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[DECODE] Que cache Verily, la filiale de Google dédiée aux sciences de la vie?

Une bonne dose de mystère entoure Verily, l’organisation de recherche en sciences de la vie et ingénierie d’Alphabet. Elle a annoncé dernièrement avoir obtenu l’autorisation de la Food and Drug Administration (FDA), l’agence fédérale américaine des denrées alimentaires et des médicaments, pour doter sa « Study Watch » d’un électrocardiogramme. L’appareil expérimental de Verily, lancé en avril 2017 et bourré de différents capteurs, servait jusqu’ici à récolter des informations médicales lors de recherches cliniques sur des volontaires. Désormais équipé d’une fonctionnalité électrocardiogramme, la montre connectée pourrait, à terme, venir concurrencer la Apple Watch 4, disponible au grand public et également équipée d’un électrocardiogramme. Mais pour cela, Google devra faire sortir des salles d’hôpital sa montre délivrée, pour le moment, uniquement sur ordonnance.

La filiale spécialisée dans la santé d’Alphabet pourra sans doute dans ce cadre s’appuyer sur des équipes de recherche et développement financées par son dernier tour de table : pas moins d’un milliard de dollars levés au début de l’année. L’opération suit une première levée de 800 millions de dollars en janvier 2017. Si ce nouveau financement révèle l’ampleur de l’ambition de Verily dans le secteur, le floue reste entier sur les intentions concrètes de l’entreprise, dont on ne connaît même pas le nombre de collaborateurs.

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On apprenait simplement en début d’année via un communiqué que Verily prévoit avec ces fonds « d’appuyer son développement dans des zones stratégiques clés » avec la signature de différents « partenariats stratégiques », de nouvelles « opportunités mondiales de développement commercial » et d’ « éventuelles acquisitions ». Verily ne fournira pas plus de détails et n’a pas donné suite à une demande de précisions de FrenchWeb.

« Accroître la flexibilité et l’optionalité » de Verily

Menée par Silver Lake, fonds d’investissement dans le secteur de la technologie, l’opération vise à permettre à l’entreprise de développer des stratégies commerciales complémentaires à ses activités scientifiques initiales. Parmi les nouveaux investisseurs présents dans ce tour de table figure notamment l’Ontario Teachers’ Pension Plan (OTPP – Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario), aux côtés d’autres sociétés de gestion de placements. L’OTPP fait partie des premiers investisseurs institutionnels dans le monde. Dans le cadre de ce tour de table, Ruth Porat, directrice financière d’Alphabet, et Egon Durban, associé directeur et directeur général de Silver Lake, vont par ailleurs intégrer le comité de direction de Verily.

Le CEO de Verily et généticien Andrew Conrad a indiqué que ce financement externe devrait « accroître la flexibilité et l’optionalité » de la société. L’arrivée d’un groupe équilibré d’investisseurs chevronnés (…) va nous préparer davantage à opérer, alors que le secteur de la santé continue sa progression vers la production de données probantes et de modèles de remboursement basés sur la valeur ».

Avant d’en arriver à cet objectif de diversification et aux montres connectées dotées d’électrocardiogrammes, Verily a déjà exploré de nombreuses pistes de développement dans les sciences de la vie.

« Cartographier la santé de l’humanité » 

La filiale d’Alphabet, lancée autour de 2012, tient son nom d’un terme archaïque qui se traduit par « en vérité ». Il apparaît d’ailleurs dans la pièce « Henri VIII » de William Shakespeare. Initialement une division de Google X, mystérieux laboratoire d’Alphabet dirigé par le cofondateur de Google Sergueï Brin, Verily a pris son envol en tant que filiale indépendante d’Alphabet en 2015.

Sergueï Brin décrivait alors la naissance de ce qui allait devenir Verily, anciennement « Google Life Sciences » : « il y a trois ans, nous nous sommes lancés dans un projet destiné à informatiser une lentille de contact », indiquait-il. « Je n’aurais pas pu imaginer le potentiel du projet qu’il est devenu – une équipe dédiée aux sciences de la vie dont la mission est de développer de nouvelles technologies pour rendre le secteur de la santé plus proactif. Les efforts ont donné naissance à une plateforme de nano-diagnostique, un moniteur cardiaque et d’activité, et la Baseline Study ».

Le projet « Baseline Study », justement, semble parfaitement symboliser les ambitions de Verily dans sa mission d’ « améliorer les résultats des services de santé en appliquant les dernières avancées scientifiques et technologiques à des problèmes significatifs des secteurs de la santé et de la biologie ». Mené par Verily, en collaboration avec la Duke University School of Medicine, Stanford Medicine et Google, il vise à recenser sur quatre ans les âges, les antécédents médicaux et les milieux sociaux de près de 10 000 personnes. L’entreprise avait pour but de dresser une sorte d’état des lieux de la santé d’un échantillon de l’humanité. Il s’agit de la première initiative du « Project Baseline », vaste effort destiné à « cartographier la santé de l’humanité » dont Verily est le fer de lance.

Un focus sur trois secteurs clés

Un an après son envol en 2015, Verily précisait vouloir se concentrer sur trois domaines clés : le développement de capteurs sans fil capables de générer des ensembles de données riches ; le classement de données sur la santé de différentes sources pour le machine learning et le développement de « puissants » algorithmes ; et le développement de recherches et études scientifiques capables de faire avancer de manière significative les connaissances fondamentales de la biologie et des maladies.

« Aucune entreprise seule ne peut apporter de grands changements au secteur de la santé, alors notre approche est de nous associer à des entreprises majeures des sciences de la vie, des organisations gouvernementales, des systèmes de santé, et des groupes de défense des patients dotés d’expertises accrues dans le domaine », clarifiait Verily.

C’était chose faite quelques temps plus tard avec la mise en place de plusieurs partenariats et lancements fondamentaux qui allaient définir la direction que prendrait Verily. D’abord, via la signature d’une alliance avec le Français Sanofi. Les deux entités allaient alors s’attaquer au diabète, un « marché » de 387 millions de personnes dans le monde, via la naissance d’une division commune baptisée Onduo. La joint-venture cible d’abord la communauté touchée par le diabète de type 2 et vise à développer des solutions qui leur permettent de « prendre de meilleures décisions dans leur vie de tous les jours ». Elle s’appuie par exemple pour cela sur des solutions de gestion de leur traitement. A terme, la plateforme Onduo, via des collaborations plus larges entre patients, cliniciens et professionnels de la santé, entend améliorer la prévention-même du diabète.

Toujours dans le diabète, Verily a en parallèle signé un partenariat avec Dexcom, société américaine qui développe, fabrique et distribue des systèmes de surveillance continue du glucose. Les deux entités développent des moniteurs miniatures de contrôle en continu du glucose avec pour objectif la réduction de la taille des objets, mais aussi de leur prix. Les appareils prennent la forme de patchs miniatures, sans fil et connectés.

La société et le Britannique GSK ont ensuite investi conjointement dans Galvani Bioelectronics pour favoriser la recherche, le développement et la commercialisation de médecines bioélectroniques. L’entité combine « la découverte de médicaments, le développement d’expertises et de compréhension accrue en biologie des maladies de GSK » et « l’expertise technique de Verily en miniaturisation d’appareils électroniques à faible puissance, développement d’appareils, analyse de données et développement de logiciels pour application clinique. » A la clé, la promesse de pouvoir traiter des maladies en modulant des signaux électriques dans des nerfs périphériques via des implants miniatures.

Vint par la suite un partenariat avec Alcon, division de soins oculaires du groupe pharmaceutique suisse Novartis, pour le développement d’un programme de lentille intelligente. Les lentilles développées sont destinées aux personnes soufrant de presbytie, ainsi qu’à l’amélioration de la vue à la suite d’opérations de la cataracte. Les objets sont composés de circuits intégrés minuscules, de capteurs et d’éléments sans-fil conçus par Verily.

Enfin, dans les premiers projets du nouveau Verily apparaissait par ailleurs le lancement en joint-venture avec J&J de Verb Surgical, spécialiste en chirurgie robotique. L’entreprise a imaginé une plateforme intelligente d’opérations chirurgicales digitales. Celle-ci combine robotique, outils de visualisation, instrumentations avancées, machine learning et connectivité en une seule solution destinée aux chirurgiens. Le projet espère notamment améliorer le taux de succès des opérations et l’accès à la chirurgie la moins invasive possible, mais aussi réduire les coûts de la santé.

De nouveaux projets

Depuis ces premiers projets, le nouveau Verily s’est investi dans plusieurs nouvelles entreprises :

  • Le projet Debug, constitué d’un groupe de scientifiques et ingénieurs qui développement une technologie capable de « stopper les mauvais insectes avec de bons insectes » ;
  • Liftware, société qui conçoit des ustensiles stabilisants à destination des personnes souffrant de tremblement des mains ou de mobilité réduite des mains ou des bras ;
  • un partenariat avec Nikon et sa filiale Optos pour développer des technologies capables de détecter les rétinopathies diabétiques et les œdèmes maculaires diabétiques ;
  • un partenariat avec 3M Health Information Systems (HIS) pour la conception d’une plateforme technologique destinée à concevoir des outils et services de mesure de la santé des populations ;
  • une collaboration avec la Heywood, Middleton and Rochdale Clinical Commissioning Group du National Health Service britannique et Merck Sharp & Dohme Limited sur un projet d’amélioration des soins fournis aux personnes souffrant de maladies à long terme ;
  • le développement, en partenariat avec Gilead, d’une plateforme de cartographie et de compréhension du système immunitaire appelée Immunoscape.
  • l‘élaboration d’une étude, avec Biogen et Brigham and Women’s Hospital, sur les différences d’analyse de la progression de la sclérose en plaques ;
  • le lancement d’une subvention de recherche de 75 millions de dollars baptisée One Brave Idea, avec la American Heart Association et AstraZeneca. L’initiative vise à encourager la recherche en prévention des maladies coronariennes ;
  • le lancement d’une étude pluriannuelle aux Pays-Bas dont le but est d’explorer les causes de la maladie de Parkinson, en collaboration avec la Radboud University Medical Center, la Radboud University t ParkinsonNet ;
  • le « All of Us Research Program », un projet de recherche financé par les National Institutes of Health américaines et qui a pour ambition d’engager un million de participants américains pour l’amélioration de différentes maladies.
  • Alliance avec quatre grands laboratoires pharmaceutiques: le Français Sanofi, le Suisse Novartis, l’Américain Pfizer et la Japonais Otsuka pour s’attaquer au secteur des essais cliniques.

Un fil conducteur : l’information

Verily semble ainsi avoir ouvert une grande variété de fronts dans le secteur de la santé. Si cette diversité peut au premier abord susciter une impression d’éparpillement ou d’appétit surdimensionné — même pour Google —, un fil conducteur lie ces différents projets, selon Jessica Mega, chief medical officer de Verily, chez Business Insider : l’information. En d’autres termes, la quantité de données va continuer à croître et submerger les professionnels de la santé, les fournisseurs et les patients, et Verily sera là pour les sauver.

« Nous avons atteint le point d’inflexion de la data – nous passons de giga-octets de données dans la santé à des téra-octets », a souligné Mme Mega. Elle a ajouté qu’avec le nouveau financement d’un milliard de dollars, Verily va « essayer de garder une longueur d’avance par rapport à l’infrastructure que nécessite la gestion de cette prochaine vague de données ».

« C’est là que se situe notre valeur, selon moi », a-t-elle conclu.

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