Comprendre l’informatique quantique – startups
Par Olivier Ezratty, expert FrenchWeb
Cet écosystème commence à peine à se structurer avant même que les ordinateurs quantiques fonctionnent à grande échelle ! Seuls les systèmes de cryptographie quantique sont opérationnels et correspondent à un marché bien à part. Il est fascinant de découvrir des startups qui font des paris à long terme, surtout dans le matériel. Dans le logiciel, le risque est atténué car nombre de startups créent des solutions pour les ordinateurs adiabatiques de D-Wave qui, même s’ils n’ont pas été commercialisés en volume, sont d’ores et déjà disponibles.
Les startups identifiées sont surtout américaines et européennes. L’écosystème logiciel est à observer de prêt. Il est prêt à dégainer lorsque le matériel fonctionnera.
Les investisseurs dans le quantique
Les premiers fonds d’investissements plus ou moins spécialisés dans les technologies quantiques ont déjà émergé avec notamment :
- Quantum Wave Fund créé par des Russes dans la Silicon Valley et ayant déjà investi dans les Suisses d’IDQ ainsi que dans l’Américain Nano-Meta Technologies. Leur fonds n’est pas 100% spécialisé dans le quantique. Ils investissent aussi dans la robotique, les drones, les capteurs et les objets connectés.
- Quantum Valley Investments (QVI), un fonds d’investissements canadien de $100M$, levés en 2013, dédié aux technologies quantiques. Leurs fondateurs avaient investi en 1984 dans Blackberry / RIM. Ils ne communiquent pas sur leurs investissements dont une part sont des spin-offs du laboratoire de recherche canadien Institute for Quantum Computing de l’Université de Waterloo dans l’Ontario.
- Quantonation, un fonds d’amorçage français créé par Christophe Jurczak, un physicien issu de l’Ecole Normale et ancien chercheur ayant travaillé avec Alain Aspect avec Charles Beigbeder. Ils ont pour l’instant une seule société officiellement en portefeuille, Spark Lasers, qui propose des sources laser pas spécifiquement dédiées aux ordinateurs quantiques. D’autres projets sont en cours de “closing”.
- Parkwalk Advisors est un fonds de deep techs britannique qui a notamment investi dans Quantum Motion Technologies et Oxford Quantum Circuits.
- Machine Capital, un fonds britannique focalisé sur le quantique et sur l’IA, qui a pour l’instant investi dans QuantumX Incubator, un incubateur de projets logiciels quantiques lancé conjointement avec la startup Cambridge Quantum Computing, qui est spécialisée dans le développement de logiciels quantiques, avec une incubation qui dure 20 semaines.
Dans Federal Perspective on Quantum Information Science and Quantum Computing 2017 (33 slides), on peut aussi voir que l’activité s’intensifie dans le dépôt de brevets, surtout issus du privé.
Un inventaire des startups du secteur est disponible sur le site QuantumComputingReport. Il m’a permis d’identifier une majorité des startups citées dans cette partie. Certaines startups diffusent tellement peu d’informations à leur sujet que l’on peut se demander si elles ne sont pas des scams. Ce manque de communication peut simplement provenir du fait que les créateurs peuvent être des chercheurs non férus de communication, qu’ils sont mal financés et que leurs projets ont des perspectives business trop lointaines et hasardeuses.
Une bonne part des startups citées ici n’en sont pas encore sous la forme “pure” du modèle startupien, à savoir qu’elles sont loin d’avoir un modèle scalable. Ce sont souvent soit des TPE industrielles ciblant des marchés de niche à très faible volume, soit des startups où le risque scientifique et technologique est encore très élevé avant de pouvoir vendre quoi que ce soit. Et souvent, avec la combinaison des deux. Elles peuvent alors se financer avec des la recherche sous contrat pour de grandes entreprises ou des institutions publiques.
Dans la grande majorité des cas, je m’appuie sur les informations publiques disponibles sur Internet pour décrire ce que font ces startups. Sauf de rares cas que je signale, je n’ai pas d’information plus poussée.
Nous allons donc maintenant faire le tour des startups de l’informatique quantique avec trois parties : les composants, les ordinateurs quantiques et les logiciels, comprenant les outils de développement.
Cette cartographie recouvre en partie celle-ci, créé en juillet 2018 par le fonds français Siparex et l’accélérateur Wilco, et qui contient les startups européennes du secteur au sens large du terme (source). Sachant que j’ai cartographié à part, la partie suivante de cette série, les startups et acteurs de la cryptographie quantique et post-quantique. Ma cartographie ne comprend pas non plus les sociétés qui ont l’air de ne proposer que du service et du conseil dans l’informatique quantique, sans avoir de technologie en propre ou de produit.
Composants
Ces startups développent des composants physiques qui peuvent jouer un rôle dans la construction d’ordinateurs quantiques. Le plus souvent, comme ce marché reste cantonné à la recherche, ces startups sont plus généralistes et visent des marchés plus large que l’informatique quantique couvrant la recherche en physique en général voir des applications industrielles diverses.
bra-ket science (2017, Texas) est une startup qui veut créer des systèmes de stockage d’information dans des qubits fonctionnant à température ambiante. La société qui n’a que deux personnes est silencieuse sur sa technologie dont les brevets sont en cours de dépôt.
ColdQuanta (2007, USA, $6,8M) est une startup créé par Dana Anderson qui a une solution de refroidissement d’atomes à base de lasers. Cela peut servir à créer les conditions cryogéniques de fonctionnement de certains types d’ordinateurs quantiques ou à créer des systèmes d’horloges quantiques ultra-précises.
Delft Circuits (Pays-Bas) fournit des composants supraconducteurs divers qui peuvent rentrer dans la composition d’ordinateurs quantiques à supraconducteurs à effet Josephson. Ils proposent notamment des circuits de contrôle d’entrées/sorties de contrôle de systèmes cryogéniques comme le CF3 (ci-dessous), des guides supraconducteurs de micro-ondes supportant des fréquences allant de 2 à 40 GHz.
Element 6 (1946, Luxembourg) n’est pas à proprement parler une startup. C’est une filiale du leader mondial de la production de diamants, De Beers Group, qui fabrique entre autres choses des diamants synthétiques utilisables dans les qubits à base de cavités de diamants, un type de qubit très peu courant et qui n’a donné lieu pour l’instant qu’à une seule création de startup, QDTI.
Nano-Meta Technologies (2010, USA) est une startup issue de l’Université de Perdue qui ambitionne de créer un système de stockage d’information quantique. C’est en fait un laboratoire de recherche privé qui commercialise des travaux associant photonique et nanomatériaux sous forme de propriété intellectuelle et dans des domaines variés tels qu’un système de nano-délivrance de médicaments ou des sources de photons individuelles à base de diamants dédiées à des systèmes de cryptographie quantique. Certains de ses composants innovants peuvent se retrouver dans des ordinateurs quantiques.
Oxford Instruments (1959, UK) est une entreprise britannique établie, côté à Londres depuis 1999, qui est spécialisée dans l’instrumentation scientifique qui propose notamment des systèmes de cryogénie capables de descendre à 5 mK. Ils fournissent aussi des caméras CCD servant de détecteur de l’état de qubits à base d’ions piégés.
Qnami (2017, Suisse) est une spin-off du laboratoire de recherche en métrologie quantique de l’Université de Bâle. Ils produisent notamment des diamants artificiels destinés à diverses applications de photonique. Ils pourraient cibler le marché du calcul quantique mais cela n’a pas l’air d’être encore le cas.
Quandela (2017, France) est une startup basée à Marcoussis dans le sud de l’Ile de France, qui est spécialisé dans la création de sources de photons uniques destinées au monde de la recherche et des télécommunications. C’est une spin-off du laboratoire C2N du CNRS dont Pascale Senellart, chercheuse de référence dans la photonique, est cofondatrice et conseil scientifique. La startup était lauréate du grand prix du concours i-Lab 2018. Ses sources de photons peuvent servir dans la cryptographie quantique et, éventuellement, pour créer des ordinateurs quantiques à base d’optique linéaire ou autres techniques.
Qubitekk (2012, San Diego) est comme le Français Quandella un fournisseur de sources de photons et de photons intriqués utilisables dans le contexte de la cryptographie quantique (QKD). Cette technologie peut aussi servir pour gérer une partie de la communication entre qubits dans certains types d’ordinateurs quantiques.
QuTech (2014, Pays-Bas) est la spin off “hardware quantique” de l’Université TU Delft. Elle collabore notamment avec Intel dans la mise au point de qubits supraconducteurs et avec Microsoft dans le quantique topologique. La société se positionne plutôt comme un laboratoire de recherche appliquée que comme une startup “produit”.
SeeQC (1983, Italie) est une spin-off du groupe américain Hypres, spécialisé dans la création d’électronique supraconductrice. Elle se focalise dans la création de circuits de contrôle de qubits supraconducteurs dotés de mémoires à base de technologique spintronique (spin d’électrons).
Sparrow Quantum (2016, Danemark) est une spin-off du laboratoire de recherche en photonique Niels Bohr. Comme Quandella et Qubitek, ils proposent des sources de photons uniques.
SpiceLabs (Toronto) est une société spécialisée dans la création de systèmes de communication avec des qubits supraconducteurs. C’est complété par le logiciel QSPICE Design qui permet de concevoir des circuits quantiques supraconducteurs. Autant dire qu’il s’agit d’un marché ultra-niche. Voir The Geometry of a Quantum Circuit and its Impact on Electromagnetic Noise, 2018 (15 pages).
Enfin, sans rentrer dans les détails, citons à nouveau BlueFors Cryogenics (Finlande), Cryomech (USA), CryoConcept (France) et Janis (USA) qui sont spécialisés dans la production de systèmes de cryogénie utilisés pour les ordinateurs quantiques qui doivent fonctionner à de très basses températures, situées entre 10 et 20 mK.
Ordinateurs
Voici quelques PME et startups qui cherchent à créer des processeurs ou ordinateurs quantiques en plus de D-Wave, IonQ et Rigetti que nous avons déjà couverts en détail. Très souvent, ces entreprises s’affichent comme étant “full stack”, ce qui veut dire qu’elles ambitionnent de créer à la fois un ordinateur quantique et toute l’infrastructure logicielle qui l’accompagne. C’est souvent justifié pour les couches basses logicielles qui peuvent dépendre de l’architecture des qubits de l’ordinateur créé. Pour les couches plus hautes, notamment au niveau des frameworks de développement, ce n’est pas forcément bien vu. Il vaudrait mieux se raccrocher aux frameworks qui commencent à s’imposer ou à ceux d’entre eux qui sont open source et multi-plateformes. Dans d’autres cas, les startups ici citées en sont au stade de la recherche appliquée pour créer un processeur quantique. Elles sont généralement loin d’avoir créé une infrastructure logicielle.
Alpine Quantum Technologies (2017, Autriche, $12,3M) est une spin-off de l’Université d’Innsbruck créée par Rainer Blatt. Peter Zoller et Thomas Monz et qui se focalise sur les systèmes de qubits à base d’ions piégés, le premier d’entre eux en étant l’un des pionniers. Leur financement est pour l’instant d’origine publique, issu des équivalents autrichiens de notre Ministère de la Recherche et de l’ANR. La société n’a pas encore de site web ni de logo, c’est dire si elle est jeune !
Atom Computing (2018, USA) ambitionne de créer un ordinateur quantique à base d’atomes neutres contrôlés optiquement. C’est une technique que nous avons creusée très rapidement dans les parties précédentes. Elle semble bien marginale, tout du moins dans la sphère entrepreneuriale. Voici quelques éléments d’informations dans Neutral Atom Quantum Computing du Anderson Group Optical Physics ainsi que dans Quantum computing with neutral atoms, de David Weiss 2017 (7 pages).
BraneCell (2015, Cambridge Massachusetts et Dusseldorf, $1,8M) est une startup lancée par Wassim Estephan et Christopher Papile (ci-dessous). Elle développe un processeur quantique fonctionnant à température ambiante. Ses qubits utilisent un processus permettant de faire cohabiter un état condensé et non condensé de molécules, sans conduction électrique ni silicium, avec un procédé qui s’appuierait sur de la lumière infrarouge. Bref, ce n’est pas bien documenté. L’idée est de permettre d’exécuter des programmes quantiques de manière décentralisée et pas dans des data centers. L’approche est originale mais on demande à voir sur pièces !
Ils ont déposé quelques brevets sur la question notamment le brevet USPTO 9607271 validé en mars 2017 et dont voici la description : “The subject matter relates to multiple parallel ensembles of early stage spherical pulses radiated through engineered arrays forming the foundation for quantized computer processors taking advantage of integer thermodynamics. The materials, architecture and methods for constructing micro- and/or nano-scale three-dimensional cellular arrays, cellular series logic gates, and signature logic form the basis of small- and large-scale apparatuses used to execute logic, data bases, memory, mathematics, artificial intelligence, prime factorization, optical routing and artificial thought tasks not otherwise replicated in electron-based circuits”.
Leur communication est pour le moins cryptique, comme BraneCell Systems Presents Distributed Quantum Information Processing for Future Cities en avril 2018 et un partenariat annoncé avec le prestataire de services du gouvernement US, AST, en juillet 2018, dans AST and BraneCell Announce Their Partnership to Improve Critical Government Functions Through the Power of Quantum Computing. Ils ne fournissent aucune information technique ni de vulgarisation sur leur solution, sur le nombre de qubits et le taux d’erreurs. Ils planifieraient aussi une ICO qui serait la première du genre pour une startup de l’informatique quantique. Ils visent surtout à créer un système de communication sécurisé. Ils ciblent la finance, l’énergie, la santé, la chimie et le secteur public. Un Theranos du quantique ? Au minimum, on est en droit de douter.
EeroQ (2017, New York) développe un processeur quantique qui serait plus-mieux que les autres, sans plus de précision autre que cela s’appuie sur des principes connus de la physique. La startup est fondée par Johannes Pollanen de l’Université du Michigan, Nick Farina et Faye Wattleton. Elle a bénéficié de financements publics US (NSF) et privés. Leur site web est pourri avec une page “The Science” qui décrit les avantages basiques du calcul quantique mais aucunement les caractéristiques de leur solution. C’est du quantum washing du premier degré.
Dans la bio de Johannes Pollanen, on peut voir qu’il a fait des recherches dans les qubits supraconducteurs et bidimentionnels (silicium, graphène) qui font penser aux principes du quantique topologique. Ca donne quelques pistes de ce qu’ils doivent bien tramer !
MDR (2008, Japon) est une énigmatique société japonaise qui ambitionne de créer son propre ordinateur quantique universel et de développer des algorithmes intégrant l’IA et la chimie. En attendant leur ordinateur, ils travaillent avec D-Wave.
Oxford Quantum Circuits (2017, Oxford, UK) a été lancée par Peter Leek, qui provient du Clarendon Laboratory Oxford. Elle veut produire des qubits supraconducteurs et lever les barrières identifiées qui empêchent ceux-ci de scaler en nombre. Leur architecture comprendrait des qubits “planar” à grande cohérence avec un contrôle 3D miniaturisé des portes et de la lecture à base de résonnateurs. Cf Surface acoustic wave resonators in the quantum regime (40 slides). Ils sont associés à Cambridge Quantum Computing (CQC) qui développe un compilateur quantique dédié à leurs qubits.
PsiQuantum (2016, Palo Alto, California) est une startup créé par Jeremy O’Brien, un chercheur de Stanford et de Bristol, qui veut créer un processeur quantique en CMOS et photonique. Ses travaux de recherche sont nombreux dans le domaine, notamment dans les quantum dots en arséniure de gallium, dans les qubits en spin de diamant, la conception de systèmes cryogéniques et de systèmes de contrôle haute fréquence.
Quantum Motion Technologies (2017, UK) est une spin-off de l’Université d’Oxford qui ambitionne de créer une plateforme d’ordinateur quantique à base de silicium CMOS permettant de créer des puces avec une grande densité de qubits. Ils ont bénéficié d’un financement d’amorçage non précisé du fonds britannique Parkwalk Advisors.
QCI (2015, USA, $18M) ou Quantum Circuits Inc est une spin-off de l’Université de Yale cofondée par Rob Schoelkopf, Luigi Frunzio et le français Michel Devoret (ex CEA) qui veut créer des qubits supraconducteurs avec l’objectif, plus que courant dans le domaine, de résoudre les problèmes de bruit et de cohérence de cette technologie. Leur technologie est à base de qubits supraconducteurs transmon. Leur originalité se situerait dans la méthode de gestion des correction d’erreurs des qubits réduisant le besoin de redondances en nombre de qubits. Leur communication parle d’ordinateurs génériques faciles à reconfigurer selon les besoins. Ce qui semble être une caractéristique commune des ordinateurs quantiques universels.
QuSoft (2014, Pays-Bas) est la spin-off de l’Université TU Delft spécialisée dans les algorithmes et logiciels quantiques. Comme sa sister-company QuTech, c’est plutôt un laboratoire privé de recherche appliquée qu’une startup.
Silicon Quantum Computing (Australie, $66M) est une spinoff de l’University of New South Wales (UNSW) et de son laboratoire Centre of Excellence for Quantum Computation and Communication Technology (CQC2T). Ils planchent sur une technologie CMOS proche de celle du CEA LETI de Grenoble. A court terme, ils veulent sortir un circuit de 10 qubits d’ici 2022. La société a été créée par Michelle Simmons, une des rares femmes de l’écosystème entrepreneurial du quantique.
TundraSystems (2014, UK) développe un processeur quantique en optique linéaire fonctionnant à température ambiante. Difficile de savoir où ils en sont exactement. Ils ont l’air de vouloir créer un microprocesseur en photonique, et pas forcément, un ordinateur quantique avec des qubits utilisant l’optique linéaire.
Turing Inc (USA) est une startup qui ambitionne comme Rigetti de créer une offre matérielle et logicielle d’ordinateur quantique, à base de qubits utilisant des cavités de diamants (NV Centers) et fonctionnant à 4K, une température certes basse, mais gérable avec une cryogénie plus simple, à base d’hélium 4. Cf Turing Inc: Large Scale Universal Machines, 2017, qui détaille un peu cela. Ils développent aussi des systèmes de correction d’erreurs qu’ils commercialisent auprès d’autres spécialistes du secteur. Une manière de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier !
Xanadu (2016, Canada, $2,5M) développe un ordinateur quantique en optique linéaire avec un nombre de qubits non précisé et probablement très faible. L’ordinateur doit fonctionner théoriquement à température ambiante. Leurs qubits dénommés qumodes utilisent un encodage utilisant le principe de “Continuous Variable”, qui stocke une information plus riche que les qubits. Cela rappelle le CV-QKD, une variante des clés quantiques utilisant un principe voisin de communication utilisant la phase et l’amplitude des photons, dont nous parlerons dans la partie suivante de cette série, dédiée à la cybersécurité. Leur procédé est décrit dans Continuous-variable gate decomposition for the Bose-Hubbard model, 2018 (9 pages). Xanadu développe la plateforme logicielle qui va avec, dénommée Strawberry Fields et créée sans surprise en Python. Elle est documentée dans Strawberry Fields: A Software Platform for Photonic Quantum Computing, 2018 (25 pages). La plateforme comprend le langage Blackbird. Ils visent notamment le marché de la chimie, la théorie des graphes et le machine learning quantique. Tout cela est proposé en open source.
Logiciels et outils
Les startups de logiciels et d’outils de développement quantiques ne sont pas encore très nombreuses. Une bonne part d’entre elle travaille autour de D-Wave qui est le seul fournisseur d’ordinateurs quantiques commerciaux, même si ceux-ci ne sont pas des ordinateurs quantiques universels. Elles sont d’ailleurs souvent canadiennes, comme D-Wave. Cet écosystème est donc encore très jeune. Il évoluera en parallèle avec la mise au point d’ordinateurs quantiques commerciaux. Il y a de véritables opportunités à se positionner sur ce marché naissant ! Vous remarquerez que cet inventaire ne comprend pas de startup chinoise. Ce n’est probablement pas par hasard. Le pays n’est pas très versé dans le logiciel comparativement au matériel et il semble avoir mis la priorité quantique sur la cybersécurité plus que sur le calcul quantique.
1QBit (2012, Canada, $100M) est un éditeur de logiciels quantiques focalisé pour l’instant sur l’usage des ordinateurs adiabatiques de D-Wave. La société a été notamment financée par Fujitsu avec qui ils sont partenaires, ainsi qu’auprès d’Accenture et d’Allianz. Ils sont comme il se doit également partenaires de D-Wave qui les met bien en avant dans son marketing. Ils ont développé des briques algorithmiques quantiques diverses de bas niveau comme dans le traitement de graphes qu’ils appliquent dans un grand nombre de marché, via une activité de consulting. Ils couvrent notamment les marchés financiers, pour l’optimisation dynamique de portefeuille d’investissement, documentée dans Solving the Optimal Trading Trajectory Problem Using a Quantum Annealer, 2015 (13 pages), ou pour simplifier l’allocation de classes d’actifs dans un portefeuille. En plus d’être un partenaire historique de D-Wave, ils le sont aussi avec IBM.
Anyon Systems (2014, Canada) développe des outils de simulation du comportement d’ordinateurs quantiques supraconducteurs pour optimiser leur conception. Ils ont notamment aidé Google à mettre au point ses premiers prototypes d’ordinateurs quantiques supraconducteurs.
Artiste-qb.net (Canada) a un modèle d’activité voisin de celui de 1Qbit : ils développent des briques algorithmiques de niveau intermédiaires qu’ils assemblent ensuite au gré des besoins de leurs clients. Ils ont même déposé des brevets pour certaines méthodes. La startup a été créée par une équipe internationale comprenant notamment des chercheurs allemands.
Blackbrane.ai (2016, Canada) est une startup focalisée dans le développement de solutions de machine learning quantiques. Ils sont très “stealth” à ce stade.
Cambridge Quantum Computing Limited (UK) développe le système d’exploitation quantique (ti|ket>) et divers algorithmes quantiques dont Arrow dans le machine learning. Ils sont comme nous l’avons vu plus haut partenaires de Oxford Quantum Circuits qui travaille sur la partie hardware. Et aussi d’IBM. CQC est aussi actif dans la cryptographie post-quantique.
Entropica Labs (Singapour) est une startup dédiée à la création d’algorithmes quantiques pour les sciences du vivant et en particulier pour faire de la génomique, à base de quantum machine learning. Avec à la clé, le développement plus rapide de thérapies, en partenariat avec les boites de pharma. La société a été créée par Tommaso Demarie et Ewan Munro.
Everettian Technologies (2017, Canada) est une autre startup logicielle focalisée sur les usages du quantique dans le machine learning.
Heisenberg (2018, Allemagne) est une startup de Karlsruhe qui développe des algorithmes quantiques dans le domaine de la simulation moléculaire organique et inorganique. Ils ont annoncé en juillet un outil de portage open source de code ProjectQ (plateforme IBM) vers Cirq (plateforme Google).
Horizon Quantum Computing (2018, Singapour) créé des outils de développement quantiques, sans plus de précisions.
Nordic Quantum Computing Group (2004, Norvège) essaye de croiser l’analyse de données et l’informatique quantique. Ils ont travaillé pour Lockheed Martin Corporation. Ce sont aussi des spécialistes de l’IA. Mais bon, il n’est pas évident de savoir ce qu’ils font exactement, qui a l’air de beaucoup relever du service.
Prevision.io (2016, France, 1,5M€) est une startup spécialisée dans le machine learning. Ils ont développé une plateforme qui automatise le choix de modèles de machine learning pour exploiter des données structurées. Ils envisagent d’utiliser des algorithmes quantiques, notamment de QML (Quantum Machine Learning) pour compléter leur bibliothèque d’outils. Cela a du sens, d’autant plus que pour faire cela, la startup n’a pas besoin d’acquérir un ordinateur quantique ! On en trouve quelques-uns dans le cloud pour faire ses premiers tests. Le quantique, ce sera surtout du cloud computing !
ProteinQure (Canada) est une startup basée à Toronto qui utilise différentes technologies dont du calcul quantique pour créer et simuler de nouvelles thérapies “in silico”. Ils utilisent des algorithmes quantiques pour simuler le repliement de protéines.
QbitLogic (2014, USA, $1,5M) est une autre startup qui développe des applications de machine learning en quantique, sans plus de précision dans leur communication.
Q-Ctrl (2017, Australie) est une startup créée par Michael Biercuk, de l’Université de Sydney. Ils développent un firmware en cloud pour ordinateur quantique focalisé sur la gestion des codes de correction d’erreurs, Black Opal. Ils ont aussi un outil de visualisation de l’effet de la modification de l’état des qubits par des portes quantiques… dans la sphère de Bloch. Ils sont notamment partenaires d’IBM.
QC Ware (2014, USA) développe une plateforme de développement de logiciels quantiques en cloud. Ils créent des algorithmes quantiques et logiciels pour de grandes entreprises. L’une d’entre elles est le groupe Airbus qui fait partie de leurs investisseurs. Ils ciblent le marché aérospatial, la défense, la finance et la cybersécurité. Ils ont aussi reçu un financement public US de $1M via la NSF en 2017. Ils sont notamment partenaires d’IBM.
Qilimanjaro Quantum Hub (2018, Espagne) est une startup de Barcelone, donc plutôt Catalane ! Eux-aussi développent une plateforme logicielle quantique en cloud. Ils veulent aussi développer leur propre ordinateur quantique adiabatique à base de qubits de flux. Ils prévoient aussi de se faire financer via une ICO, les tokens associés étant le QBIT, une cryptomonnaie d’usage de leurs ressources en cloud. Qui n’existent pas encore !
Quantum Benchmark Inc (2017, Canada) fournit une solution logicielle de code de correction d’erreurs pour ordinateurs quantiques universels. C’est donc en apparence un concurrent de l’Australien Q-Ctrl. Ils proposent aussi un système de validation de performance d’ordinateur quantique. L’ensemble est intégré dans la suite True-Q. Le marché visé n’est pas bien large puisque c’est celui des constructeurs d’ordinateurs quantiques et ceux qui les évaluent. A noter qu’ils ont déjà testé le framework Cirq de Google, ayant fait partie du programme de beta test de ce langage de Google. Ils sont aussi partenaires d’IBM.
Qubitera (2018, USA) développe des solutions associant IA et quantique. N’a pu qu’à !
QxBranch (2014, USA) a été créé par des anciens de Lockheed Martin. Elle propose des solutions, probablement sur mesure, pour les marchés de la finance, de l’assurance, de l’aérospatial et de la cybersécurité. Basé à Washington, D.C., ils ont déjà des bureaux à Hong Kong, Londres et Adelaide en Australie. Ils sont partenaires de D-Wave et d’IBM.
River Lane Research (2016, UK) est une spin-off de l’Université de Cambridge qui fournit du service dans l’informatique quantique et développe de nouveaux algorithmes associant machine learning et le quantique dans le domaine de la chimie. Ils développent avec dividiti Ltd (un one man shop créé par un certain Grigori Fursin), le Quantum Collective Knowledge, un SDK de benchmark de matériels et logiciels quantiques.
Strangeworks (2018, USA, $4M) développe des logiciels quantiques. De manière pas spécialement originale, ils ciblent les marchés de l’aérospatial, de l’énergie, de la finance et de la santé. Ils sont notamment partenaires d’IBM. Ils sont notamment à l’origine de la création d’un site de questions/réponses sur l’informatique quantique, Quantum Computing Stack Exchange.
Tokyo Quantum Computing (2017, Tokyo) veut développer un logiciel de simulation d’ordinateur à recuit quantique.
Zapata Computing (2017, USA) est une société de logiciels et services quantiques créé par des chercheurs de Harvard dont le fameux Alán Aspuru-Guzik de l’Université de Toronto qui est spécialisé dans les applications du quantique dans la chimie. Ils sont notamment partenaires de Google et IBM.
Voilà, ce petit tour est terminé. Si vous découvrez des startups du calcul quantique qui ne figurent pas dans cet inventaire ou disposez d’informations complémentaires sur celles qui sont citées, je suis preneur ! J’utiliserai vos informations pour actualiser cette liste au fil de l’eau.
__________________________________
Nous ferons le tour des startups du quantique qui sont positionnées dans le marché de la cybersécurité dans la partie suivante qui est dédiée à la cryptographie quantique et post-quantique. Ce sera un gros morceau !
Dans qui suivra, je vais décrire les stratégies industrielles du quantique pays par pays en nous focalisant notamment sur les USA, l’Europe, la France, le Japon et la Chine.
L’expert:
Olivier Ezratty est consultant en nouvelles technologies et auteur d’Opinions Libres, un blog sur les médias numériques (TV numérique, cinéma numérique, photo numérique), et sur l’entrepreneuriat (innovation, marketing, politiques publiques…). Olivier est expert pour FrenchWeb.
- Gestion financière, quels sont les nouveaux outils qui s’imposent à tous dirigeants et CFO pour piloter leurs activités? - 25/10/2024
- Gestion de contrats d’entreprise: quelles sont les meilleures pratiques à adopter? - 21/09/2024
- NAVAN (ex-TripActions), un pionnier de la gestion des voyages d’affaires qui mise sur l’Europe - 14/09/2023