[Made in Suède] Les secrets de Stockholm pour attirer et garder ses talents: analyses de Français expatriés en Suède
Par Erwan Derlyn, correspondant FrenchWeb
Le rapport 2018 de l’Index mondial compétitivité et talents (GTCI) a récemment placé
Stockholm en deuxième position des villes les plus attractives au monde pour l’attraction et
la rétention de talents. Paris, première ville Française au classement à la 9ème place, est
fortement distancée.
Ce mois-ci pour FrenchWeb, j’ai décidé d’interroger des Français basés à Stockholm et qui
travaillent dans l’univers des start-up, afin d’essayer de percer les secrets qui font de la
capitale suédoise une ville si accueillante et où il fait bon s’installer.
La Suède excelle en matière de développement, d’attraction et de rétention des talents (photo: © GTCI 2018)
Des facteurs liés aux valeurs et caractéristiques fondamentales de Stockholm et de la Suède
«D’abord la qualité de vie avec notamment l’osmose ville-nature, 70% des habitants de
Stockholm habitent à 200 mètres d’un parc, 90% à 300 mètres, l’eau est si propre qu’on
pêche en plein centre historique ! Stockholm dispose également d’un grand choix d’activités
culturelles, pédagogiques et sportives à portée de main et souvent peu coûteuses ou
gratuites. La capitale suédoise assiste à une envolée de la culture culinaire et
gastronomique depuis ces dix dernières années (Stockholm a désormais son premier trois
étoiles au Michelin).
Il y a aussi l’équilibre vie professionnelle-vie familiale: partir plus tôt de son travail pour aller
chercher ses enfants à l’école, être en congé pour garder s’occuper de ses enfants malades,
ou prendre un long congé parental sont des acquis pour les femmes et les hommes, et ne
sont pas remis en question.
Au niveau professionnel, le marché du travail est très dynamique, notamment dans le
secteur de l’innovation et des hautes technologies avec des sociétés leaders comme
Spotify, Klarna or Yubico et une recherche leader au Karolinska Institutet, mais aussi dans le
secteur des services et de la restauration, qui sont en pleine expansion.
Pour moi, à Stockholm, on bénéficie de tous les avantages d’un grande métropole, mais
avec une tranquillité et une qualité de vie supérieure.»
Marlène Sellebråten, Digital Communications and Content Manager à Invest Stockholm
Une vie professionnelle qui peut se faire entièrement en anglais
«Avec un focus tourné vers le marché international qui autorise souvent à garder des liens avec ses origines, et aussi permet à de nombreux expatriés de se considérer non pas habitant d’une province Suédoise, mais d’un quartier d’une capitale mondiale, un peu excentrée et froide certes, mais parfaitement connectée. Pourtant, une vie professionnelle qui n’est pas tout. Travailler à Stockholm est aussi la promesse d’un avenir financier favorable, d’une vie familiale possible (et encouragée), de soins médicaux de qualités et d’une éducation supérieure gratuits pour ses enfants.»
Paul Medrano, Head of Growth à Instabridge
Une société à l’horizontale qui favorise l’échange et l’innovation
«L’un des facteurs importants qui fait de la Suède un bassin attractif pour les talents dans le monde est selon moi culturel. Le travail d’équipe et la collaboration sont des valeurs fortes dans ce pays et sont également propices au développement de startups qui ont souvent une structure hiérarchique horizontale. L’idée de rejoindre une entreprise où il y a de la cohésion, où le statut à moins d’importance et l’on est entendu attire de nombreux talents.»
Naima Yosef, Tech Recruiter à A3J Consulting
Un accélérateur de carrière dans un cadre propice au développement personnel
«En quittant la France, mon souhait était simplement de travailler dans le développement Web, de préférence Frontend. La première société avec qui j’ai pris contact m’a recruté en tant que développeur Full-Stack. Bien que je n’avais pas l’expérience pour ce rôle, cette start-up m’a fait confiance et m’a donné le temps de faire mes preuves.
Je suis ensuite passé sur un poste de manager dans une autre start-up, suivant le même principe de confiance. J’ai été recruté sur mes capacités à intégrer un rôle dans la durée, plutôt que sur mes acquis. J’ai le sentiment que jamais je n’aurais pu évoluer de cette manière en France. Vivre et travailler à Stockholm est très agréable. Depuis mon arrivée ici, mon niveau de vie à grandement évolué. J’ai la chance de travailler dans le centre, et de faire tous mes déplacements à pieds au quotidien.
Professionnellement, personne ne regarde sur vos horaires, il n’est pas rare de voir des personnes quitter le travail à 15h un Vendredi. C’est important pour la culture suédoise de respecter l’équilibre entre la vie de famille et la vie professionnelle. La culture suédoise est par défaut, ouverte à la différence. Bien que motivé à apprendre la langue, je n’ai jamais eu de problème dans la vie de tous les jours en parlant anglais. Au sein de l’entreprise, on rencontre des personnes venues du monde entier. Chacun s’adapte à la culture de l’entreprise, tout en étant incité à garder sa propre personnalité. C’est ce mélange qui crée une forte richesse intellectuelle et relationnelle.»
Thomas Morice, Lead Web Developer à Natural Cycles
Des start-up tournées vers l’international
«Je suis arrivé à Stockholm en 2006 après avoir passé 2 ans à Barcelone. Ce qui devait être une histoire de quelques mois s’est transformée en ma nouvelle vie. Très rapidement j’ai réalisé que mon (très) faible niveau de suédois n’allait pas être un énorme problème sur le marché du travail.
Contrairement aux startups d’autres pays qui se focalisent sur le marché local en priorité, les startups suédoises sont obligées de se tourner vers l’international dès leurs créations. En un peu plus de 10 ans, j’ai travaillé pour 7 employeurs différents et pas un d’entre eux ne requiert le suédois. Le revers de la médaille est que cela prend plus de temps à maîtriser cette langue scandinave qui au final est plus difficile à utiliser qu’à apprendre…»
Arnaud Caillot, Online Acquisition Manager à Soundtrack Your Brand (Spotify Business)
Un pays innovant et accueillant, mais…
«La Suède est en tête de tous les classements des «meilleurs endroits où il fait bon vivre», que ce soit pour la santé, la nature, l’égalité des sexes, l’ouverture d’esprit … et maintenant, elle est également au top pour l’innovation et la technologie. Avec mon partenaire chilien, nous étions à la recherche d’un pays où nous pourrions continuer à se développer professionnellement dans le secteur des nouvelles technologies, en anglais et où nous serions au cœur de l’innovation.
Au Chili, nous occupions chacun une position de manager, mais notre travail consistait plutôt à copier ce qui marchait à l’étranger plutôt que d’innover nous-mêmes. Nous avions bien sûr entendu parler de l’hiver froid et de la timidité des suédois mais ce n’était pas une préoccupation majeure en comparaison avec les autres bons cotés du pays.
La réalité s’est avérée un peu plus compliquée: plus de la moitié des emplois technologiques vous demandent de parler suédois, et la concurrence est très rude pour ceux en anglais. Donc, finalement, c’est comme dans n’importe quel autre pays où l’on arrive avec un désavantage : suivez votre instinct, allez y au culot, faites du porte à porte, assistez à des événements et envoyez des candidatures spontanées.
Pour le reste: en effet, Stockholm est un endroit où il fait bon vivre et où l’innovation est reine: calme et froid mais avec beaucoup de meetups, d’incubateurs mais aussi de salles de sport et idéal pour les amateurs de grand air.»
Hélène Billaud, Campaign manager à Infunnel
Un écosystème qui inspire et encourage à la réussite
«Je pense que Stockholm est une ville attractive du fait de la présence de nombreuses start-up innovantes, les fameuses licornes suédoises telles que King, Mojang, Spotify, TrueCaller, iZettle, etc.
Mais aussi grâce à des salaires compétitifs et un système économique et social connu pour être stable. Il n’est donc pas étonnant que de nombreux entrepreneurs s’établissent à Stockholm pour essayer d’atteindre le marché international.»
Christelle Arnaud, Lead Localization Manager à Spotify
Recruter et garder les talents, une nécessité pour les start-up Suédoises
«Stockholm souffre d’un gros manque de développeurs et la concurrence pour attirer les talents est donc très intense. Beaucoup de start-up recrutent à l’étranger en utilisant des sites de recrutement à visibilité globale comme Stackoverflow ou LinkedIn.
À Oneflow, sur 8 développeurs, 5 sont étrangers en provenance d’Allemagne, Malaisie, Brésil, Portugal et Inde. Après avoir discuté avec mes collèges, la qualité de vie (peu de stress, court trajet maison/travail grâce au bon maillage de transport en commun, ville à taille humaine), la culture d’entreprise (after-work, organisation horizontale) et la maîtrise de l’anglais reviennent souvent comme principales raisons de l’attractivité de Stockholm.»
Christophe Baraër, Head Of Product Management à Oneflow
Ces propos, bien que recueillis sur un échantillon limité de la population suédoise, convergent entièrement avec mes impressions et mon analyse sur l’innovation. Force est de constater que le succès du modèle suédois provient en grande partie d’abord de valeurs profondément ancrées dans la culture et le mode de vie de ses habitants.
Pour les autres pays comme la France, qui cite souvent le suède comme exemple, il ne s’agit donc pas d’essayer de dupliquer ce modèle mais de s’en inspirer en prenant en compte les caractéristiques uniques de son histoire, de sa population, et de ses ambitions.
Le correspondant:
Erwan Derlyn, est consultant en stratégie digitale pour start-up.
Expat Français, basé en Suède depuis 2008, Erwan a commencé sa carrière en agence avant de rejoindre la start-up iZettle entre 2013 et 2016.
Aujourd’hui indépendant, il travaille avec certaines des entreprises à la croissance la plus rapide en Europe dans la FinTech, la musique, la mode, le design, et la santé.
Erwan Derlyn est le correspondant FrenchWeb de Stockholm. Chaque mois, il presente des start-up de la région et commente l’écosystème dynamique de la capitale Suédoise.
Crédit photos : Unsplash par le photographe: Jon Flobrant