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[FICTION] Retour aux sources, séduction à l’embauche

Par Car Blabla, pseudo d'un collaborateur de start-up

Cette semaine, nous vous proposons de découvrir le retour d’expérience d’un collaborateur de start-up sur la relation ambiguë avec les fonds d’investissement,  le décalage entre communication et réalité… Ou simplement son expérience dans une machine à brûler du cash. 

Contexte 

Nous sommes en janvier 2017.

J’ai quitté ma première start-up (appelons-la Alpha) à l’été 2016 et suis revenu dans le conseil à La Défense. Après 6 mois, je n’ai pas à me plaindre. La paie est bonne, les opportunités sont réelles, je connais le métier.

C’est alors qu’un de mes anciens clients Alpha d’un groupe d’Assurances avec qui j’avais sympathisé me contacte :

«Je viens de rencontrer une start-up américaine dans la maintenance préventive automobile. Elle recherche son Responsable Europe et m’a demandé si j’avais des idées. Je peux leur parler de toi ?»

Mon ancien client le sait, je suis issu de l’automobile, et il tape juste : revenir en start-up aux mêmes conditions que dans le conseil et surtout avec un plan d’actions – ESOP Plan ou BSCPE.

Mon contact est transmis. Le CEO ne tarde pas à m’appeler.

En février, nous échangeons par Skype à deux reprises : une fois il est en Asie, une fois il est sur la côte ouest américaine. Pour moi qui n’ai fait ma carrière qu’en France, c’est impressionnant : il change de continent chaque semaine !

Fin février, il est de passage à Paris. Nous nous rencontrons au café dans le hall d’un hôtel de La Défense.

La start-up (appelons-la Omega) est prometteuse : A peine un an d’existence et déjà une levée en seed de 2 milliards de dollars avec des noms clinquants au capital. Il y a un business à intensifier sur un des investisseurs français dont seul le pilotage semble à effectuer.

Mais il faut recruter. Seuls deux membres composent Omega : le CEO et le CTO.

Le CEO est rassurant : la cinquantaine, français mais depuis 12 ans en Asie, gérant de plusieurs sociétés.

Il apparaît surtout affable, aimable, charismatique et ambitieux pour sa start-up. Extraordinairement charmeur.

Je suis évidemment emballé par le projet et par le personnage.

En quelques semaines, j’accepte l’offre d’Omega, démissionne et négocie un préavis d’un mois que je réalise on ne peut plus professionnellement.

Après tout, on sait ce qu’on quitte, on ne sait pas ce qu’on trouve, je pourrais revenir.

J’intègre Omega le 9 mai 2017.

Comment détruire en quelques mois la confiance donnée

A mon arrivée en mai 17 chez Omega, le cahier des charges est clair : tout est à défricher sur le marché de l’automobile voire de la mobilité connectée.

Donc communication au rupteur sur la technologie révolutionnaire et présence salons à gogo.

Être sur une mine d’or sans outil

Cependant, une verticale métier semble évidente : un de nos investisseurs, français et leader européen de l’après-vente automobile (nommons-le Mobauto), a commandé 10 000 pièces de notre boîtier pour le tester auprès de ces clients.

L’objectif pour la fin de l’été 2017 est de valider les fonctionnalités attendues par les utilisateurs finaux et, accessoirement, de valider que les promesses technologiques ne sont pas que des promesses.

Fin septembre, une grande convention Mobauto serait le dévoilement de leur stratégie marketing pour rester en contact avec leurs clients automobilistes, de façon analytique, contextuelle et surtout proactiveOmega serait une brique importante de cette stratégie.

L’opportunité est exceptionnelle : le réseau de centres automobiles est présent à l’international. Rien qu’en France, ce sont près de 400 centres de forte notoriété dont la plupart sont succursalisés.

La priorité était donc le lancement de l’application mobile sur Android (Google) et iOS (Apple) permettant de communiquer avec l’utilisateur final – soit le client automobiliste – et de lui donner un diagnostic de sa voiture.

L’optimisme ouest-américain face au réalisme du Nord

J’ai pu constater à ce moment la différence d’optimisme entre notre CTO américain et Mobauto.

Tandis que le premier apparaissait toujours détendu et confiant, nos interlocuteurs français semblaient nettement plus agacés au fur et à mesure qu’ils découvraient l’état embryonnaire de notre technologie et notre incapacité à développer une application communiquant en Bluetooth.

J’ai découvert à ce moment que notre CTO était un expert hardware (matériel) et pas du tout software (logiciel). La conception du boîtier connecté semblait bonne, mais quid de le faire communiquer correctement auprès de nous, de nos partenaires et du client final ?

Pourtant, notre CTO trouvait à chaque fois la réponse sur les bugs, anomalies, régressions – comme si le temps et les ressources alloués étaient infinis. Il faut dire que les besoins métiers ne sont, en général, pas bien perçus par un CTO : le métier du client ce n’est pas son métier. C’est au Business ou au Product-Owner de faire la jonction.

C’est pourquoi j’ai remonté mon étonnement à plusieurs reprises, avec tout le tact et l’assertivité qu’un nouvel arrivant doit avoir, qui plus est face aux deux fondateurs d’une start-up aussi prometteuse. J’ai eu le sentiment d’être écouté à cette période, et la pression fut mise sur la couche visible, la couche haute : l’application mobile.

J’apprendrai par la suite que nous n’étions, en fait, qu’en phase de recherche.

L’élaboration de l’application mobile devait nous permettre d’acquérir des data pour les analyser, les interpréter et, in fine, voir si l’apprentissage automatique (machine-learning) pourrait s’effectuer. Malgré les embauches réalisées par Omega pour la créer, cette application entre eux et nous ne verra pas le jour.

Après cinq mois de tests avec une équipe dédiée Mobauto, le DG décida fin juillet 2017 de siffler la fin de notre collaboration opérationnelle : les promesses technologiques n’auront jamais été démontrées lors des tests malgré les moyens mis à notre disposition.

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