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Les perspectives du branded entertainment

Par Daniel Bô, CEO Brand Content Institute et Fondateur QualiQuanti

The One Show Entertainment réunit les meilleures opérations de branded entertainment dans le monde. En attendant le palmarès, dévoilé le 9 mai 2018 à New York, voici un portrait croisé des finalistes et une analyse de cette composante du brand content.

Le branded entertainment, c’est quoi ?

Le “branded entertainment” désigne des contenus de marque, qui empruntent aux genres du cinéma, du documentaire, de la musique ou des jeux.

Scott Donaton, auteur du livre Madison & Vine, why entertainment  & advertising industries must converge to survive, a théorisé dès 2004 le rapprochement entre :

  • Madison Avenue, temple des agences publicitaires à New York
  • Vine Street, haut lieu de l’industrie cinématographique de Hollywood.

Le branded entertainment s’impose selon Scott Donaton pour plusieurs raisons :

  • Avec le digital, le public choisit ce qu’il veut voir. Les marques ont donc besoin de produire des contenus de plus en plus désirables. Hollywood a cette capacité à raconter des histoires et à créer des expériences partagées.
  • Via le divertissement, les marques suscitent des émotions positives : plaisir, étonnement, joie, apprentissage. Elles créent des expériences culturelles et hissent leur expression au rang de produits culturels.

Les principales formes du branded entertainment sont les suivantes :

  • Les films de marque : mini-films, longs métrages, web-séries
  • Les documentaires et web documentaires
  • Les programmes TV créés par ou avec des marques
  • Les partenariats avec l’industrie musicale, dont les clips
  • Les jeux vidéo, les applis, les événements

La série de courts métrages The Hire de BMW symbolise depuis 2001 ce qu’on peut faire de mieux en branded entertainment.

The One Show 2018

The One Show Entertainment, existe aux Etats-Unis depuis 2008. Cet événement récompense chaque année des contenus de marque diffusés à la télévision ou online mais aussi des applications, des jeux, des événements, …

On peut d’ores et déjà consulter la liste des finalistes. Une partie de ces inscrits sera aux prochains Cannes Lions dans la catégorie entertainment.

La catégorie entertainment des Cannes Lions évolue sans cesse. La définition 2018 insiste sur la dimension culturelle, l’engagement authentique de la marque et intègre le sport : « Celebrating creativity that goes beyond branded communications to create authentic entertainment and culture – through music, entertainment and sport that truly builds brand engagement ».

Voici une analyse des cas 2018 les plus étonnants. Cliquez sur les liens et découvrez les créations.

Les films courts au cœur du branded entertainment

Les films courts, d’une à quinze minutes, représentent une part importante du branded entertainment. Ces courtsmétrages abolissent la frontière traditionnelle entre publicité et cinéma. Ils tendent vers le statut d’œuvre cinématographique, surtout pour les formats plus longs.

Dans un article de www.blogbrandcontent.fr, nous avions détaillé la notion de mini-métrages de marque, fréquents dans le luxe.

Le branded entertainment made in France

Dans la pré-sélection du One Show 2018, se trouvent seulement deux courts métrages de marques impliquant des français :

  • Label of Love de Monoprix, déjà multi-primé, dont la durée de quatre minutes, a été jugée audacieuse dans l’hexagone.
  • Détour du réalisateur Michel Gondry réalisé avec un iPhone 7 Plus. Ce film de dix minutes met en scène une famille qui part en grandes vacances et perd sur la route le tricycle de la fillette. Le film suit le parcours du véhicule à la recherche de sa petite propriétaire…

 

Voici quelques autres films remarquables de la sélection 2018 :

Above The Noise, une vidéo de quatre minutes produite par Beats. Dr. Dre qui fait de son casque un moyen d’échapper aux distractions, nuisances du quotidien, de s’élever au-dessus du bruit.

Más Allá Del Dinero (Beyond Money) de la banque Santander, qui a remporté le Grand Prix Entertainment des Cannes Lions 2017. Ce film de science-fiction de dix-sept minutes montre le personnage de Lucie, qui choisit de vendre son souvenir le plus précieux contre une importante somme d’argent.

Oddly d’Ikea, exploite la tendance de l’ASMR : Autonomous Sensory Meridian Response. Ces vidéos utilisent des stimuli sensoriels, qui provoquent un état de bien-être à la limite de l’orgasme mental. Pendant vingt-cinq minutes, une jeune femme tapote les éléments d’une chambre à coucher en chuchotant, une façon relaxante de présenter les solutions pour dormir d’Ikea. 

L’animation

On trouve de l’animation à l’instar de Geoff, un film de trois minutes de la marque Heinz sur un amoureux des haricots qui fabrique des boîtes de conserve au format familial.

Snack Time, une web-série d’une centaine d’épisodes de trente secondes sur les aventures d’une bouteille de lait et d’autres snacks par les producteurs de lait canadiens.

La fiction

Des films courts intègrent les codes de la fiction :

  • La marque de tequila Jose Cuervo fait de sa boisson Last Days, un moyen de profiter de l’instant présent, même pendant l’apocalypse.
  • Appocalypse d’Apple met en scène les conséquences désastreuses que pourraient avoir la disparition des applications mobiles.

  • Ostrich, un film de Samsung de deux minutes, où une autruche apprend à voler après avoir vécu une expérience de simulateur de vol en réalité virtuelle.

Les contenus engagés

Les ONG utilisent le format documentaire pour promouvoir des causes :

  • CARE France avec #storiesduboutdumonde invite les femmes à partager des images de leur quotidien
  • Fundazione Nemo via l’application My Voice permet d’enregistrer sa voix pour l’intégrer aux logiciels utilisés par les personnes atteintes de la maladie de Charcot
  • Greenpeace Poland informe sur la déforestation

Les marques s’engagent également sur de grandes questions de société :

My Black Is Beautiful de Procter & GambleApple-converted-space »>  est composé d’interviews audio, où des femmes afro-américaines expliquent à leurs enfants que, malgré le racisme, ils doivent garder l’estime de soi et cultiver leur différence.

Les contenus immersifs et interactifs

Les technologies (VR, AR, IA, drones, etc) donnent aux marques la capacité d’explorer le futur à l’instar de :

  • Netsafe avec le chatbot intelligent Rescam détecte les mails frauduleux
  • Volvo montre l’éclipse solaire avec CNN : Volvo permet de revoir en sept minutes l’éclipse et les réactions des spectateurs depuis différents lieux des Etats-Unis. Toutes les images de Racing The Sun ont été filmées grâce à une caméra 360°. 

 

  • Le fabricant allemand de crayons Faber Castell a créé l’application The Never Ending Forest. Les crayons en bois se transforment en animaux lorsque la caméra du téléphone est dirigée sur la couleur de l’un des douze crayons.
  • Le producteur de vin australien Treasury Wine Estate a lancé 19 Crimes Augmented Reality, une application pour animer les personnages sur les étiquettes des bouteilles du label 19 Crimes.

La musique et le Live

Les marques sont également à l’initiative de la création d’événements musicaux pour étendre leur visibilité, transmettre une culture, rassembler une communauté.

Le programme de fidélité « Hilton Honors » a lancé « Music Happens Here », une série de Live réalisés au sein de destinations musicales comme Los Angeles ou Londres. Ces événements et playlists sont réservés aux membres d’Hilton Honors.

 

La marque Absolut collabore avec une douzaine d’artistes venant de tout le continent africain. « One Source Live » est un événement qui combine musique, art et mode et célèbre la culture créative.

Les jeux pour l’implication

Les jeux constituent une expérience très impliquante pour les consommateurs et un champ d’expérimentation riche pour les marques.

The Last Tree Standing, le jeu créé par Greenpeace Poland avec Minecraft, permet de découvrir la forêt de Bialowieska, l’une des dernières forêts d’Europe. 

A l’occasion des élections en Nouvelle Zélande, le jeu en ligne Battle To The Beehive invite les citoyens au vote. Le joueur incarne l’un des candidats aux élections et combat les différents sujets politiques représentés par des monstres. Des questions sur les élections sont posées au joueur avant les combats.

Les opportunités offertes par l’escape game

L’escape game est un jeu d’évasion, où il faut s’échapper d’une pièce dans une durée limitée à partir d’indices disséminés.

Pour promouvoir sa commande vocale Alexa, Amazon a créé Echo Escape, un escape game où les participants utilisent leur voix et pour résoudre l’énigme.

L’expérientiel et l’artistique

Le One Show a sélectionné des initiatives artistiques, installations ou expositions permettent aux marques d’être visibles plusieurs jours d’affilée.

General Electric a mis en lumière les scientifiques les plus brillantes grâce à l’installation « Unseen Stars » qui projetait pendant trois jours les visages étoilées de ces douze femmes au plafond de la gare Grand Central Terminal à New-York.

L’Office du Tourisme Belge a exposé une statue faite de boue et de sable, Mud Soldier, sur le parvis de la National Gallery, à Londres. Une façon de commémorer les cent ans de la bataille de Passchendaele, pendant la première guerre mondiale.

Fearless Girl est une sculpture installée par l’entreprise State Street en plein cœur de Manhattan pour provoquer la discussion à l’occasion de la journée de la femme.

L’avenir du branded entertainment

Une tribune récente sur le content marketing avait pour objectif de montrer que le content marketing était une composante du brand content, centrée sur l’efficacité et la conversion.

Le branded entertainment est une forme culturelle de brand content qui :

  • Fait la part belle à l’esthétique et à l’émotion
  • Peut avoir un impact sociétal important
  • Ne supporte pas la médiocrité
  • Exige des investissements élevés en production et en diffusion
  • Obtient des résultats aléatoires car le hit n’est pas garanti
  • Requiert un lien subtil à la marque afin de préserver la qualité du contenu
  • Donne lieu à une initiative spectaculaire mais s’intègre difficilement dans une stratégie durable. 

Dans l’ouvrage Brand content stratégique 2018, le branded entertainment est analysé par Pascal Somarriba comme une forme de contenu trop souvent opportuniste. Il naît d’une opportunité, d’une idée, d’une rencontre avec un artiste, d’une proposition extérieure. Son objet ? Conférer à la marque du prestige ou du fun. Le brand content opportuniste est plus ou moins en adéquation avec l’identité profonde de la marque et rarement inscrit dans la durée.

Le branded entertainment peut être stratégique pour une marque à condition de :

  • Devenir un acteur à part entière de l’entertainment comme Lego, Barbie, Disney ou Ubisoft en considérant les contenus comme des actifs
  • Créer des objets culturels de référence : expositions (Dior, Vuitton, Hermès, Cartier, Bic, Ikea), films de cinéma (Saint Laurent, Chanel), magazines (Colors de Benetton), événements (Saut Hermès, shows Victoria Secret, Red Bull), musées ou lieux culturels de marque
  • Produire des sagas ou un contenu génératif à l’instar de Yes Virginia, un mini-film d’animation du distributeur Macy’s, qui a suscité des retombées (émissions, parades, livres, pièces de théâtre, animations commerciales) pendant plusieurs années.
  • Mettre en place des collaborations avec des artistes dans la durée et inscrire l’art au cœur de son activité (musique, design, arts plastiques, photo, vidéo, jeux). Voir à ce sujet l’intervention au Grand Prix du Brand Content 2018 et la conférence d’ouverture sur les tendances du brand content lors du salon www.allforcontent.fr : http://brandcontent.institute/all-for-content-1er-salon-du-brand-content/

PS : Les images choisies pour illustrer cet article sont tirées de Fun Radio Ibiza Experience 2017 sponsorisé par les bonbons Haribo Pik. Dans la première partie du concert, durant au moins une douzaine de minutes, Haribo Pik a gratifié le public d’un déluge de bonbons virtuels en rythme avec la musique. Cet exemple de branded entertainment montre comment un contenu purement physiologique constitué d’impulsions lumineuses peut solliciter les sens des spectateurs et l’immerger dans l’univers de la marque.

Voici un montage de quelques moments clés.

 

L’Expert:

Daniel Bô est le PDG de QualiQuanti.

Etudes: diplômé d’HEC Paris (1984) et de SciencesCom (1986) Académie Carat Espace (1990).

1987-1989: devient publicitaire chez Saatchi, Lintas et Equateur.

1990: fonde l’institut d’études QualiQuanti.

1990-2016: évalue plusieurs centaines de contenus (émissions TV, chaînes thématiques, films ; magazines, sites Internet, applis…) et mène des recherches sur le parrainage TV, le placement de produits, le publi-rédactionnel, la publicité digitale

2007: publie la première étude sur le brand content.

2009: co-écrit Brand content (Dunod). Initie avec Emmanuelle Prache le Grand Prix du Brand Content.

2013: fait paraître Brand culture (Dunod)

Août 2016: lance le Brand Content Institute

Décembre 2017 : sortie de Brand Content Stratégique 2018, concentré de dix années de recherche, d’études inédites, d’échanges avec des professionnels et de milliers de cas analysés.

Surnommé «pape du brand content», il défend une approche du brand content, qui donne du sens et éclaire l’arrière-plan culturel des marques. Il s’intéresse aux lieux permanents ou éphémères comme territoire d’expression à conquérir pour les marques.

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