La transformation du business model à l’ère digitale
Par Grégory Pouy, expert FrenchWeb
Eric Ducournau est le PDG du groupe Pierre Fabre Dermo-Cosmétiques et par conséquent, sa vision de la transformation du business model à l’ère digitale est nécessairement intéressante.
Cette partie du groupe Pierre Fabre représente 1,4 milliards d’Euros de Chiffre d’Affaires (dont 70% à l’international)Apple-converted-space »> avec des marques comme Avène, Klorane, Galénic, Ducray ou encore René Furturer par exemple.
Ce que j’ai toujours apprécié chez Eric Ducournau, c’est sa proximité, sa compréhension des challenges sans « digital washing » mais aussi son suivi très opérationnel mais je vous laisse en juger bien sur.
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La transformation digitale est d’abord culturelle
À l’heure ou L’Oréal annonce une acquisition majeure (Modiface) autour de la réalité augmentée et de l’intelligence artificielle, Eric Ducournau du groupe Pierre Fabre mise surtout sur l’humain, les racines de l’entreprise et l’innovation pour le service au clients.
Les 2 groupes étant difficilement comparables néanmoins que ce soit par la taille ou par la philosophie.
Comme le rappelle Eric Ducournau, au sein du groupe Pierre Fabre, on écoute beaucoup les 8 000 collaborateurs, d’autant plus que chaque marché est très différent l’un de l’autre.
On y reçoit également beaucoup les partenaires (pharmaciens, médecins…) qu’ils écoutent également avec attention afin de mieux comprendre les besoins du terrain.
La revendication du groupe est d’être beaucoup plus terrien, c’est sans doute pour cela que la marque possède son siège en province car cela donne une culture particulière au groupe.
Finalement, dans ce monde hyper communicant, la différence de Pierre Fabre se veut d’être plus authentique.
Afin de décloisonner, fluidifier les échanges et de générer plus de collaboration, ils ont également modifié l’espace de travail en s’inspirant largement des espaces de « co-working ». Ainsi, les collaborateurs peuvent accéder au wifi à l’extérieur mais aussi sur des espaces collaboratifs afin de permettre aux collaborateurs de ne pas rester derrière leur bureau toute la journée.
Selon Eric Ducournau, cela peut vraiment créer de la valeur ajoutée pour le groupe.
Ils ont également décloisonner entre les pays pour s’assurer que les pays puissent apprendre les uns des autres et en particulier, de ceux qui sont en avance dans leur digitalisation.
Des partenariats avec des start-ups plutôt que des rachats
Eric Ducournau prend l’exemple de Même, des produits cosmétiques pour les cancéreux.
Un positionnement très vertical pour cette marque créée par 2 jeunes femmes et que le groupe a décidé d’aider à se développer en prenant une part minoritaire.
Toutefois, ils portent une attention toute particulière à ne pas écraser cette petite marque par des process trop lourds mais en les aidant néanmoins dans leur industrialisation, l’accélération commerciale ou encore les visites médicales.
Dans le même temps, il est intéressant de noter comment ils apprennent de cette petite marque en particulier sur l’état d’esprit et sur la communication émotionnelle qu’ils se permettent d’avoir auprès de leurs clients.
La rentabilité des grands groupes ne peut pas fonctionner pour des marques qui viennent de naître.
Selon Eric Ducournau, il n’est pas stratégique de demander à ces dernières d’accéder à des niveaux de rentabilité comparables.
Pour lui, il faut accepter de perdre de l’argent pendant une période plus ou moins longue afin de tirer les fruits de l’investissement plus tard.
Cette notion de rentabilité et la pression des actionnaires rendent ce travail de plus en plus compliqué lors d’acquisition de petites marques par des grands groupes.
Le business model à l’ère digitale
Pierre Fabre est avant tout un industriel mais ce qui change fondamentalement aujourd’hui, c’est le fait de s’intéresser de manière beaucoup plus précise au consommateur. Finalement les groupes industriels sont passés d’un modèle B2B2C à B2C sans vraiment l’avoir cherché.
La question essentielle pour Eric Ducournau est donc bien d’intégrer les retours des consommateurs dans la création de valeur de chacune des marques.
Selon Eric Ducounau, il faut remettre en cause la hiérarchie de la création de valeurs et remettre tout le monde en capacité de créer de la valeur.
Il ne s’agit pas seulement de modifier le mode de fonctionnement mais de lâcher prise sur nos habitudes anciennes qui ne fonctionnent plus aujourd’hui.
Les marques doivent se mettre en position de risque pour gagner le challenge de la révolution liée à la transformation digitale.
D’ailleurs, pour lui, il faut nécessairement décentraliser pour réussir à relever ce challenge.
Après une période de mondialisation et de concentration des pouvoirs au siège, les marchés doivent reprendre du pouvoir pour être plus proche des consommateurs.
L’essentiel n’est plus vraiment la distribution mais plutôt d’être très en relation avec les attentes des consommateurs.
C’est toujours passionnant de parler de business model et de la vision de l’intégration du digital dans un groupe établi depuis des décennies.
Eric Ducournau nous prouve qu’on peut être établi et garder sa vélocité, que remettre en question l’ordre établi est évidemment essentiel pour réussir.
L’expert:
Grégory Pouy est le fondateur de LaMercatique, un cabinet de conseil de transformation digitale axé sur la partie marketing. Basé entre New York et Paris, il est «expert» marketing pour FrenchWeb.fr. Pour suivre ses écrits et échanger avec lui:
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