Newsletters: huit clés pour réussir son offre éditoriale et sa diffusion
Par Cyrille Frank, fondateur de Mediaculture.fr
Utile, originale, concise, bien titrée… voici huit conseils clés pour réussir sa newsletter à l’heure de l’infobésité et de la bataille pour l’attention.
1. Soyez utile, au sens large du terme
Ce premier point ressemble fort à un enfoncement de porte ouverte et pourtant… combien de contenus éditoriaux ne répondent pas ou mal à cette condition essentielle.
Il y a selon moi quatre grandes catégories de services à rendre au lecteur. J’ai réinterprété le fameux modèle du mix-marketing des 4P (produit, prix, place, promotion) à la motivation des lecteurs, ce qui donne le “motivation-mix” suivant :
- Pensée : en quoi le contenu me fait comprendre le monde et moi-même
- Pratique : en quoi l’information m’aide dans ma vie concrète
- Plaisir : en quoi le contenu me divertit, m’apporte du plaisir (y compris de l’agrément de lecture), m’informe sur mes passions
- Partage : un service placé au centre du schéma ci-dessus car tous les contenus, s’ils sont bons, nous aident à nous socialiser.
Une information utile, drôle, émotionnelle se partage avec ses amis, sa famille, etc . Et ce n’est pas nouveau ! Il y a toujours eu un journal dans les cafés, lieu de socialisation, par excellence. On a besoin d’alimenter la conversation et l’information est le principal carburant social.
Il faut bien comprendre ensuite que le niveau de service doit être suffisant. Tout comme le SMR (service médical rendu) détermine le taux de remboursement des médicaments de la Sécurité sociale au patient, j’invoque le SIR, le service d’information rendu.
Il ne suffit pas d’écrire un article sur les dix accessoires chic à porter cet été. Il faut aussi indiquer le prix, les adresses où les acheter et si possible au meilleur prix. Le sujet devient donc « les dix accessoires chic de cet été, à prix modique ».
Si l’on écrit un article sur le record de déficit du budget de l’Etat, il faut en expliquer la raison cette année, montrer l’évolution, et trouver les principales causes (et responsables). etc. Le niveau de pensée, de compréhension doit être suffisant, sinon on ne sert pas assez son lecteur !
2. Adoptez un ton original et engageant
L’originalité est une condition quasiment nécessaire pour émerger dans l’océan de toutes les newsletters disponibles. Mais ce n’est pas une condition suffisante, évidemment. Il faut aussi être pertinent, c’est-à-dire s’adapter à ses lecteurs.
Comme me le faisait remarquer une personne de l’assistance lors d’une conférence dédiée à ce sujet : « être décalé, original, c’est bien gentil, mais moi mon public, ce sont les institutions locales en B2B, alors on ne peut pas rire à gorge déployée ! ».
Evidemment, il faudra sans doute éviter le tutoiement et le langage familier. Mais rien n’empêche d’être créatif sur les intitulés des rubriques, sur les formats.
Par ailleurs, on peut être proche, ne serait-ce que via la simplicité du langage qu’on emploie. Les professionnels sont des gens comme tout le monde vous savez, ils aiment s’amuser (dans une certaine mesure). Mais ils apprécient surtout qu’on leur explique simplement les choses, sans les prendre de haut, sans perdre en précision, ni en exactitude. ?
Prenez exemple sur le dessinateur Xavier Gorce qui évoque la vie en entreprise avec humour et finesse.
Il appartient en tout cas à chacun de trouver sa recette et son ton propre – équilibre subtil entre proximité et rigueur – pour émerger.
La newsletter de MyLittleParis a trouvé le sien avec un ton décontracté, mais sans vulgarité : « un petit déjeuner qui déboite, servi dans un atelier de gravure, un podcast qui va vous scotcher, plus que la dernière série Netflix, un Spritz qui se dandine sous une verrière d’hiver…”. Ici pas de tutoiement, l’écriture est très « visuelle », la reprise des modes de vie des CSP + et l’utilisation de belles photos.
3. Faites court : optez pour la sélection et la concision
Brief.me est un exemple réussi de newsletter, car elle parvient à donner une explication précise et concise de problèmes complexes liés à l’actualité. Les articles privilégient phrases courtes et termes simples (autant que possible). Pas étonnant qu’elle soit lue en grande partie par des étudiants, comme j’ai pu le vérifier.
C’est ce que j’appelle la progressivité horizontale : ce qui se passe, où et quand, avant le comment ou le pourquoi. Cela permet de diffuser plus efficacement le message essentiel et d’augmenter grandement les chances qu’il soit compris et – éventuellement, soyons fous – retenu.
La progressivité verticale permet ensuite d’aller plus loin dans l’info, (le pourquoi et le comment) et les informations complexes que l’on peut évacuer à l’aide des liens vers d’autres pages.
Cette concision est un des grands services que l’on peut rendre aujourd’hui à nos lecteurs à l’heure de la profusion de l’information, et de l’activisme constant : leur faire gagner du temps. Donnez l’information le plus vite possible, apportez un service clés en mains, dire les choses avec clarté et simplicité, sans déformation.
4. Soignez le timing de diffusion
Les horaires de diffusion de la newsletter doivent s’adapter à la vie de nos lecteurs et à la manière dont ils consomment l’information : quel type d’information consultent-ils plutôt sur quel écran, et à quel moment surtout.
L’ordinateur classique, tour ou portable est plus lié à une consultation de travail, encore que le portable soit de plus en plus d’usage domestique, grâce à l’irruption des ultra-portables à mémoire flash.
La tablette se consulte plutôt le soir au lit notamment, le mobile pendant le temps de transport du matin et du soir, et en continu tout au long de la journée, en surplomb de tous les autres supports.
Mais il faut aller plus loin et penser aussi à notre motivation de lecteur selon le moment de la journée. Je distingue deux grands états d’esprit différents liés au besoin de socialisation (autrui) ou de passion (soi).
Le matin, on a surtout besoin d’info sociale, car nous préparons la conversation de la machine à café, ce sera l’info chaude (celle des matinales des radios ou des une de sites web). A midi et avant de partir du bureau aussi : on échange des liens avec ses amis, pour se valoriser socialement ou/et rendre service (l’un n’exclue pas l’autre, au contraire).
Le soir après 22h, c’est la fin de la socialisation autorisée (à part en cas d’urgence ou de famille très envahissante!). On peut se faire plaisir soi, de même que le week-end, surtout le dimanche. Ou rattraper son retard : c’est l’info de rattrapage. La newsletter du soir de Brief.me est ainsi plus longue que celle du matin. »
On tâchera donc de privilégier les contenus en adéquation avec cette grosse distinction sociale/soi. Et on évitera ainsi de déranger nos lecteurs.
On privilégiera quoi qu’il en soit, la consultation sur mobile : « 81 % des gros consommateurs d’e-mails, cibles prioritaires de nos newsletters, utilisent des appareils en mobilité notamment à trois moments clé : le matin, le midi et le soir après 17h.
5. Peaufinez l’objet de votre e-mail
L’objet, c’est le titre et aussi l’ambassadeur de la newsletter. S’il n’est pas clair, s’il n’est pas accrocheur, elle ne sera pas lue.
Evitez les objets nébuleux : « C’est parti », « Amour, Gloire et Forêt » qui n’indiquent pas de quoi il s’agit ! Ou encore le nom de la newsletter et sa date, qui lassent à la longue et ne donne aucune info sur son contenu.
L’objet de la newsletter peut être long et précis avec plusieurs sujets énoncés courts comme dans cet exemple de brief.me « accords en Syrie l Réforme de l’état l prévoir la perte de son smartphone » qui propose un panachage de besoins différents (pratique, pensée…) .
Le titre peut aussi être court. Faire un objet concis permet de se distinguer visuellement dans les boîtes mail. C’est aussi une stratégie d’émergence visuelle. Cet objet court peut prendre la forme d’un teasing et énoncer une forte promesse.
6. Surveillez vos statistiques
Le suivi précis des statistiques vous permet d’affiner votre offre éditoriale, afin de mieux servir vos lecteurs. Pour en tirer le meilleur parti, il faut faire de nombreux tests au début.
- Variez les objets courts, longs, informatifs, incitatifs…
- Changez l’emplacement des sujets d’appel (en haut, au milieu ou en bas de votre newsletter)
- Essayez plusieurs horaires de diffusion : tôt le matin vers 7h, à 9h30 (le moment où une majorité de lecteurs se mettent au travail au bureau en grandes métropoles), à la pause déjeuner entre 12h et 14h, le soir avant de quitter le bureau (18h30), après le premier programme télé, vers 22h…
- Essayez plusieurs types de visuels : représentatifs, illustratifs cadrages serrés ou larges, tons bleutés ou plutôt rouges (en fonction de votre charte graphique évidemment)…
- Insérez des liens dans le texte, au milieu ou la fin de votre newsletter…
Ce n’est qu’après plusieurs tests récurrents sur chaque paramètre qu’on peut éventuellement en tirer des conclusions.
Attention à ne pas définir de règles fondées sur un test trop court dont le résultat peut être lié à un phénomène conjoncturel et pas structurel (ex : il a fait beau ce jour là, les gens sont sortis se promener, ils n’ont pas lu votre newsletter, pas plus qu’ils n’ont été sur internet).
Pour évaluer la performance de votre newsletter, il faut regarder les taux d’ouverture et de clic. Et surtout vérifier que les chiffres sont stables, voire en progression.
Voici un exemple de taux d’ouverture et de clics selon le domaine d’activité, par une solution d’e-mailing en ligne.
7. Prenez garde aux aspects techniques
La première chose est de bien choisir son outil d’e-mailing. Il faut savoir que si vous prenez un obscur diffuseur, vous prenez le risque que les clients e-mail (Outlook, Orange mail, yahoo, Gmail…) de vos lecteurs placent votre newsletter en spam.
Mailchimp est reconnu pour sa fiabilité (notamment en faisant le ménage des bases e-mail en cas de taux de rejet trop élevé. Ce n’est pas le cas de toutes les plateformes qui peuvent être beaucoup plus souples sur ce point ( et donc peuvent être mis en spam par défaut dans certains clients mail).
Ensuite, naturellement votre newsletter devra être responsive, c’est à dire s’adapter aux différent supports de consultation : smartphone d’abord, puis PC et tablette.
Le code sera propre, les images optionnelles (elles ne s’affichent pas par défaut dans la plupart des clients mail) et bien titrées et légendées pour permettre une compréhension de leur contenu et activer un affichage éventuel.
8. Créer du lien social, pas du trafic
Dernier point et pas des moindres, il faut de plus en plus se passer du clic qui en train de mourir lentement, tué par la bataille pour l’attention et l’invention du slide de smartphone.
La newsletter devra donc être conçue comme un produit autonome (même si les liens permettent d’aller plus loin) et pas comme un prétexte pour créer du trafic sur son site, via des accroches pauvres en information.
Peu importe les pages vues qui ne sont pas (ou très mal) monétisées. Cela évidemment est important pour une newsletter de e-commerce, mais comme outil de com’, mieux vaut tout dire dans l’e-mail. C’est comme les communiqués de presse des agences de RP : ne les ajoutez pas en fichier attaché, vous limitez votre lectorat à 10% !
La première clé de réussite de votre newsletter est donc naturellement la qualité du contenu proposé. Ne choisissez que les sujets les plus forts, faites moins, mais mieux. Peu importe que cette video ratée vous ait pris beaucoup de temps à produire, qu’elle vous ait coûté de l’argent. Si la vidéo est mauvaise, ne la distribuez pas ! Et faites gagner du temps à vos lecteurs, c’est un bien précieux qui est apprécié plus que jamais à l’heure de la surcharge informationnelle.
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- Voir ma conférence en vidéo sur ce sujet
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- Ma présentation détaillée (slideshare)
L’expert:
Cyrille Frank est directeur de l’ESJ Pro Medias Paris – centre de formation continue pour les journalistes, producteurs de contenus et communicants. Ancien journaliste, formateur et consultant pour les médias. Fondateur de Mediaculture.fr et des Eclaireursdelacom.fr.
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