour supporter l’embarquement et le débarquement des passagers qui serait bien plus long que 30 secondes dans la pratique.
Au final, nombre de ces projets devront probablement réviser leurs ambitions à la baisse pour être viables technologiquement et côté sécurité, et donc baisser la vitesse des pods comme leur fréquence. Ils seront installés dans des zones faiblement urbanisées et sur des terrains à faible déclinaison. Bref, sur du plat, ce qui limitera sérieusement le choix d’implantations ! Il en va ainsi du TGV qui a roulé à une vitesse record de 574 km/h mais dont la vitesse commerciale ne dépasse pas 320 km/h. Avec ces changements de paramètres, leur équation économique sera probablement très différente de celle qui est annoncée dans les plans.
Le temps a une valeur perçue bien plus grande pour les gens aisés et qui doivent se déplacer fréquemment pour leur travail. D’où leur envie de financer ce genre de projets qui servent à gagner du temps. Quel qu’en soit le prix et notamment le bilan environnemental et énergétique global ramené à chaque passager transporté. Ces préoccupations sont assez éloignées du commun des mortels sur Terre. Le temps n’a pas la même valeur selon son pouvoir d’achat. C’est pour cela que certains voyages dans des avions privés, des hélicoptères ou des voitures avec chauffeur. C’est une grande question pour les projets Hyperloop : ont-ils la capacité à devenir de véritables moyens de transports pour le grand public ou leur structure de couts et de dimensionnement les réserveraient-ils à une clientèle élitiste ?
Ces aventures des plus hasardeuses autour du concept Hyperloop lancé par Elon Musk peuvent cependant avoir un impact massif pour peu que les technologies correspondantes soient vraiment démocratisables et que des villes ou pays aillent jusqu’au bout de ces paris. C’est bien ainsi que le Shinkansen est né au Japon dans les années 1960 ou le TGV en France dans les années 1970 pour être mis en service en 1981, la même année que l’arrivée des IBM PC, soit la préhistoire technologique ! Il faut toujours être un peu plus dingue que son temps pour innover !
L’expert:
Olivier Ezratty est consultant et auteur. Il conseille les entreprises pour l’élaboration de leurs stratégies d’innovation, et en particulier dans le secteur des objets connectés et l’intelligence artificielle. Très actif dans l’écosystème des startups qu’il accompagne comme consultant, advisor, conférencier et auteur, il est apprécié pour les articles fouillés de son blog Opinions Libres dans des domaines très divers. Il y publie le « Guide des Startups » ainsi que le « Rapport du CES de Las Vegas » chaque année depuis 2006. Olivier est expert pour FrenchWeb qui reprend de temps à autres la publication des articles de son blog.
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Ce qui est passionnant dans ce projet, c’est justement le foisonnement d’initiatives. Je ne crois pas vraiment à Hyperloop. Les suisses ont tenté l’affaire avec Swissmétro et ont abandonné. Mais on peut estimer qu’il y aura des retombées, sans soute inattendues.
Ce qui est gênant, c’est que la SNCF n’ait pas la foi, l’audace, le côté chien fou d’un Elon Musk. plutôt que de mettre son argent dans ce projet, qu’elle peut suivre de loin, il sera toujours temps de s’y mettre, elle n’ose pas elle aussi lancer des projets autour du rail. Depuis le TGV, avec ce Pépy plus suiviste et conformiste qu’innovateur, elle n’a plus rien inventé.