Données personnelles: la fine frontière entre personnalisation et intrusion
Par Bertrand Duperrin, expert FrenchWeb
La GDPR va bientôt fêter son premier anniversaire. Toutes les entreprises ne sont pas totalement au point et au final on n’est pas si sûrs que les clients aient réussi à profiter de l’occasion pour limiter les données qu’ils partageaient mais une chose est certaine : ça a été l’occasion de remettre le sujet des données personnelles sur la table et de sensibiliser tous ceux qui étaient encore un peu ingénus en la matière.
Le consommateur schizophrène avec ses données
D’un autre côté protéger les données personnelles du consommateur c’est bien mais encore faut il que le dit consommateur soit parfaitement au clair au sujet de ce qu’il veut partager ou pas. Et je ne pense pas qu’en la matière il ait une religion absolue, c’est plutôt au cas par cas.
Comme mentionné dans cette interview de la Vice-Présidente marketing de L’Oréal USA, lorsque le consommateur donne de la donnée il attend quelque chose en retour. Il attend une expérience personnalisée. Reste à savoir ce qu’on met derrière expérience personnalisée.
Très souvent pour la marque, expérience personnalisée signifie qu’elle va pouvoir vous mettre sous le nez des produits que vous serez davantage tenté d’acheter. Elle optimise donc surtout son marketing.
Le client quant à lui peut mettre d’autres choses derrière la notion de personnalisation. Certaines formes de reconnaissance, une personnalisation du parcours, de l’interface, etc.
De l’importance de capter l’intention et le contexte du client
Et puis le client n’est pas le seul facteur à prendre en compte vu que lui même varie en fonction de son contexte.
Faisons le parallèle avec ce qui se passe quand on rentre dans un magasin. Parfois on peste parce qu’il est impossible de trouver un vendeur ou parce que les vendeurs présents semblent totalement se désintéresser des clients. A l’inverse on peut également être excédé lorsqu’à peine la porte franchie un vendeur vous tombe dessus sans vous laisser respirer.
Un seul client, deux attitudes radicalement opposées. Et pourquoi ? Parce que le plus souvent dans un cas on est en mode flânerie, en mode exploratoire alors que dans le second on a un besoin identifié et on rentre pour acheter et en finir au plus vite.
Qu’est-ce qui change ? L’intention. On ne rentre pas avec les mêmes objectifs et donc on s’attend à deux types d’expériences radicalement différentes.
On peut établir un parallèle avec l’expérience en ligne où la personnalisation qui sera perçue comme une aide par celui qui vient pour acheter sera vécue comme une agression par le flâneur. Et ce encore davantage si cela se traduit par une campagne de retargetting intense qui, là encore, aidera l’un et exaspérera l’autre. Alors que l’un et l’autre sont la même personne mais dans un contexte différent.
Mais c’est là que se situe la fine frontière entre personnalisation et intrusion. Entre aide et agression.
Est-il possible de connaitre l’intention d’un client ?
Ce qui pose la question de savoir s’il est possible de savoir ce qu’un client a dans la tête. Un bon vendeur vous dira qu’à son regard, à son attitude dès qu’il passe la porte du magasin il sait quelle posture adopter. Mais cela concerne les bons vendeurs et je pense que c’est intimement lié au secteur voire au positionnement du magasin.
Et en ligne? Aujourd’hui la promesse de certaines solutions adtech est de prédire le profil et l’intention d’achat du visiteur. Est-elle tenue? Il semblerait qu’on soit encore loin du compte. De plus la GDPR ne va pas nécessairement aider lorsqu’il s’agit de comprendre l’intention d’un client en fonction de ce qu’il a fait sur d’autres sites précédemment…ce qui aurait pourtant du sens ici.
Mais aussi difficile – impossible ? – que cela puisse sembler c’est bien à ce prix que les commerçants arriveront a rester du bon côté de la barrière au niveau de la perception que le consommateur a de l’utilisation faite de ses données.
L’expert:
Bertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.
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